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Une étonnante précocité de langage et de cognition chez Marie, dans l’EMV ?

"Méfiez-vous des faux prophètes qui viennent à vous déguisés en brebis, alors qu’au-dedans ce sont des loups voraces. C’est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez."

DGC :
"L’un des points les plus surprenants au sujet de la Vierge racontée par Maria Valtorta est son extrême précocité de langage. Il ne s’agit pas seulement cependant d’une capacité verbale supérieure, mais également cognitive. Avant l’âge de trois ans, voulant laisser toute la place au Sauveur, avec une ferveur mystique manifeste, elle demande à son Père : « Comment peut-il me sauver si je ne me perds ? » (I, 11, 53)"

 

---> Quelle question en effet pour un enfant de cet âge ! Et quelle innocente preuve de sa pureté d'esprit incomparable...

1 ) DGC dépasse d’emblée toute mesure de prudence, en s’estimant apte à juger des effets, notamment en terme de précocité intellectuelle, qu'aurait put ou non produire sur l’âme de Marie sa Conception Immaculée.

---> Son cas est vite réglé par l’auteur : « Immaculée ? Oui elle le fut ; mais par contre, d’une exceptionnelle précocité d'esprit ? certainement pas, cela n'aurait aucun sens ! », semble-t-il nous affirmer ici.

---> Or, la plus élémentaire petite réflexion théologique invite justement à considérer qu'au contraire, cette grâce unique et hors du commun que fut la préservation du péché originel pour Marie devait forcément entraîner chez la Toute Sainte des aptitudes de même nature, c’est-à-dire totalement hors du commun, spécialement en matière de précocité de langage et de cognition.

2 ) L’auteur use ici d’un stratagème pour si possible détourner le lecteur du commentaire limpide qui succède au passage en question, et où Jésus répond Lui-même à l’objection.

---> Peine perdue pour notre illusionniste, puisque nous allons en proposer ci-dessous la lecture intégrale qui va le confondre.

3 ) DGC n’a pourtant aucune vraie raison d’ignorer l’existence chez les saints de cas exceptionnels d’incroyable précocité spirituelle.

---> Lisons par exemple les manuscrits autobiographiques de sainte Thérèse de Lisieux – mais aussi les cas choisis entre mille autres, de la bienheureuse Imelda Lambertini, de Rose de Viterbe, de Nellie Organ, de Nennolina, comme Jésus le rappelle Lui-même dans l’œuvre (cf ci-dessous) - , le témoignage de sainte Thérèse étant alterné avec celui de sa mère Zélie Martin à son sujet, alors qu'elle était âgée de trois à quatre ans maximum :

- « Le Bon Dieu m’a fait la grâce d’ouvrir mon intelligence de très bonne heure et de graver si profondément en ma mémoire les souvenirs de mon enfance qu’il me semble que les choses que je vais raconter se passaient hier. » (…)
( Manuscrits autobiographiques, carnet A )


- « Le bébé est un lutin sans pareil, elle vient me caresser en me souhaitant la mort : "Oh ! Que je voudrais bien que tu mourrais, ma pauvre petite Mère !… On la gronde, elle dit : "C’est pourtant pour que tu ailles au Ciel, puisque tu dis qu’il faut mourir pour y aller." Elle souhaite de même la mort à son père quand elle est dans ses excès d’amour !". » ( A, 4 r)

- « Sans en avoir l’air, je faisais une grande attention à tout ce qui se faisait et se disait autour de moi, il me semble que je jugeais des choses comme maintenant. »

- (…) « Souvent j’entendais dire que bien sûr Pauline serait religieuse ; alors sans trop savoir ce que c’était, je pensais : « Moi aussi je serai religieuse. » C’est là un de (mes) premiers souvenirs et depuis, jamais je n’ai changé de résolution !… » (A, 4 v)

- « Thérèse fait la joie, le bonheur de Marie et sa gloire, c’est incroyable comme elle en est fière. C’est vrai qu’elle a des réparties bien rares à son âge, elle en remontre à Céline qui est le double plus âgée. Céline disait l’autre jour : « Comment que cela se fait que le bon Dieu peut être dans une si petite hostie ? ». La petite a dit : « Ce n’est pas si étonnant puisque le bon Dieu est Tout-puissant. » "Qu’est-ce que veut dire Tout-puissant ?" "Mais c’est de faire tout ce qu’Il veut !…" »

