24 ) Déréliction du Christ en Croix : pour don Guillaume Chevallier, ce n'est pas le Christ Lui-même qui aurait accompli les Ecritures
Luc 24,44 :
« Puis il leur dit: C'est là ce que je vous disais lorsque j'étais encore avec vous, qu'il fallait que s'accomplît tout ce qui est écrit de moi dans la loi de Moïse, dans les prophètes, et dans les psaumes. »
---> Chers lecteurs, vous ignoriez jusqu’à présent que le psaume 21 n'était pas une prophétie biblique parlant d'avance de la déréliction du Christ en Croix, mais seulement l'expression d'une vague émotion toute humaine et aveugle se trompant sur Dieu, éprouvée par des hommes en perte de foi dans leur souffrance, et à laquelle le Christ aurait simplement voulu s'associer par esprit de solidarité - car le doute serait censé faire partie intégrante de la foi, même pour les plus grands - ?
---> Si tel est le cas, ne vous inquiétez surtout pas, car DGC va maintenant vous initier à cette très curieuse falsification de la théologie. Pour lui en effet, une chose est claire : contrairement à ce que le Christ affirme Lui-même dans l’Evangile ( Mat 5,17 ), Il n’a pas véritablement accompli les Écritures dans sa propre Chair, car elles ne parlaient pas de Lui.
DGC :
Cet éloignement ou séparation du Verbe d’avec le Père se traduit en termes existentiels dramatiques dans la prière de « Jésus » au Père pour Judas.
---> L’auteur vient de différencier avec succès un Mystère douloureux de la Vie du Christ, d’avec un Mystère joyeux. Vue l’indigence chronique de son travail, il est tout de même de bon ton de l’en féliciter.
DGC :
Le mystère de la déréliction auquel les récits de l’agonie et le cri « Eli, Eli, lamma sabachtani » nous introduisent avec une sainte crainte dans les synoptiques est ici transposé en termes d’éloignement volontaire du Père par rapport à son Fils, avec une décision autoritaire de le priver de la science surnaturelle qui lui est propre en tant que Verbe incarné :
« Père, pourquoi t’éloignes-tu? Tu t’éloignes déjà de ton Verbe qui prie ? Père, c’est l’heure, je le sais. Que soit faite ta volonté bénie ! Mais laisse à ton Fils, à ton Christ, en qui par un impénétrable décret diminue à cette heure la vision assurée de l’avenir – et je ne te dis pas que de ta part c’est cruauté, mais pitié pour moi – laisse en moi l’espoir de le sauver encore. (…) Ah! je délire ! C’est l’Homme qui veut avoir cet espoir ! Le Dieu qui est dans l’Homme, le Dieu fait Homme, ne peut se faire d’illusions ! » (VIII, 43, 377)
---> Rien ne nous a été rapporté par les évangélistes si ce n'est "avec une sainte crainte" : le problème est que pour l’auteur, « avec une sainte crainte » ne signifie pas : « avec vérité », mais « avec un défaut de Vérité, sans qu’il soit nécessaire d'y mettre sa foi » !
---> Ainsi, d’après DGC, lorsque vous lisez que le Christ s’écria du haut de la croix : « Eli, Eli, lamma sabachtani ? » ( « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-Tu abandonné ? » ), en fait, cela ne traduirait pas ce qu’endura réellement Notre Seigneur, puisque le Père n'était pas censé l'avoir vraiment abandonné :
---> mais Jésus aurait juste cité en passant les Écritures qui l'annonçaient - mais qui ne parlaient cependant pas véritablement de Lui - , afin de nous montrer qu’Il était Celui que les Écritures annonçaient – sans qu’elles l’annoncent vraiment, puisqu’elles n'auraient pas réellement parlé de ce qu’Il aurait eu à endurer dans sa Passion -.
---> Pour résumer l’invraisemblable imbroglio de la pensée de l'auteur :
1 ) Le psaume 21 serait bien une annonce prophétique du Christ, que Jésus citerait sur la croix afin que l’on puisse croire en Lui.
2 ) Il accomplirait bien tout ce qui était écrit à son sujet, mais !
3 ) le Père n’ayant jamais abandonné le Verbe Incarné,
4 ) le Christ n'accomplirait en réalité les Écritures qu'en les citant simplement, sans les accomplir dans son Être même, sauf de manière figurée, car en réalité ce ne serait pas Lui qui serait censé les accomplir, mais les hommes pécheurs ayant écrit la Bible en y parlant d’eux-mêmes et non du Christ, mais en y annonçant tout de même la Passion du Christ, sans cependant en parler réellement en termes crédibles ( !!! ).
---> En bref : c’est du pur concentré de n’importe quoi, et très proche de l’hérésie,
---> car en réalité, le Christ a accompli dans son Être Humano-Divin l’intégralité de ce qui fut écrit de Lui dans la Bible de manière prophétique, et en tout particulier la Parole qu'Il proclame du haut de la Croix : le début du psaume 21.
---> Le Christ le confirme, sans aucun conteste possible : "Je ne suis pas venu abolir, mais accomplir." ( Mat 5,17 ) "Tout est accompli" ( Jean 19,30 )
---> Le Père abandonne son Fils, non pas parce qu’Il se sépare complètement de Lui, mais parce qu’en s’éloignant de son Humanité souffrante, Il décide de ne rien faire pour Le consoler lorsqu’Il pendra à la Croix, de sorte qu’en tant qu’Homme, la déréliction du Christ soit totale lorsqu’Il citera très à propos le psaume 21, lors de ses sept dernières Paroles.
