Satan s'incarnant en Judas - Jésus passionnel et victimal face à lui ?
Diverses autres circonstances montrant les dispositions de Judas
Lors des préparatifs du banquet, Judas commence à "mettre l'ambiance" tout en dissimulant soigneusement ses intentions :
EMV 600.3
(...)
– Et avec cette puanteur de… Bon ! tais-toi, Pierre, grommelle Pierre entre ses dents.
– Toi aussi !… Tu me sembles fou depuis quelque temps. Tu as la tête d’un lapin sauvage qui sent derrière lui le chacal, répond Judas.
– Et toi, tu as le museau de la fouine. Toi aussi, tu n’es pas très beau depuis quelques jours. Tu regardes d’une façon… Tu as même l’œil de travers… Qui attends-tu ou qu’espères-tu voir ? Tu sembles plein d’assurance, tu veux le faire paraître, mais tu as l’air d’avoir peur, réplique Pierre.
– Pour ce qui est de la peur… tu n’es certainement pas un héros, toi non plus ! »
(...) (...)
– Oui. Il nous a tous influencés par sa mélancolie » constate Judas.
Jacques, fils d’Alphée, lance :
« Mon cousin Jésus, mon Maître et Seigneur et le vôtre, est et n’est pas mélancolique. Si tu veux dire par là qu’il est triste à cause de la souffrance excessive que tout Israël est en train de lui infliger, et que nous voyons, sans compter l’autre douleur cachée que lui seul voit, je te dis : “ Tu as raison. ” Mais si tu utilises ce mot pour dire qu’il est fou, je te l’interdis.
– N’est-ce pas de la folie qu’une idée fixe de mélancolie ? J’ai fait aussi des études profanes, et je sais. Il a trop donné de lui-même. Maintenant, il a l’esprit épuisé.
– Ce qui signifie de la démence. N’est-ce pas ? demande Jude, apparemment calme.
– Exactement ! Ton père, qui était un juste de sainte mémoire et à qui tu ressembles pour la justice et la sagesse, l’avait bien vu ! C’est le triste destin d’une illustre maison trop vieille et frappée de sénilité psychique : Jésus a toujours eu une tendance à cette maladie, d’abord douce, puis toujours plus agressive. Tu as pu constater comment il a attaqué pharisiens et scribes, sadducéens et hérodiens. Il s’est rendu la vie impossible comme un chemin couvert d’éclats de quartz. Et c’est lui qui les a semés. Nous… nous l’aimions tant que l’amour nous l’a caché. Mais ceux qui l’ont aimé sans l’idolâtrer : ton père, ton frère Joseph, et Simon au début, ont vu juste… nous aurions dû ouvrir les yeux en les écoutant. Au contraire, nous avons tous été séduits par sa douce fascination de malade. Et maintenant… Hélas ! »
Jude, qui est aussi grand que Judas et se tient exactement en face de lui, paraît l’écouter paisiblement ; mais il a un déclic violent et, d’un puissant revers de main, il étale Judas sur un des sièges puis, avec une colère contenue, sans éclat de voix, il se penche, et siffle sur son visage de lâche :
« Voilà pour la démence, reptile ! Et c’est seulement parce qu’il est à côté et que c’est le soir de la Pâque que je ne t’étrangle pas. Mais réfléchis, réfléchis bien ! S’il lui arrive du mal et qu’il n’est plus là pour arrêter ma force, nul ne te sauvera. C’est comme si tu avais déjà la corde au cou, et ce seront ces mains honnêtes et fortes d’artisan galiléen et de descendant du frondeur de Goliath qui feront ton affaire. Lève-toi, mollasson libertin ! Et surveille ta conduite ! »
Judas, craignant peut-être que Jude ne soit au courant de son crime, ne réagit pas. Livide, il se relève, sans la moindre réaction. Et, ce qui me surprend, personne ne réagit au nouveau geste de Jude. Au contraire !… Il est clair que tous approuvent.
Jésus est arrivé, après les préparatifs de la Cène :
(...)
– Nos cheveux plus blancs que noirs peuvent t’assurer que nous ne nous sommes pas absentés par le désir de la chair, assure Simon le Zélote avec sérieux.
– Bien que… à tout âge on peut avoir cette faim… Les vieux sont pires que les jeunes… » lance Judas sur un ton offensif.
Simon le regarde et s’apprête à répliquer. Mais Jésus le regarde aussi et dit :
« Tu as mal aux dents ? Tu as la joue droite enflée et rouge.
– Oui, j’ai mal. Mais cela ne mérite pas qu’on s’en occupe. »
Les autres gardent le silence, et l’affaire se termine ainsi.