« Je voudrais que tu la voies réciter de petites fables, jamais je n’ai rien vu de si gentil, elle trouve toute seule l’expression qu’il faut donner et le ton, mais c’est surtout quand elle dit : "Petit enfant à tête blonde, où crois-tu donc qu’est le bon Dieu ? "Quand elle en est à : "Il est là-haut dans le Ciel bleu" elle tourne son regard en haut avec une expression angélique ; on ne se lasse pas de le lui faire dire tant c’est beau, il y a quelque chose de si céleste dans son regard qu’on en est ravi !… »

« O ma Mère ! Que j’étais heureuse à cet âge ! Déjà je commençais à jouir de la vie, la vertu avait pour moi des charmes et j’étais, il me semble, dans les mêmes dispositions où je me trouve maintenant ayant déjà un grand empire sur mes actions. Ah ! comme elles ont passé rapidement les années ensoleillées de ma petite enfance, mais quelle douce empreinte elles ont laissée en mon âme ! »

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---> Ce témoignage démontre à lui seul la possibilité en certains cas de cette extrême précocité. C’est tout de même une fillette qui faisait déjà à cet âge des rêves inspirés, lui enseignant par exemple de ne rien craindre des démons « terrorisés par son regard d’enfant », et qui avait déjà pris la résolution définitive de devenir religieuse : ceci est assez hors du commun.

---> Que dire de ce qui concerne l’incomparable précocité de la seule Créature Immaculée, la très sainte Vierge Marie, dont l’esprit ne connut dès sa création aucune entrave dans sa faculté de connaître Dieu et de se connaître dans cette Lumière divine, au vue de ce témoignage concernant une créature, certes exceptionnelle, mais cependant pas immaculée comme sainte Thérèse de Lisieux ?

4 ) Nous savons par la Tradition que Marie entra au Temple de Jérusalem à l’âge de trois ans.

---> Or l’école rabbinique du Temple était tout sauf une crèche ou une garderie pour enfants : les pensionnaires s’y mettaient très assidument à l’école des saintes Écritures, et la sainte Vierge les sut vite par cœur.

---> Si elle avait eu encore besoin d’être traitée comme une enfant de son âge, alors ses parents l’auraient naturellement gardée avec eux, et certainement le grand prêtre n’aurait pas manqué à ce point de discernement en l’accueillant comme pensionnaire au Temple : cette seule admission est donc une preuve matérielle suffisante de sa précocité hors du commun.

5 ) Finissons par l’exemple de saint Joseph :

---> les révélations faites par le Christ à sœur Maria Cécilia Baij en 1736 sur la vie de ce si grand saint, décrivent comment il connut lui-aussi un éveil de son intelligence d’une extraordinaire précocité, qui le contraignit par exemple :

---> à « devoir accepter la condition de son tout jeune âge avec tous ses désagréments » ( sic ), « qui lui permit tout bébé, de rendre grâce à Dieu pour toute chose » ( sic ),

---> d'être pour ses parents une cause d'admiration et d'étonnement à cause précisément de l'éveil de son esprit à Dieu.

---> comment il reçut un ange supplémentaire qui lui apparut quasiment quotidiennement toute sa vie durant pour l'instruire des mystères divins cachés aux autres hommes.

---> comment cet ange lui révéla - au milieu de nombreuses tribulations venant des hommes mauvais et jaloux de lui - qu'une Vierge sans pareil demeurait au temple de Jérusalem, avec qui il fut bientôt sans la connaître encore en communion de pensée, etc…

---> La sainte église a reconnu ces révélations comme bonnes et instructives, ne nuisant pas à la foi. Et même si personne n’est obligé d’y croire pour être catholique, il y a de fortes raisons de croire que saint Joseph correspondit dans les grandes lignes à ces descriptions par sa précocité exceptionnelle, puisqu’à minima, son intelligence fut bien plus précoce que celle de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, à moins de faire de cette dernière une plus grande sainte que le propre père putatif du Verbe Incarné. Or, d’après saint Alphonse de Liguori, Dieu donne à chacun des grâces proportionnées à l’état de vie auquel Il le destine : c’est dire de quelles grâces fut surabondamment comblé saint Joseph, promis à une si haute destinée.