---> Nous en avons une illustration dans la vie de saint Antoine le grand, écrite par saint Athanase - cette scène est représentée sur le triptyque d’Issenheim, conservé au musée Unterlinden de Colmar - : dans sa cellule monastique ( un tombeau ), lors d’un assaut impitoyable d’une foule de démons contre lui, saint Antoine est apparemment abandonné par le Christ à une souffrance indescriptible, et laissé pour mort par les démons, gisant à terre, roué de coups. Lorsqu’enfin le Christ lui apparaît, Antoine s’écrit :
« Mais où étais-tu, Seigneur ?
– J’étais là, Antoine, lui répond alors le Christ, et Je te regardais combattre. »
---> Cet abandon vécu par saint Antoine le grand fut incomparablement moindre que celui vécu par le Christ, car Ce Dernier devait porter tous les péchés du monde pour les expier, et endurer ainsi toute la juste Colère Divine du Père à notre place, s’étant fait péché pour nous, ce qui n’est pas du dolorisme, ni une fausse image d’un "dieu cruel", mais simplement la vraie théologie catholique.
---> Dans le passage cité ci-dessus par DGC, le Père s’éloigne bien réellement de son Verbe qui prie, mais qui prie en tant qu’Homme, car c’est en tant qu’Homme qu’Il devra endurer sa Passion, alors que la Divinité qui est sienne indivisiblement et sans confusion, Elle, ne souffrira pas, car Elle ne peut pas être séparée du Père, étant dans la Béatitude éternelle.
---> Voilà pourquoi Jésus peut dire : « Le Père et Moi, nous sommes un » ( Jn 10,30 ), tout en se plaignant également avec douceur de ce que son Père s’éloigne de son Humanité.
---> Car en tout ce qu’Il fait, Jésus peut agir, penser, prier, ressentir, soit principalement en tant que Dieu, soit principalement en tant qu’Homme, soit dans une pleine simultanéité de ses deux Natures, ce qui rend sa « Personnalité » d’autant plus incompréhensible et insondable pour nous les hommes, qui ne possédons qu’une seule nature.
---> Le Christ, malgré son désir d'être semblable à quelqu'un qui puisse ignorer quelque chose – et ici : la damnation inéluctable de Judas - connaît pourtant bien malgré Lui cet avenir funeste, et en souffre : c'est on ne peut plus clairement exprimé dans le passage incriminé ci-dessus par l’auteur.
---> L’étonnement est donc que, tout en acceptant de parler de la déréliction du Christ, DGC nie pourtant le mystère de son abandon par le Père. Or que signifie le terme « déréliction » ? :
Réponse : c'est l'état de la personne qui se sent abandonnée, privée de tout secours.
---> Certes, l’auteur cite l’Évangile de la Passion, mais il semble que ce ne soit pour lui qu’un rêve, un récit éthérée sans nulle réalité, comme si pour lui, le Christ citait les Écritures seulement à la manière d’un poète sublime, mais sans les accomplir personnellement dans sa Chair.
---> Dans la Passion, on assisterait selon lui à une sorte de pièce de théâtre sacré, une pièce dont le Christ aurait été désigné par le Père comme l’acteur principal, chargé de nous fendre l’âme par un psaume sublimement douloureux ( Ps 21 ), mais qui ne le concernerait pas plus qu’un acteur n’est concerné personnellement par le drame qu’il interprète…
---> Dans quel but le Christ interpréterait-Il cette pièce dramatique ? Nul ne le sait. Mais le théorème mathématique de l’auteur s’appliquerait ici comme partout ailleurs, bannissant tout autre réflexion : puisque le Fils et le Père sont un, alors il n’y a pas d'éloignement possible entre Eux.
---> Outre le fait que c’est justement nier toute possibilité pour le Christ de vivre la déréliction, c’est nier ses deux Natures, et spécialement la faiblesse de son Incarnation, qu’Il a choisi précisément d’assumer afin de pouvoir souffrir, c’est-à-dire d’être privé en son Humanité de l’impassible jouissance venant de son union totale avec le Père.
---> Cette privation varie en fonction des moments de sa Vie : au Thabor, elle n’existe pas ; sur la Croix, elle est à son comble.
---> En réalité, s’il est bien question ici de docétisme, ce n’est pas dans l’EMV qu’il faut le chercher. Car si selon DGC, le Christ ne peut être atteint par la déréliction ( l’abandon du Père ), c’est qu’Il n’est pas réellement Homme semblable aux hommes, mais qu’Il est uniquement Dieu, et cela s’appelle : une hérésie.
C’est le Christ Lui-même qui dénonce par sa Parole la fausseté de cette exégèse :
---> « Ne croyez pas que je sois venu pour abolir la loi ou les prophètes; je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir. Car, je vous le dis en vérité, tant que le ciel et la terre ne passeront point, il ne disparaîtra pas de la loi un seul iota ou un seul trait de lettre, jusqu'à ce que tout soit arrivé. » ( Matt 5,17 )
Conclusion : Jésus est venu pour accomplir toutes les Écritures, Il en est Lui-même l’accomplissement parfait, et ne se contente pas de les déclamer extérieurement, pour épater la galerie.
---> « Aujourd’hui, s’accomplit à vos oreilles ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre » ( Luc 4,21 ) :
Conclusion : lorsque Jésus cite un passage de l’Écriture, c’est qu’Il l’accomplit réellement à ce moment même, cela n’a rien de fictif ou de purement symbolique, ce qui est éminemment vrai pour le psaume 21.