( D'autres provocations salaces de Judas vont suivre, ndt )
Jésus place chacun de ses apôtres autour de la table :
(...)
Jésus se plonge dans ses pensées, tête penchée, comme isolé dans son monde secret. Les autres le regardent sans mot dire.
Il relève la tête et fixe Judas, auquel il dit :
« Tu seras en face de moi.
– Tu m’aimes à ce point ? Plus que Simon, que tu veux toujours avoir en face de toi ?
– Effectivement. Tu l’as dit.
– Pourquoi, Maître ?
– Parce que tu es celui qui a le plus contribué à cette heure. »
Judas jette sur le Maître et sur ses compagnons un regard entièrement différent. Il dévisage le premier avec compassion, et toise les autres avec un air de triomphe.
(...)
Inspection des armes :
(...)
« Pierre et moi, nous sommes armés, ce soir. Nous avons celles-ci, mais les autres n’ont que leur court poignard. »
Jésus prend les épées, les examine, en dégaine une et essaie le tranchant sur l’ongle. C’est très étonnant, et cela fait une impression encore plus étrange de voir cette arme féroce dans les mains de Jésus.
Tandis que Jésus poursuit son examen silencieux, Judas demande :
« Qui vous les a données ? »
Il paraît sur les charbons ardents…
« Qui ? Je te rappelle que mon père était noble et puissant, répond Simon le Zélote.
(...)
Judas pendant le lavement des pieds
(...)
( Jésus ) s’agenouille, délace les sandales de Judas et lui lave les pieds l’un après l’autre. Il lui est facile de le faire, car les lits-sièges sont disposés de façon que les pieds sont tournés vers l’extérieur. Stupéfait, Judas garde le silence.
Mais lorsque Jésus, avant de chausser le pied gauche et de se lever, fait le geste de lui baiser le pied droit déjà chaussé, Judas retire vivement son pied et frappe involontairement de sa semelle la bouche divine. Ce n’est pas un coup fort, mais il me cause une vive douleur. Jésus sourit et, à l’apôtre qui lui demande :
“ T’ai-je fait mal ? Je ne voulais pas… Pardon ”,
il répond :
« Non, mon ami. Tu l’as fait sans malice, donc cela ne me fait pas mal. »
Judas pose sur lui un regard troublé, fuyant…
(...) (...)
Jésus a fini. Il enlève le linge, se lave les mains dans de l’eau propre, remet son vêtement, retourne à sa place, et dit en s’asseyant :
« Maintenant vous êtes purs, mais pas tous : seulement ceux qui ont eu la volonté de l’être. »
Il regarde fixement Judas, qui fait mine de ne pas entendre, et feint d’être occupé à expliquer à son compagnon Matthieu comment son père s’est décidé à l’envoyer à Jérusalem… conversation inutile dont le seul but est de donner une contenance à Judas qui, malgré son audace, doit se sentir mal à l’aise.
(...)
Le chant des psaumes :
(...)
Après encore une pause, un long hymne s’élève :
« Rendez grâce au Seigneur, car il est bon, car éternel est son amour... »
Judas chante tellement faux que, par deux fois, de sa voix puissante de baryton, Thomas lui redonne la note et le regarde avec insistance. Les autres aussi l’observent, car généralement il est bien dans le ton ; j’ai d’ailleurs compris qu’il en est fier, comme du reste. Mais ce soir ! Certaines phrases, surtout quand elles sont soulignées par des regards de Jésus, le troublent au point qu’il chante faux. L’une d’elles dit : “ Mieux vaut mettre sa confiance en Dieu que se fier en l’homme. ” Une autre : “ On m’a poussé pour m’abattre et j’allais tomber, mais le Seigneur m’est venu en aide. ” Ou encore : “ Non, je ne mourrai pas, je vivrai et je publierai les œuvres du Seigneur. ” Et enfin ces deux, que je dis maintenant, étranglent la voix du traître dans sa gorge : “ La pierre rejetée par les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle ” et “ Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! ”
Le psaume fini, pendant que Jésus découpe des tranches dans l’agneau et les présente, Matthieu demande à Judas :
« Tu te sens mal ?
– Non. Laisse-moi tranquille. Ne t’occupe pas de moi. »
Matthieu hausse les épaules.
(...)
Jésus est allé donner la sainte Communion à sa Mère, puis revient au Cénacle
Jésus rentre. Il a dans les mains la coupe vide. C’est à peine s’il reste, au fond, une trace de vin et, sous la lumière du lampadaire, elle ressemble vraiment à du sang.