---> Or si le Bon Dieu favorisa ainsi saint Joseph, certes très élevé au-dessus du commun des mortels, mais cependant incomparablement moins élevé que ne le fut dès l'enfance la très sainte Vierge, comment dès lors s'étonner que Celle-ci se trouva à ce point comblée de grâces, bien au-delà de toute imagination, et par conséquent si précocement éveillée en son intelligence ?

---> DGC se révèle donc ici incapable d’avoir un regard théologique sérieux, et une connaissance de la psychologie humaine surélevée par la grâce. C'est pour lui un flop.

 

 

« Joachim la rassure en lui enseignant alors qu’elle est « déjà rachetée » – lui expliquant alors un point difficile que la théologie catholique n’a élucidé que très tard »

---> … mais que sainte Thérèse de l’Enfant Jésus expliqua dans son autobiographie ( manuscrit A, folio 39 recto ), à l’aide d’une comparaison enfantine très similaire à celle employée par Joachim, et capable d’être conçue et comprise par n’importe quelle âme simple et pure ( parabole du père enlevant la pierre du chemin de son enfant, afin qu’elle ne tombe pas ) :

EMV 7.4 - La petite Marie avec Anne et Joachim. La Sagesse du Fils est déjà sur ses lèvres.

(...) (...)
( Joachim) « C’est vrai, mon petit amour. Regarde : je t’apportais ce petit passereau qui a fait son premier vol près de la fontaine. J’aurais pu le laisser partir, mais ses faibles ailes et ses pattes trop grêles n’avaient pas assez de force pour le soulever à nouveau et le retenir sur les pierres glissantes et pleines de mousse. Il serait tombé dans l’eau. Je n’ai pas attendu que cela arrive. Je l’ai pris et je te le donne. Tu en feras ce que tu voudras. Le fait est qu’il a été sauvé avant d’encourir le danger. C’est aussi ce que Dieu a fait avec toi.

Maintenant, dis-moi, Marie, ai-je aimé davantage le passereau en le sauvant d’avance, ou l’aurais-je plus aimé en le sauvant après la chute ?

– C’est maintenant que tu l’as le plus aimé, puisque tu n’as pas permis qu’il se fasse mal dans l’eau glacée.

– Eh bien ! Dieu t’a aimée davantage, puisqu’il t’a sauvée avant que tu ne pèches. »
(...)

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1 ) Ceci est pleinement conforme à la Bonté de Dieu d’avoir su éclairer très tôt la sainte Vierge sur son état privilégié.

---> Car on ne peut pas concevoir que Marie soit la seule créature Immaculée, à ce point favorisée par Dieu ; et dans le même temps : la seule créature à qui il soit interdit par Dieu de bien se connaître dès son jeune âge, ce qui l’aurait laissée longtemps, elle et son entourage, dans des questions insolubles, incompatibles avec un bon équilibre mental.

---> Ce serait l'équivalent d'une petite fille qui ne saurait jamais si elle doit ou non aller se confesser : or on sait que la réconciliation est un élément capital de la bonne croissance d'un enfant en sagesse, comme en témoigne la petite Thérèse dans son autobiographie.

2 ) DGC ne se rend même pas compte de la stupidité de son argument soi-disant théologique, puisque si on suit son raisonnement, alors :

---> il faudrait admettre avec lui que l’Immaculée Conception de Marie fut « un point difficile que la théologie catholique n’a élucidé que très tard » ;

---> ce qui veut donc dire : un point qu’avant une date extrêmement récente, personne n’eut jamais la possibilité de connaître avec certitude.

---> On en arrive ainsi à cette aberration absolue : affirmer que jamais la sainte Vierge elle-même ne put réellement savoir de son vivant sur la terre qu’elle était l’Immaculée Conception.

---> Et c’est nier par là que le Christ put Lui-même le lui avoir révélé, car jamais elle n'aurait pu inventer d'elle-même un pareil dogme, la mettant très au-dessus de toutes les créatures.