---> « Car, je vous le déclare : il faut que s’accomplisse en moi ce texte de l’Écriture : Il a été compté avec les impies. De fait, ce qui me concerne va trouver son accomplissement. » ( Luc 22,37 )
Conclusion : Jésus ne peut ni se tromper, ni nous tromper : l’Écriture est une prophétie qui LE concerne, en terme précis et sincères, sans aucune fausseté, on peut s’y fier sans crainte, et non pas comme l’auteur ayant toujours peur d’être trompé, sans doute en raison de ses blessures personnelles.
---> « Après cela, sachant que tout, désormais, était achevé, pour que l'Écriture s'accomplisse jusqu'au bout, Jésus dit : « J'ai soif. » » ( Jean 19,28 )
Conclusion : L’Écriture ne s’accomplit donc pas à moitié avec Jésus, mais : « jusqu’au bout ».
---> La Parole « J’ai soif » est parfaitement véridique, et sur le plan naturel - car la déshydratation provoquée par l’hémorragie fit souffrir le Christ d’une soif ardente - et sur le plan spirituel - puisque le Christ avait par-dessus-tout soif du salut du genre humain ( cf les quinze oraisons de sainte Brigitte de Suède ) - ---> Il en va de même avec les six autres dernières Paroles du Christ en croix.
---> « Tout est accompli » ( Jean 19,30 )
Conclusion : contrairement à ce que pense l'auteur, tout n’est pas uniquement symbolisé, ou juste évoqué ( même « avec une sainte crainte » ! ), mais accompli par le Christ. Et par qui d’autre que Lui ? Par nous, peut-être ? Ou par un quelconque prophète autre que le Christ, Lui l'Alpha et l'Oméga, accomplissement parfait et
définitif des Écritures ?
3 ) Mais venons-en à présent au fait, c’est-à-dire au passage savamment tronqué par l’auteur afin de mieux le dépouiller de son sens, et commençons par le découvrir dans son intégralité avec le contexte qui le précède, incontournable pour bien comprendre de quoi il s’agit :
EMV 582.1 Une toute dernière offrande pour le salut de Judas Iscariote
( En rouge entre les // : la citation de DGC )
( Judas, qui se vantait d’avoir pensé à acheter de précieuses étoffes, pour vêtir Jésus comme un roi ) :
(…) (...)
« – Trop humble : il est temps, désormais, qu’il soit Roi. Assez attendu ! S’il n’est pas un roi sur un trône, qu’au moins, en raison de sa dignité, il porte des vêtements conformes à son rang. Moi, je pense à tout ! » (…)
Jésus qui parlait avec Simon le Zélote et les fils d’Alphée, se retourne et regarde Judas, puis ces hommes simples, si humbles et si mortifiés de… ne pas être à la hauteur de Judas… et il hoche la tête en silence. Mais, voyant que Judas noue les lacets de ses sandales et ajuste son manteau, comme s’il allait se mettre en route, il lui demande :
« Où vas-tu ?
– En ville.
– J’ai dit que je te retenais avec Jacques…
– Ah ! je croyais que tu parlais de Jude, ton frère… Alors… moi… je suis prisonnier… Ah ! Ah ! »
Il a un mauvais rire.
« Béthanie n’a ni chaînes ni barreaux, je crois. Il y a seulement le désir de ton Maître, et je serais heureux d’être son prisonnier, fait remarquer Simon le Zélote.
– Je plaisantais, naturellement… C’est que… je voudrais avoir quelques nouvelles de ma mère. Les pèlerins de Kérioth sont sûrement arrivés et…
– Non. Dans deux jours, nous serons tous à Jérusalem. Maintenant, tu restes ici, ordonne Jésus d’un ton ferme.»
Judas n’insiste pas. Il enlève son manteau en disant :
« Et alors qui va en ville ? Il serait bon de connaître l’humeur des gens… ce que font les disciples… Je voulais aussi aller m’en rendre compte auprès des amis… Je l’avais promis à Pierre…
– Peu importe, reste ici. Rien de ce que tu mentionnes n’est vraiment nécessaire.
– Mais si Thomas y va…
– Maître, moi aussi je voudrais y aller, car je l’ai promis, moi aussi. J’ai des amis chez Hanne et… commence Jean.
– Tu te rendrais là-bas, mon fils ? Et s’ils te prennent ? demande Marie Salomé, qui s’est approchée.
– S’ils me prennent ? Qu’ai-je fait de mal ? Rien. Je ne dois donc pas craindre le Seigneur. Par conséquent, même s’ils me prennent, je n’aurai pas peur.
– Voyez ce lionceau fanfaron ! Tu ne trembleras pas ? Ignores-tu donc à quel point ils nous haïssent ? C’est la mort, sais-tu, s’ils nous prennent ! s’écrie Judas pour l’effrayer.
– Et toi, alors, pourquoi veux-tu y aller ? Aurais-tu l’impunité ? Qu’as-tu fait pour l’obtenir ? Dis-le moi, et je t’imiterai. »
Judas esquisse un geste de peur ou de colère, mais le visage de Jean est si limpide que le traître se rassure. Il comprend qu’il n’y a ni piège ni soupçon dans ces paroles, et il répond :
« Je n’ai rien fait. Mais j’ai quelques bons amis auprès du Proconsul, et donc…
– Bien ! Celui qui veut venir, qu’il vienne, puisqu’il ne pleut plus. On perd du temps ici, et à sexte peut-être qu’il pleuvra de nouveau. Que celui qui veut venir se dépêche, exhorte Thomas.
– J’y vais, Maître ? demande Jean.
– Oui.