Judas, qui a la coupe devant lui, la regarde, comme fasciné, puis il détourne les yeux. Jésus l’observe, et il a un frisson que ressent Jean, appuyé comme il l’est sur sa poitrine.
(...)
Judas est sorti, les convives reprennent place sur les sièges autour de la table
(...) Jésus prend place sur le sien, toujours entre Jacques et Jean. Mais quand il voit qu’André s’apprête à s’asseoir à la place laissée par Judas, il s’écrie :
« Non, pas là ! »
C’est un cri impulsif que son extrême prudence ne parvient pas à retenir. Puis il se reprend :
« Nous n’avons pas besoin de tant de place. En restant assis, on peut tenir sur ces seuls sièges. Ils suffisent. Je vous veux très proches de moi. »
(...)
Ultime évocation de Judas, après le discours de Jésus après la Cène ( Jean 15 )
EMV 600.32 -
(...) (...)
« (...) Ce n’est pas vous qui vous êtes choisis. C’est moi qui vous ai choisis, et je vous ai élus afin que vous alliez parmi les peuples, que vous portiez du fruit en vous et dans le cœur des personnes qui seront évangélisées, et que votre fruit demeure. Et tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donnera.
Ne dites pas : “ Si tu nous as choisis, pourquoi avoir aussi choisi un traître ? Si tu connais tout, pourquoi avoir fait cela ? ” Ne vous demandez pas non plus qui est cet homme. Ce n’est pas un homme, c’est Satan. Je l’ai dit à mon ami fidèle, et je l’ai laissé dire par mon enfant bien-aimé. C’est Satan. Si Satan, l’éternel singe de Dieu, ne s’était pas incarné en une chair mortelle, ce possédé n’aurait pu se soustraire à mon pouvoir de Jésus. J’ai dit : “ possédé ”, mais non, il est bien davantage. Il est anéanti en Satan.
– Pourquoi, toi qui as chassé les démons, ne l’as-tu pas délivré ? demande Jacques, fils d’Alphée.
– Demandes-tu cela par amour pour toi, par peur de l’être ? Ne crains rien.
– Moi alors ?
– Moi ?
– Moi ?
– Taisez-vous. Je ne révèlerai pas ce nom. Je fais preuve de miséricorde. Faites-en autant.
– Mais pourquoi ne l’as-tu pas vaincu ? Tu ne le pouvais pas ?
– Si, je le pouvais. Mais pour empêcher Satan de s’incarner pour me tuer, j’aurais dû exterminer l’espèce humaine avant la Rédemption. Qu’aurais-je racheté, dans ce cas ?
– Dis-le-moi, Seigneur, dis-le-moi ! »
Pierre s’est laissé glisser à genoux, et il secoue frénétiquement Jésus, comme s’il était en proie au délire.
« Est-ce moi ? Est-ce moi ? Je m’examine… Il ne me semble pas. Mais… tu as dit que je te renierai… Et j’en tremble… Quelle horreur si c’était moi !…
– Non, Simon, fils de Jonas, pas toi.
– Pourquoi m’as-tu enlevé mon nom de “ Pierre ” ? Je suis donc redevenu Simon ? Tu vois ? Tu le dis toi-même ! C’est moi ! Mais comment ai-je pu ? Dites-le… dites-le, vous… Quand ai-je pu devenir traître ?… Simon ?… Jean ?… Mais parlez !
– Pierre, Pierre, Pierre ! Je t’appelle Simon parce que je pense à notre première rencontre, lorsque tu étais Simon. Et je pense combien tu as toujours été loyal dès le premier moment. Ce n’est pas toi. C’est moi qui te l’affirme, or je suis la Vérité.
– Qui, alors ?
– Mais c’est Judas ! Tu ne l’as pas encore compris ? crie Jude, qui n’arrive plus à se contenir.
– Pourquoi ne pas me l’avoir dit plus tôt ? Pourquoi ? crie aussi Pierre.
– Silence ! C’est Satan. Il n’a pas d’autre nom. Où vas-tu, Pierre ?
– Le chercher.
– Dépose immédiatement ce manteau et cette arme. Ou bien devrais-je te chasser et te maudire ?
– Non, non ! Oh ! mon Seigneur ! Mais moi… mais moi… Je suis peut-être malade de délire, moi ? Oh ! »
Pierre se jette à terre aux pieds de Jésus et pleure.
(...)
( Suit quasi textuellement saint Jean 16 et 17 )
La capture de Jésus au Gethsémani
EMV 602.19
(...) (Jésus) secoue Jacques, et celui-ci croit que c'est son frère qui l'appelle et il dit :
"Ils ont pris le Maître ?"