---> Jésus l’explique à ses apôtres ultérieurement au cours d’un sabbat, sur une question de Judas :

EMV 196.8 - Le sabbat à Gethsémani. Jésus évoque l’enfance de sa Mère et classe les différents amours selon leur puissance.

(…) (...)
– Mais, excuse-moi si j’ose parler, moi qui suis coupable, mais Joachim et Anne savaient-ils qu’elle était la Vierge élue ? demande Judas.

– Non, ils l’ignoraient.

– Dans ce cas, comment Joachim pouvait-il dire que Dieu l’avait sauvée d’avance ? Cela ne fait-il pas allusion à son privilège par rapport à la faute ?

– C’est une allusion. Mais, comme pour tous les prophètes, c’est Dieu qui parlait par la bouche de Joachim. Lui non plus n’a pas compris la sublime vérité surnaturelle que l’Esprit mettait sur ses lèvres, car Joachim était un juste, au point de mériter cette paternité, et c’était un humble – puisqu’il n’y a pas de justice là où règne l’orgueil. Lui, il était juste et humble. Il consola sa fille par son amour de père. Il l’instruisit par sa science de prêtre, car il l’était en tant que tuteur de l’Arche de Dieu. Il la consacra comme pontife par le titre le plus doux : “ La femme sans tache. ”

Un jour viendra où un autre Pontife aux cheveux blancs dira au monde : “ Elle est la Femme conçue immaculée ” ;

( Paroles prophétiques de la part du Christ Roi des prophètes, qui seront dénoncées par l'auteur dans un autre volet comme anachroniques... Peut-être que pour lui, le Christ n'aurait pas pu prophétiser sur quoi que ce soit, Lui qui annonce pourtant dans l'Evangile la ruine de Jérusalem, les guerres futures, la venue de l'antéchrist, sa propre Venue à la fin des temps, etc. ? ndt )

il donnera aux croyants cette vérité, comme un article de foi incontestable, pour que, dans le monde d’alors, en train de s’enfoncer toujours plus dans une grisaille nébuleuse d’hérésies et de vices, resplendisse ouvertement la Toute-Belle de Dieu, couronnée d’étoiles, vêtue des rayons de la lune moins purs qu’elle, et appuyée sur les astres, la Reine du créé et de l’incréé ; car, dans son Royaume, Dieu-Roi a pour Reine Marie.


– Alors Joachim était prophète ?

– C’était un juste. Son âme répétait comme un écho ce que Dieu disait à son âme aimée de Dieu."
(...)
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5 ) Je rajoute un humble petit témoignage personnel :

---> Tout récemment, ayant été invité chez des amis, je suis littéralement retourné au catéchisme pour réviser la doctrine du péché originel. Et il faut bien noter ceci : ma catéchiste avait l’âge canonique de trois ans !

---> Bien sûr, elle avait été aidée par la lecture préalable de son petit livre pour enfant, mais elle l’avait parfaitement assimilé, ce qui rendait cette scène à la fois délicieusement comique, et invitant tout à la fois au plus grand respect.

---> Comme quoi : à l'inverse de l'esprit de chicane, l’intelligence n’attend pas forcément le nombre des années ! 

---> Portons maintenant le coup fatal à l’article, en citant intégralement ce passage, qui ne sera pas trop long pour les vrais amoureux du Christ et de la sainte Vierge :

EMV 7.1 La petite Marie avec Anne et Joachim :

« Je vois encore Anne. Depuis hier soir, je la vois ainsi : assise à l’entrée d’une tonnelle ombragée, occupée à un travail de couture. Elle est entièrement vêtue de gris sable. C’est un vêtement très simple et dénoué, peut-être parce qu’il fait très chaud.

Au bout de la tonnelle, on voit des faucheurs couper le foin. Il semble toutefois qu’il s’agit du regain car le raisin est déjà en train de prendre une couleur dorée, et un gros pommier laisse voir, à travers un feuillage sombre, ses fruits qui mûrissent en jaune et rouge clair ; d’ailleurs, le champ de blé n’est plus que du chaume où ondulent gracieusement les flammes des coquelicots et où se dressent des bleuets, droits et sereins, rayés comme une étoile et azurés comme un ciel d’orient.