– Et voilà ! C’est toujours la même chose ! Lui, oui ; les autres, oui ; moi, non. Toujours non !
– Je tenterai d’obtenir des nouvelles de ta mère, propose Jean pour le calmer.
– Et moi aussi. Je vous accompagne, Thomas et toi » dit Simon le Zélote avant d’ajouter : « Mon âge servira de frein aux jeunes, Maître. Et je connais bien les pèlerins de Kérioth. Si j’en vois un, j’irai le trouver. Je t’apporterai des nouvelles de ta mère, Judas. Sois bon ! Sois tranquille ! C’est la Pâque, Judas. Tous, nous sentons la paix de cette fête, la joie de cette solennité. Pourquoi veux-tu être, toi seul, toujours si inquiet, si sombre, mécontent, sans paix ? La Pâque, c’est le passage de Dieu… Pour nous autres, Hébreux, la Pâque fête la libération d’un joug pénible. Le Très-Haut nous en a délivrés. Maintenant, comme on ne peut pas réitérer l’événement d’autrefois, elle reste son symbole individuel… La Pâque représente la libération des cœurs, la purification, le baptême, si tu veux, dans le sang de l’agneau pour que les forces ennemies ne fassent plus de mal à celui qui en porte la marque. C’est si beau de commencer l’année nouvelle par cette fête de purification, de libération, d’adoration de Dieu, notre Sauveur… Oh ! excuse-moi, Maître ! J’ai parlé alors que j’aurais dû me taire, car tu es ici pour corriger nos cœurs…
– C’est aussi ce que je pensais, Simon. J’ai maintenant deux maîtres au lieu d’un, et cela me paraît trop ! » lance Judas, irascible.
Pierre, cette fois, ne peut se contenir, et il décoche :
« Et si tu n’arrêtes pas, tu vas bientôt en avoir un troisième, et ce sera moi. Et je te jure que j’aurai des arguments plus persuasifs que des paroles.
– Tu lèverais la main sur un de tes compagnons ? Après tant d’efforts pour maîtriser le vieux Galiléen, ta vraie nature revient donc à la surface ?
– Elle ne revient pas à la surface : elle a toujours été claire en surface. Je n’essaie pas de feindre, moi. Mais c’est que, pour les ânes sauvages comme toi, il n’y a qu’un argument pour les dompter : les coups. Tu devrais avoir honte d’abuser de sa bonté et de notre patience ! Viens, Simon ! Viens, Jean ! Viens, Thomas ! Adieu, Maître. Je pars moi aussi, car si je reste… non, vive Dieu, c’est que je ne peux plus me retenir. »
Pierre saisit son manteau, qui était posé sur un siège, et l’enfile en toute hâte. Il est si énervé qu’il ne voit pas qu’il met le haut en bas, et Jean doit l’avertir de l’erreur et l’aider à s’habiller comme il faut. Alors Pierre s’éloigne brusquement, en frappant du pied sur le sol pour se défouler de sa colère. On dirait un petit taureau emballé.
Quant aux autres… les autres sont comme des livres ouverts sur lesquels on peut tout lire. Barthélemy lève son visage émacié de vieillard vers le ciel encore orageux, et paraît étudier les vents pour ne pas avoir à étudier les visages : celui, trop attristé, du Christ, et celui, trop perfide, de Judas.
Matthieu et Philippe observent Jude, dont les yeux, semblables à ceux de Jésus, brillent de colère, et une même pensée s’empare d’eux : ils le prennent entre eux deux et le poussent dehors, vers l’allée intérieure qui mène à la maison de Simon en lui disant :
« Ta mère avait besoin de nous pour ce travail. Viens toi aussi, Jacques, fils de Zébédée. »
Et ils entraînent aussi le fils de Salomé. André regarde Jacques, fils d’Alphée, et Jacques le regarde : leurs deux visages reflètent la même douleur contenue. Ne sachant que dire, ils se prennent par la main comme deux enfants, et s’éloignent tristement.
Des femmes disciples, il n’y a que Salomé, qui n’ose ni bouger ni parler, mais qui ne sait pas davantage se décider à s’éloigner, comme si elle désirait par sa présence réfréner d’autres paroles de l’apôtre indigne. Heureusement, aucun membre de la famille de Lazare n’est présent. La Vierge Marie est, elle aussi, absente.
Judas se voit seul avec Jésus et Salomé. Il ne veut pas être avec eux, et il leur tourne le dos pour s’éloigner vers le pavillon des jasmins.
Jésus le regarde partir, il le surveille. Il voit qu’après avoir feint de s’asseoir dans le pavillon, Judas se glisse en douce par une issue arrière et s’enfonce dans les haies de roses, de lauriers et de buis qui séparent le vrai jardin du terrain des aromates, là où se trouvent les ruches. De là, on peut sortir par l’une des portes secondaires, ouvertes dans les murs du vaste jardin. C’est en fait un vrai parc qui, de deux côtés, se termine en hautes haies, doubles comme une avenue, qui aboutissent çà et là à des grilles. Celles-ci permettent d’accéder aux prés, aux champs, aux vergers et aux oliveraies, et aussi à la maison de Simon, qui continuent le jardin dans les domaines, en les tenant à la fois unis et séparés. Sur les deux autres côtés, le parc est entouré de murailles puissantes longeant deux voies : une route principale, sur laquelle débouche la route secondaire qui, coupant Béthanie, continue vers Bethléem.