"Pas encore, Jacques" répond Jésus. "Mais levez-vous maintenant et allons. Celui qui me trahit est proche."
Les trois, encore étourdis, se lèvent. Ils regardent autour... Oliviers, lune, rossignols, brise, la paix... Rien d'autre. Cependant ils suivent Jésus sans parler. Les huit aussi sont plus ou moins endormis auprès du feu éteint.
"Levez-vous !" tonne Jésus. "Pendant que Satan arrive, montrez à celui qui ne dort jamais et à ses fils que les fils de Dieu ne dorment pas !"
"Oui, Maître."
"Où est-il, Maître ?"
"Jésus, moi..."
"Mais qu'est-il arrivé ?"
Et au milieu des questions et des réponses confuses, ils remettent leurs manteaux...
À peine à temps pour apparaître en ordre à la troupe de sbires, commandée par Judas, qui fait irruption dans la petite place tranquille en l'éclairant violemment avec une foule de torches allumées. C'est une horde de bandits déguisés en soldats, des figures de galériens que déforme un sourire démoniaque. Il y a aussi quelques zélateurs du Temple.
Les apôtres sautent tous dans un coin. Pierre devant, et les autres en groupe derrière. Jésus reste où il est.
Judas s'approche soutenant le regard de Jésus, redevenu le regard étincelant de ses jours les meilleurs. Et il n'abaisse pas son visage. Au contraire il s'approche avec un sourire de hyène et le baise sur la joue droite.
"Ami, et qu'es-tu venu faire ? C'est par un baiser que tu me trahis ?"
Judas baisse un instant la tête, puis la relève... insensible au reproche comme à toute invitation au repentir.
Jésus, après les premières paroles dites avec la majesté de Maître, prend le ton affligé de qui se résigne à un malheur.
Les sbires, en criant, s'avancent avec des cordes et des bâtons et cherchent à s'emparer des apôtres en plus du Christ, sauf de Judas Iscariote, naturellement.
"Qui cherchez-vous ?" demande Jésus calme et solennel.
"Jésus, le Nazaréen."
"C'est Moi !" Sa voix est un tonnerre. Devant le monde assassin et à celui innocent, devant la nature et les étoiles, Jésus se rend ce témoignage ouvert, loyal, plein d'assurance. Je dirais qu'il est heureux de pouvoir se le donner.
Mais s'il avait dégagé la foudre, il n'aurait pu faire davantage. Tous s'abattent comme une gerbe d'épis fauchés. Ne restent debout que Judas, Jésus et les apôtres qui reprennent courage au spectacle des soldats abattus, si bien qu'ils s'approchent de Jésus en menaçant si explicitement Judas que celui-ci fait un saut juste à temps pour éviter un coup de maître de l'épée de Simon. Poursuivi sans résultat à coups de pierres et de bâtons que lui lancent par derrière les apôtres qui ne sont pas armés d'épées, il s'enfuit au-delà du Cédron et disparaît dans l'obscurité d'une ruelle.
"Levez-vous. Qui cherchez-vous ? Je vous le demande de nouveau."
"Jésus, le Nazaréen."
"Je vous ai dit que c'est Moi" dit Jésus avec douceur. Oui : avec douceur. "Laissez donc libres ces autres. Je viens. Déposez les épées et les bâtons. Je ne suis pas un larron. J'étais toujours parmi vous. Pourquoi ne m'avez-vous pas pris alors ? Mais c'est votre heure et celle de Satan..."
Mais pendant qu'il parle, Pierre s'approche de l'homme qui déjà tend les cordes pour lier Jésus, et il donne un coup d'épée maladroit. S'il s'était servi de la pointe, il l’égorgeait comme un mouton.
Ainsi il ne fait que lui décoller l'oreille qui reste pendante et laisse couler beaucoup de sang. L'homme crie qu'il est mort. Il y a du désordre entre ceux qui veulent avancer et ceux qui ont peur à la vue des épées et des poignards qui brillent.
"Déposez ces armes. Je vous le commande. Si je voulais, j'aurais les anges du Père pour me défendre. Et toi, sois guéri. Dans ton âme, si tu peux, pour commencer." Et avant de tendre les mains aux cordes, il touche l'oreille et la guérit.
Les apôtres poussent des cris désordonnés... Oui. Je regrette de le dire, mais c'est ainsi. L’un crie une chose, l’autre tout l’inverse. L'un crie : "Tu nous as trahis !" et un autre : "Mais il est fou !" et un autre encore : "Et qui peut te croire ?"
Et ceux qui ne crient pas, s’enfuient.
Jésus reste seul... Seul avec les sbires... Et le chemin commence...