Marie, toute petite mais déjà vive et indépendante, arrive de la tonnelle. Ses petits pas sont assurés et ses sandalettes blanches ne trébuchent pas dans les cailloux. Elle laisse déjà deviner sa douce démarche légèrement ondulante de colombe. Elle est toute blanche, comme une petite colombe, dans un vêtement de lin qui lui descend jusqu’aux chevilles, ample et froncé au cou par un cordonnet bleu clair ; des manches courtes laissent voir des avant-bras roses et potelés. Avec ses cheveux soyeux et blonds comme le miel, pas très frisés mais légèrement ondulants, qui se terminent en boucles, ses yeux couleur de ciel, son joli minois légèrement rosé et tout sourire, on dirait un petit ange. Même la brise qui entre dans ses manches amples et gonfle aux épaules sa petite robe de lin, contribue à la faire ressembler à un angelot aux ailes déjà à demi-ouvertes pour l’envol.

Elle tient des coquelicots, des bleuets et d’autres fleurs des champs qui poussent au milieu des blés, mais dont j’ignore le nom. Elle marche et, quand elle est tout près de sa mère, elle s'élance dans une brève course en poussant un cri joyeux ; comme une petite tourterelle, elle arrête son vol contre les genoux de sa mère, qui s’écartent un peu pour l’accueillir, pendant qu’Anne, mettant son travail de côté pour éviter qu’elle ne se pique, lui tend les bras pour l’embrasser.

« Maman, Maman ! »

La tourterelle blanche est blottie dans le nid des genoux maternels, les pieds sur l’herbe rase et le visage sur le sein de sa mère, si bien qu’on ne voit plus que l’or pâle de ses cheveux sur la petite nuque ; Anne s’incline pour l’embrasser avec amour.

Puis la tourterelle relève la tête et offre toutes ses fleurs à sa mère, et pour chacune elle raconte une histoire qu’elle invente.

Celle-ci, si bleue et si grande, est une étoile tombée du ciel pour apporter un baiser du Seigneur à sa maman. Qu’elle l’embrasse là, cette petite fleur céleste, sur son cœur, bien sur son cœur, et elle lui trouvera le goût de Dieu.

Cette autre, en revanche, d’un bleu plus pâle, comme les yeux de son père, porte inscrit sur ses feuilles que le Seigneur aime beaucoup son papa parce qu’il est bon.

Et celle-ci, la toute petite, la seule qu’elle ait trouvée – c’est un myosotis –, est celle que le Seigneur a créée pour dire à Marie qu’il l’aime beaucoup.

Quant à ces rouges-ci, sa mère sait-elle ce qu’elles sont ? Ce sont des morceaux du vêtement du roi David, trempés dans le sang des ennemis d’Israël et semés sur les champs de bataille et de victoire. Elles sont nées de ces pans de vêtement royal déchirés dans le combat héroïque pour le Seigneur.

Mais cette blanche-là, si gracieuse, paraît composée de sept coupes soyeuses qui regardent vers le ciel et embaument ; elle est née là, à côté de la source, et c’est son père qui l’a cueillie pour elle au milieu des épines. On la croirait faite avec le vêtement que le roi Salomon portait lorsque, le mois même où sa petite-fille était née, bien des années auparavant – ah ! combien d’années avant ! –, il marcha, revêtu de splendides atours blancs, au milieu de la foule d’Israël, devant l’Arche et la Tente ; jubilant à la vue de la nuée revenue entourer sa gloire, il chanta le cantique et la prière de sa joie.

( Note : à ceux qui trouveraient que l’esprit de Marie est ici trop poétique, et qui seraient tenté de la taxer de mièvrerie, on pourrait conseiller de lire la prière de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus intitulée « Fleurs Mystiques » ( prière 5), ainsi que son poème intitulé « Le Cantique de Céline » ( poème 18) et de se demander : « Avoir un esprit moins poétique que sainte Thérèse et la très sainte Vierge Marie Enfant, est-il donc un critère suffisant pour être proclamé docteur de l’Église ? »

- peut-être un peu plus modestement : "docteur de la chicane" ? - )

« Je veux être toujours comme cette fleur et, comme ce roi sage, je veux chanter toute ma vie des cantiques et des prières devant la Tente, achève Marie de sa petite bouche.