Jésus se dresse autant qu’il le peut et se déplace quand il le faut, et ses yeux flamboient à la vue de la fuite de Judas. Marie Salomé s’en aperçoit et, bien que sa petite taille l’empêche de voir, elle devine ce qui est en train de se passer au bout du parc, et elle murmure :
« Aie pitié de nous, Seigneur ! »
Jésus entend ce soupir et se retourne un instant pour regarder cette bonne et simple disciple. Certes, elle a pu avoir une pensée d’orgueil maternel, quand elle a demandé des places d’honneur pour ses fils, mais au moins, elle pouvait le faire, car ce sont de bons apôtres ; elle a accueilli avec humilité la réprimande du Maître, sans en être offensée. Au lieu de s’éloigner de lui, elle s’est rendue plus humble, plus empressée auprès du Maître qu’elle suit comme son ombre quand c’est possible, et dont elle étudie les moindres expressions afin de pouvoir prévenir ses désirs et lui faire plaisir. Cette fois encore, la bonne et humble Salomé cherche à consoler le Maître, à apaiser le soupçon qui le fait souffrir :
« Tu vois ? Il ne va pas loin. Il a jeté là son manteau et ne l’a pas repris. Il va marcher dans les prés, donner libre cours à sa mauvaise humeur… Jamais Judas ne se rendrait en ville sans être en grande tenue…
– Il irait même nu s’il voulait y aller. Et en effet… Regarde ! Viens ici !
– Oh ! il essaie d’ouvrir la grille ! Mais elle est fermée ! Il appelle un serviteur du rucher ! »
Jésus crie à haute voix :
« Judas ! Attends-moi ! Je dois te parler. »
Il est sur le point de s’éloigner, quand Salomé reprend.
« Je t’en prie, Seigneur, je vais appeler Lazare… ta Mère… N’y va pas tout seul ! »
Jésus, tout en marchant rapidement, se retourne un peu et dit :
« Je t’ordonne de ne pas le faire. Tais-toi, au contraire. Avec tout le monde. Si on me demande, je suis sorti marcher un peu avec Judas. Si les femmes disciples viennent, qu’elles attendent, je ne tarderai pas. »
Salomé ne bouge pas, tout comme Judas. L’une près de la maison, l’autre près de l’enceinte, ils restent là où la volonté de Jésus les a arrêtés et le regardent : l’une le voit s’éloigner, l’autre venir.
« Ouvre la porte, Jonas. Je sors un moment avec mon disciple, et si tu restes ici, il n’est pas nécessaire que tu la refermes derrière nous. Je serai bientôt de retour » dit-il avec bonté au serviteur paysan, qui était resté avec la grosse clé dans les mains, interdit.
La petite porte, une lourde porte de fer, grince autant que la clé pour faire jouer la serrure.
« C’est une porte qu’on ouvre rarement » dit le serviteur en souriant. « Hé ! tu t’es rouillée ! Quand on reste oisif, on se gâte… La rouille, la poussière… les gamins… C’est comme pour nous, quand nous ne nous occupons pas de notre âme !
– Bravo, Jonas ! Tu as eu une sage pensée. Beaucoup de rabbis te l’envieraient.
– Ce sont mes abeilles qui me les suggèrent… et tes paroles. Vraiment, ce sont tes paroles. Mais ensuite, les abeilles m’aident à mieux les interpréter. Car rien n’est sans voix, quand on sait comprendre. Et je me dis : si les abeilles obéissent à l’ordre de leur Créateur — or ce sont des insectes dont je ne puis savoir où elles ont le cerveau et le cœur —, moi, qui ai cœur, cerveau et âme, et qui entends le Maître, ne dois-je pas savoir faire ce qu’elles font, et travailler sans cesse pour agir conformément à ce que le Maître nous enseigne ? Car c’est ainsi que je pourrai rendre mon esprit beau, clair, sans la rouille, la boue, ou la paille placées dans le mécanisme par les esprits infernaux, sans aussi les pierres et autres pièges ?
– Tu parles vraiment bien. Imite tes abeilles : ton âme deviendra un riche rucher, rempli de vertus précieuses, et Dieu viendra s’y complaire. Adieu, Jonas. Que la paix soit avec toi. »
Il pose la main sur la tête grisonnante du serviteur, qui se tient penché devant lui, et sort sur la route pour marcher en direction des prés de trèfle rouge, beaux comme d’épais tapis verts et cramoisis. Les abeilles y volent de fleur en fleur comme autant d’étincelles bourdonnantes.
Quand ils sont assez loin de l’enceinte pour que personne ne puisse rien entendre du jardin de Lazare, Jésus dit :
« Tu as entendu ce serviteur ? C’est un paysan. C’est déjà beaucoup s’il peut lire quelques mots… Et pourtant… Ses paroles auraient pu être sur mes lèvres sans que mon enseignement de Maître paraisse mince. Il sent qu’il faut veiller pour que les ennemis de l’esprit ne nuisent pas à l’âme… Or… c’est précisément pour cette raison que je te garde auprès de moi, et tu me hais à cause de cela ! Je veux te défendre d’eux et de toi-même, et tu me hais. Je te fournis le moyen de te sauver — cela t’est encore possible —, et tu me hais. Je te le dis encore une fois : éloigne-toi, Judas, va au loin. N’entre pas à Jérusalem. Tu es malade. Ce n’est pas un mensonge de dire que tu es si malade que tu ne peux participer à la Pâque. Or il est permis par la Loi de fêter la Pâque supplémentaire quand la maladie ou quelque autre raison grave empêche de célébrer la Pâque solennelle. Profite de cette possibilité. Je prierai Lazare — c’est un ami prudent, et il ne te posera aucune question — de te conduire aujourd’hui même au-delà du Jourdain.