– Ma joie ! Comment connais-tu ces choses saintes ? Qui te les a apprises ? Ton père ?

– Non. Je ne sais pas qui c’est. J’ai l’impression de les avoir toujours sues. Mais c’est peut-être quelqu’un qui me les dit mais que je ne vois pas. Peut-être l’un des anges que Dieu envoie parler aux hommes bons. Maman, tu m’en racontes encore une ?…

– Oh, ma fille ! Quelle histoire veux-tu encore connaître ? »

Marie réfléchit, sérieuse et recueillie. Il faudrait la peindre pour immortaliser son expression. L’ombre de ses pensées se reflète sur son visage d’enfant. Comme elle pense à l’histoire d’Israël, ce sont autant de sourires et de soupirs, de rayons de soleil et d’ombres de nuages. Puis elle choisit :

« Encore la parole de Gabriel à Daniel, celle où le Christ nous est promis. »

Elle écoute les yeux fermés et répète lentement les paroles de sa mère, comme pour mieux s’en souvenir. Quand Anne termine, elle demande :

« Combien de temps faut-il encore pour que l’Emmanuel vienne ?

– Environ trente ans, ma chérie.

– Encore tout ce temps ! Et moi, je serai au Temple… Dis-moi : si je priais beaucoup, beaucoup, beaucoup, jour et nuit, nuit et jour, et si dans ce but je voulais appartenir à Dieu seul pendant toute ma vie, l’Eternel me ferait-il la grâce de donner le Messie à son peuple plus tôt ?

– Je ne sais pas, ma chérie. Le prophète dit : “ Soixante-dix semaines. ” Je pense que la prophétie ne ment pas. Mais le Seigneur est si bon, se hâte d’ajouter Anne en voyant perler une larme sur le cil d’or de sa fille, que je crois que si tu pries beaucoup, beaucoup, beaucoup, il t’exaucera. »

Le sourire revient sur le petit visage légèrement levé vers sa mère, et un éclair de soleil qui passe entre deux pampres fait briller des larmes déjà arrêtées, comme s’il s’agissait de gouttelettes de rosée suspendues aux fines tiges de mousse alpine.

« Alors je vais prier et je resterai vierge pour cela.

– Sais-tu seulement ce que cela signifie ?

– ça veut dire ne pas connaître l’amour d’un homme, mais seulement celui de Dieu. Ça veut dire n’avoir de pensée pour personne d’autre que pour le Seigneur. Ça veut dire garder la chair d’un enfant et avoir le cœur d’un ange. Ça veut dire utiliser ses yeux uniquement pour regarder Dieu, ses oreilles uniquement pour l’écouter, sa bouche uniquement pour le louer, ses mains uniquement pour s’offrir en hostie, ses pieds uniquement pour se dépêcher de le suivre, son cœur et sa vie pour les lui donner.

– Bénie es-tu ! Mais dans ce cas tu n’auras jamais d’enfant, toi qui aimes tant les enfants, les petits agneaux et les tourterelles… Tu sais ? Pour une femme, un enfant est comme un agneau blanc et frisé, ou comme une petite colombe au plumage soyeux et au bec de corail qu’on peut aimer, embrasser et qu’on entend vous dire : “ Maman. ”

– Peu importe. J’appartiendrai à Dieu. Je prierai au Temple. Un jour, peut-être, je verrai l’Emmanuel. La vierge qui doit être sa mère, aux dires du grand prophète, doit être déjà née et elle est au Temple… Je lui servirai de compagne… de servante… Oh oui ! Si je pouvais la reconnaître, grâce à une lumière de Dieu, je voudrais la servir, cette mère bienheureuse ! Après, elle me porterait son fils, elle m’emmènerait vers son fils, et je le servirais lui aussi. Pense donc, maman ! Servir le Messie… »

Marie est tout excitée à cette idée, qui l’enthousiasme et l’anéantit à la fois. Les mains croisées sur la poitrine et la tête légèrement penchée en avant, emportée par l’émotion, on dirait une reproduction enfantine de la Vierge de l’Annonciation que j’ai vue. Elle reprend :

« Mais est-ce que le Roi d’Israël, l’Oint de Dieu, me permettra de le servir ?

– N’en doute pas. Le roi Salomon ne dit-il pas : “ Il y a soixante reines et quatre-vingts concubines ! Et des jeunes filles sans nombre ” ? Tu vois que les jeunes vierges qui serviront leur Seigneur au palais du Roi seront innombrables.

– Ah, tu vois donc bien que je dois être vierge ? Je le dois. S’il veut une vierge pour mère, c’est le signe qu’il aime la virginité plus que tout. Je veux qu’il m’aime, moi sa servante, pour la virginité qui me rendra un peu semblable à sa mère bien-aimée… Oui, c’est ce que je veux… Je voudrais même pécher, pécher beaucoup, si je n’avais pas peur d’offenser le Seigneur… Dis-moi, maman : peut-on être pécheur par amour pour Dieu ?

– Mais que dis-tu là, mon trésor ? Je ne te comprends pas.

– Voici ce que je pense : pécher pour pouvoir être aimée de Dieu qui devient Sauveur. On sauve ce qui est perdu, n’est-ce pas ? Je voudrais être sauvée par le Sauveur pour qu’il me regarde avec amour. C’est pour ça que je voudrais pécher, mais sans faire de péché qui le dégoûte. Comment peut-il me sauver si je ne me perds pas ? »

Anne est abasourdie. Elle ne sait plus quoi dire.

Mais Joachim vient à son secours. Comme il marchait sur l’herbe, il s’est approché sans faire de bruit derrière la haie de ceps bas.

« Il t’a sauvée d’avance, parce qu’il sait que tu l’aimes et que tu ne veux aimer que lui. C’est pourquoi tu es déjà rachetée, et tu peux rester vierge comme tu le désires, déclare-t-il.

– Vraiment, papa ? »

Marie se serre contre ses genoux et le regarde avec des yeux semblables à de claires étoiles qui ressemblent tellement à ceux de son père et expriment un tel bonheur devant l’espoir qu’il lui donne.

« C’est vrai, mon petit amour. Regarde : je t’apportais ce petit passereau qui a fait son premier vol près de la fontaine. J’aurais pu le laisser partir, mais ses faibles ailes et ses pattes trop grêles n’avaient pas assez de force pour le soulever à nouveau et le retenir sur les pierres glissantes et pleines de mousse. Il serait tombé dans l’eau. Je n’ai pas attendu que cela arrive. Je l’ai pris et je te le donne. Tu en feras ce que tu voudras. Le fait est qu’il a été sauvé avant d’encourir le danger. C’est aussi ce que Dieu a fait avec toi. Maintenant, dis-moi, Marie, ai-je aimé davantage le passereau en le sauvant d’avance, ou l’aurais-je plus aimé en le sauvant après la chute ?

– C’est maintenant que tu l’as le plus aimé, puisque tu n’as pas permis qu’il se fasse mal dans l’eau glacée.

– Eh bien ! Dieu t’a aimée davantage, puisqu’il t’a sauvée avant que tu ne pèches.

– Dans ce cas, je l’aimerai de toutes mes forces. De toutes mes forces. Joli petit oiseau, je suis comme toi. Le Seigneur nous a aimés pareillement, en nous accordant le salut… Je vais te soigner, puis je te laisserai partir. Tu chanteras les louanges de Dieu dans les bois et moi au Temple. Nous dirons : “ Envoie, envoie celui que tu as promis à ceux qui l’attendent. ” Oh, papa ! Quand vas-tu donc me conduire au Temple ?

– Bientôt, ma perle. Mais cela ne te fait rien de quitter ton père ?

– Oh si, beaucoup ! Mais tu viendras… et puis, si ça ne faisait pas mal, où serait le sacrifice ?

– Tu te souviendras de nous ?

– Toujours. Après la prière pour l’Emmanuel, je prierai pour vous. Que Dieu vous donne joie et longue vie… jusqu’au jour où il sera le Sauveur. Ensuite, je lui dirai de vous prendre pour vous emmener à la Jérusalem des Cieux. »

La vision s’arrête sur l’image de Marie blottie dans les bras de son père…
(...)
 

 

 

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