– Non. Je t’ai demandé de nombreuses fois de me chasser. Tu n’as pas voulu. Maintenant, c’est moi qui ne veux pas.
– Tu ne veux pas ? Tu ne veux pas être sauvé ? Tu n’as pas pitié de toi-même ? Pas pitié de ta mère ?
– Tu devrais me dire: “ Tu n’as pas pitié de moi ? ” Tu serais plus sincère.
– Judas, mon malheureux ami, ce n’est pas pour moi que je t’en prie ! C’est pour toi, pour toi ! Regarde : nous sommes seuls, toi et moi. Tu sais qui je suis, je sais qui tu es. C’est le dernier moment de grâce qui nous est encore accordé pour empêcher ta perte… Oh ! ne ricane pas ainsi sataniquement, mon ami. Ne te moque pas de moi comme si j’étais fou parce que je parle de “ ta perte ” et non de la mienne. La mienne n’est pas une perte. La tienne, si… Nous sommes seuls : toi et moi, et au-dessus de nous, il y a Dieu… Dieu ne te maudit pas encore, Dieu assiste à cette lutte suprême entre le Bien et le Mal qui se disputent ton âme. Au-dessus de nous, il y a le Ciel qui nous observe, ce Ciel qui bientôt se remplira de saints. Déjà ils tressaillent, là où ils attendent, parce qu’ils sentent venir la joie… Judas, parmi eux, il y a ton père…
– C’était un pécheur. Il n’y est pas.
– C’était un pécheur, mais pas un damné. La joie s’approche donc pour lui aussi. Pourquoi veux-tu mêler sa joie de douleur ?
– Il ne connaît plus la douleur. Il est mort.
– Non. Il souffre de te voir coupable, toi… oh ! ne m’arrache pas ce mot !…
– Mais si ! Mais si ! Prononce-le donc ! Je me le répète depuis des mois ! Je suis damné, je le sais. On ne peut plus rien y changer.
– Tout est possible, au contraire ! Judas, je pleure. Veux-tu être la cause des dernières larmes de l’Homme ?… Judas, je t’en prie ! Réfléchis, mon ami : le Ciel acquiesce à ma prière, et toi, et toi… Me laisseras-tu prier en vain ? Pense à celui qui est devant toi, en prière : c’est le Messie d’Israël, le Fils du Père… Judas, écoute-moi !… Arrête-toi, tant que tu le peux ! …
– Non ! »
Jésus se couvre le visage de ses mains et se laisse tomber au bord du pré. Il pleure sans bruit, mais il pleure longuement. Je vois que ses épaules ont des soubresauts.
Judas le regarde, là, à ses pieds, brisé, en larmes, tout cela provoqué par désir de le sauver… et il a un moment de pitié. Il dit, en abandonnant le ton dur, de vrai démon, qu’il prenait :
« Je ne peux pas partir… J’ai donné ma parole… »
Jésus lève un visage bouleversé pour l’interrompre :
« À qui ? À qui ? À de pauvres hommes ! Et tu te soucies d’eux, tu crains de leur paraître déshonoré ? Mais ne t’étais-tu pas donné toi-même à moi depuis trois ans ? Et tu penses aux commentaires d’une poignée de malfaiteurs et non au jugement de Dieu ? Oh ! mais que dois-je faire, Père, pour ressusciter en lui la volonté de ne pas pécher ? »
Il baisse de nouveau la tête, découragé, déchiré… Il ressemble déjà au Jésus souffrant de l’agonie de Gethsémani.
Par pitié, Judas lui dit :
« Je reste. Ne souffre pas ainsi ! Je reste… Aide-moi à rester ! Défends-moi !
– Je le ferai toujours, pourvu que tu le veuilles. Viens. Il n’est pas de faute à laquelle je ne compatisse et que je ne pardonne. Dis : “ Je le veux ! ” Et je t’aurai racheté… »
Se relevant, il le prend dans les bras. Mais si les larmes de Jésus-Dieu tombent dans les cheveux de Judas, la bouche de Judas reste fermée. Il ne prononce pas la parole demandée. Il ne demande même pas “ pardon ” quand Jésus murmure dans ses cheveux :
« Vois comme je t’aime ! J’aurais dû te faire des reproches, or je t’embrasse ! J’aurais le droit de te dire : “ Demande pardon à ton Dieu ”, or j’attends seulement de toi le désir de pardon. Tu es si malade ! On ne peut exiger beaucoup d’un grand malade. A tous les pécheurs qui sont venus me trouver, j’ai demandé le repentir absolu pour pouvoir leur pardonner. Mais toi, mon ami, il me suffit que tu aies le simple désir de te repentir, et puis… c’est moi qui agirai. »
Judas garde le silence…
Jésus le laisse aller. Il propose :
« Reste au moins ici jusqu’au lendemain du sabbat.
– Je vais rester… Rentrons à la maison. On va remarquer notre absence. Peut-être les femmes t’attendent-elles. Elles sont meilleures que moi, et tu ne dois pas les négliger à cause de moi.
– Tu ne te rappelles pas la parabole de la brebis perdue ? C’est toi qu’elle concerne. Les femmes disciples sont les bonnes brebis enfermées au bercail. Elles ne sont pas en danger, même si je pars à la recherche de ton âme toute la journée pour la ramener à la bergerie…
– Mais oui ! Mais oui ! Voilà ! Je reviens au bercail ! Et je vais m’enfermer dans la bibliothèque de Lazare, pour lire. Je ne veux pas qu’on me dérange. Je ne veux rien voir, rien savoir. Ainsi… tu ne me soupçonneras pas toujours. Et si le Sanhédrin venait à apprendre la moindre information, tu devras chercher les vipères parmi tes préférés. Adieu ! Je rentre par la grille principale. Ne crains rien. Je ne m’enfuis pas. Tu peux venir le vérifier quand tu veux. »
Et, tournant le dos, il s’en va à grands pas.
Jésus, dont la grande stature blanche en vêtement de lin contraste sur le pré vert et rouge, hausse les bras, tourne un visage attristé vers le ciel serein, et élève son âme vers son Père, en gémissant :
« Oh ! mon Père ! Pourras-tu m’accuser de ne pas avoir tout fait pour le sauver ? Tu sais que c’est pour son âme, et non pour ma vie, que je lutte pour empêcher son crime… Père ! mon Père ! Je t’en supplie ! Hâte l’heure des ténèbres, l’heure du sacrifice, car il m’est trop atroce de vivre auprès de cet ami qui ne veut pas être racheté… C’est ma plus grande douleur ! »
A ces mots, il s’assied dans le trèfle dru, déjà haut, très beau. Il incline la tête sur ses genoux relevés et enserrés de ses bras, et il pleure…
Ah ! je ne supporte pas la vue de ces larmes ! Elles rappellent déjà trop celles de Gethsémani par ce qu’elles manifestent de désolation, de solitude, de conviction que le Ciel ne fera rien pour le consoler, et qu’il lui faudra subir cette douleur. Et cela me fait trop mal…
Jésus pleure longuement. L’endroit est tellement solitaire, silencieux, que les seuls témoins sont les abeilles d’or, le trèfle odorant qui ondule lentement sous le souffle du vent d’orage, et les nuages qui, au début de la matinée, formaient comme un léger filet sur le ciel bleu et qui maintenant se sont épaissis, obscurcis, amoncelés, annonçant qu’il va pleuvoir de nouveau.
Jésus arrête de pleurer. Il lève la tête pour écouter… Un bruit de roues et de grelots arrive de la route principale, puis le bruit des roues cesse, mais pas celui des grelots. Jésus dit :
« Allons ! Les femmes disciples… Elles sont fidèles… Mon Père, qu’il soit fait selon ta volonté ! Je t’offre le sacrifice de ce désir de Sauveur et d’Ami. C’est écrit ! Judas l’aura voulu. C’est vrai. Laisse-moi pourtant continuer mon travail pour lui jusqu’à ce que tout soit fini. Et je te dis dès maintenant : Père, quand je prierai pour les pécheurs, en victime désormais impuissante d’accomplir toute action directe, prends ma souffrance et ma force pour l’âme de Judas.
Je sais que je te fais une demande que la justice ne peut accorder. Mais c’est de toi que sont venus la miséricorde et l’amour, et tu les aimes, eux qui viennent de toi et qui ne font qu’un avec toi, Dieu un et trine, saint et béni. Je me donnerai moi-même à mes bien-aimés en nourriture et en boisson. Père, mon sang et ma chair devraient-ils être condamnation pour l’un d’eux ? Père, aide-moi ! Qu’un germe de repentir naisse dans ce cœur !
// Père, pourquoi t’éloignes-tu ? Tu t’éloignes déjà de ton Verbe qui prie ? L’heure est venue, je le sais. Que soit faite ta volonté bénie ! Mais laisse à ton Fils, à ton Christ, en qui par un impénétrable décret la vision assurée de l’avenir diminue dès maintenant — et je ne te dis pas que de ta part c’est cruauté, mais pitié pour moi —, laisse-moi l’espoir de le sauver encore. //
Oh ! mon Père. Je le sais, je l’ai su depuis que j’existe. Je l’ai su depuis que je suis venu ici sur la terre, non seulement Verbe, mais homme aussi. Je l’ai su depuis que j’ai rencontré Judas au Temple… Je l’ai toujours su… Mais maintenant… Ô Père très saint, montre ta grande pitié ! J’ai l’impression d’assister à un horrible rêve suscité par son comportement, mais qui n’est pas inéluctable… Je pense pouvoir encore espérer, toujours espérer, car infinie est ma souffrance, et infini sera le sacrifice, je pense pouvoir agir de quelque manière en sa faveur…
// Ah ! je délire ! C’est l’homme qui veut avoir cet espoir ! Le Dieu qui est en l’homme, le Dieu fait homme, ne peut se faire d’illusions ! // Voilà que se dissipent les nuées légères qui m’ont caché un instant l’abîme, l’abîme déjà ouvert pour s’emparer de celui qui a préféré les ténèbres à la lumière… Pitié quand tu me le caches ! Pitié quand tu me le montres, maintenant que tu m’as réconforté. Oui, Père, même cela ! Tout ! Et je serai miséricorde jusqu’à la fin, car telle est mon essence. »
Il prie encore en silence, les bras en croix, et son visage tourmenté s’apaise de plus en plus en prenant un aspect de paix auguste. Il devient presque lumineux, d’une lumière de joie intérieure, bien qu’aucun sourire ne se forme sur ses lèvres serrées. C’est la joie de son esprit, en communion avec le Père, qui transparaît en dépit des voiles de la chair et efface les marques creusées par la douleur sur le visage amaigri et spiritualisé, qui est venu de plus en plus au Maître à mesure que celui-ci a été pris par la souffrance et qu’il s’est approché du sacrifice. Les traits du Christ dans les derniers temps de sa vie mortelle ne sont plus ceux d’un visage de la terre, et aucun artiste ne serait capable de reproduire, même si le Rédempteur se montrait à lui, ce visage d’Homme-Dieu sculpté avec une beauté surnaturelle par le ciseau de la souffrance et de l’amour parfaits.
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---> La prière de Jésus à son Père Céleste est vivante, comme adressée à une Personnes qu'Il connait et voit en direct par l'union hypostatique ( union que DGC va pourtant accuser Maria Valtorta dans le prochain de ne pas savoir traduire, ce qui est particulièrement absurde ) , et Jésus nous fait ici la grâce inouïe de pourvoir l'entendre depuis son propre point de vue : on y retrouve toute l'authenticité de sa douleur humaine qui doit accepter ce que la Volonté de son Père Lui impose en terme de souffrance psychologique et physique.
---> Elle est le très fidèle reflet de ce que nous connaissons succinctement de sa prière durant l'Agonie, avec le même mouvement d'abord de supplication, puis de douloureuse acceptation dans l'obéissance.
---> Souvenons-nous du commentaire que faisait DGC de ce passage : "Cet éloignement ou séparation du Verbe d’avec le Père se traduit en termes existentiels dramatiques dans la prière de « Jésus » au Père pour Judas."
---> Est-ce que l’auteur lit réellement l'œuvre telle qu'elle est, ou bien en extirpe-t-il des petits bouts pour mieux la caricaturer ? Le Christ n'est-Il pas en effet ici consolé de sa souffrance par son union hypostatique avec son Père ? Devons-nous comme l’auteur rester scotchés dans le drame, ou bien le dépasser avec Jésus, en Jésus, comme Jésus ?
---> Quoi que les Évangiles ne le mentionnent pas, étant compendieux, Jésus avait la nécessité absolue de prier son Père de tout son cœur pour le salut de Judas, autrement Il n’aurait pas mérité complètement ses titres de Sauveur et de Bon Berger partant à la recherche de la brebis perdue ;
---> Certes, les efforts du Christ n’aboutirent pas, mais ils ne furent pas superflus : car ainsi, Jésus ne faillit pas dans sa Mission de tout tenter pour sauver un seul futur damné, jusqu’à vouloir changer par impossible le court normal de l’accomplissement des prophéties.
---> Si donc la prière suppliante du Christ ne fut pas exhaussée, Il dut en souffrir atrocement, comme à chaque fois que le Bon Berger voit se perdre une seule âme qui Lui appartient.
---> Et d’autre part, que son Père ne l’exhausse pas malgré l’intensité inouïe de sa supplication montre à l’évidence un éloignement de Celui-ci, car on s’éloigne de celui que l’on ne veut pas entendre, alors qu’on est proche de celui auquel on accorde toutes ses suppliques.
La conclusion est évidente :
1 ) L’objection de DGC est théologiquement fausse, et se base sur un refus plus ou moins volontaire de l’Évangile. Car la supplication du Christ au Gethsémani est tout à fait semblable : c’est celle d’éloigner de lui la coupe amère d’une mystérieuse souffrance, qui lui semble impossible à supporter ; bien sûr, il s’agit de toutes celles de sa Passion, mais en tout particulier la damnation de Judas qui martyrise plus que tout autre chose le Cœur déchiré du pauvre Serviteur Souffrant, sachant bien que la damnation de Judas était parfaitement inutile pour l’accomplissement du Salut des hommes, et qu’elle aurait pu dans le principe être évitée, si seulement le malheureux apôtre avait daigné y consentir.
2 ) Si donc le Père avait été proche du Christ lors de son agonie et lors des derniers instants de sa crucifixion, Celui-ci en aurait eu une consolation dans son Humanité martyre : mais de consolation, il ne devait pas être question pour Lui, afin qu’Il soit réellement anéanti par une douleur incommensurable, souffrant comme s’Il était coupable devant Dieu.
3 ) Car tel est bien le mystère que rejette DGC, et sur lequel il trébuche : le Christ, dans son humilité sans mesure, voulut souffrir comme s’Il était au Yeux du Père l’unique coupable, digne de subir sa juste Colère et tous les châtiments ( Isaïe 53 )… et ainsi, Il accepta de subir à notre place son éloignement, « Lui qui Le fit devenir péché pour nous, alors qu’Il n’avait pas connu le péché, afin que nous devenions en Lui justice de Dieu. » ( 2 Cor 5,21 )
4 ) Ce ne fut pas de la cruauté de la part du Père, mais le moyen d’accomplir la Miséricorde et la Justice envers nous, en parfait accord avec son Fils, d’avance prêt à subir cette impensable tragédie la Croix, « folie pour les païens, mais Sagesse de Dieu pour ceux qui se sauvent » ( 1 Cor 1,18 )
5 ) Enfin, l’accusation comme quoi le Christ aurait connu selon Maria Valtorta une diminution de science, manifeste chez l’auteur l’incompréhension du Mystère : car cette diminution de science ne fut subie par Jésus que dans la seule Humanité, et ce qui Le fit le plus souffrir fut précisément de ne pas pouvoir échapper à sa Prescience divine en tant que Verbe, elle qui lui indiquait la certitude absolue de l’accomplissement des Écritures, c’est-à-dire l’atroce réalité de la damnation inéluctable de Judas ( Ps. 40,10 ; Ps. 108,8-13 ).
En bref :
---> Aucune erreur théologique ne se trouve dans l’EMV, comme d’ailleurs ses plus farouches opposants du Saint Office de l’époque avaient été forcé de le reconnaître par écrit :
---> et c’est encore un nouveau flop retentissant pour DGC.
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