Certains gestes sont-ils vraiment ambigus dans l’EMV ? ( suite et fin ) 

---> Selon DGC, la réponse à cette question est toujours « oui », et il ne voit même pas la nécessité de le justifier, tant cela lui semble évident : il se contente de citer les passages, en espérant que cela suffise à créer un scandaleux scandale !

---> La vaine « chasse aux gestes de tendresse » organisée par DGC continue, car il pense avoir suffisamment persuadé ses lecteurs que ceux-ci seraient parfaitement incongrus, surtout de la part du « Dieu de tendresse et de pitié, lent à la colère, plein d'amour et de vérité »« tendre pour qui le craint, comme l'est un père pour ses fils. » ( Ps 102 )

---> Comme déjà dit au début du précédent volet, et comme nous allons de nouveau le constater dans ce volet, les gestes de Jésus dans l’EMV sont toujours dénués de toute ambiguïté : et si ces gestes du Christ n’existaient pas, alors on pourrait raisonnablement douter de la toute puissance de l’Amour - dont Jésus est rappelons-le l’Incarnation -, Amour qui alors, ne serait même pas capable de se manifester humainement dans toute sa force, sinon en péchant immanquablement, ce qui serait une absurdité.

---> Il faudrait vraiment avoir « de la matière » dans les yeux pour voir dans ces gestes de tendresse du Christ ne serait-ce qu’une ombre d’impureté, mais l'auteur ne va cependant pas s'en priver.

DGC :
C’est spécialement Jean, décrit comme le plus jeune et le plus pur des Apôtres, qui est l’objet de tels gestes.
« Jésus passe un bras à la taille de Jean, qui sait être enfant et croire, pour lui faire sentir son amour »
(VII, 173, 124).

---> Encore un exemple de la « technique DGC » : la complète décontextualisation d’une citation. Pourquoi ? Comment ? Quand ? Suite à quel évènement ? De la part de qui ? Dans quel but ? Autant de questions qu'il semble inutile à l’auteur de se poser.

---> Car un simple geste peut être ambigu ou non, en fonction de qui le pratique, et avec qui : ici, vue les protagonistes de la scène, il ne peut y avoir aucune sorte d'ambiguïté possible, tout comme lorsque saint Jean reposera sa tête sur la poitrine du Christ.

---> Petit exemple personnel : moi qui suis plusieurs fois grand frère, j’ai pratiqué ce geste de sincère affection avec les plus jeunes ou les plus grands durant mon existence, en tout bien tout honneur, pour la simple et bonne raison que je suis incarné, et non pas froid et distant avec mes proches.

---> Effectivement, la « théologie de la désincarnation » défendue par DGC fait très mauvais ménage avec l’EMV, dépeignant, elle, en toute vérité l’Incarnation du Verbe, Lequel manifeste son Amour avant tout sur le plan spirituel, mais aussi par l’exercice visible pur et saint de toutes ses passions humaines parfaites, dans une juste mesure, que le contexte explique parfaitement à chaque fois : cela est aussi cohérent que le fait que l'âme soit unie au corps.

---> Jésus avait des passions humaines parfaites, non défigurées par le péché, et il était donc normal qu’Il s’en serve dans la très juste mesure où on Le voit le faire au fil de l’œuvre : autrement, son Incarnation en aurait été amputée, et Il se serait montré d’autant moins Homme, ce qui serait absurde : si Dieu s'incarne, c'est qu'il est bon qu'Il le fasse.

---> Jamais homme n’a été davantage Homme que Jésus : Il ne s’est pas incarné, pour ensuite rejeter comme mauvais ce qu'Il avait acquis par son Incarnation - et notamment ses passions humaines -.

Contexte de ce passage

- correspondant à Jean 7,1-9 « Même les frères de Jésus ne croyaient pas en Lui » - :

---> Jésus vient de s’entretenir longuement avec Joseph et Simon d'Alphée, ses deux cousins, qui lui étaient d’abord hostiles, car ils croyaient que le Christ avait trahi leur amour en refusant de devenir roi pour chasser l’envahisseur romain, comme les ennemis du Christ avaient réussi à les en persuader sournoisement.

---> Après les avoir patiemment écoutés, Jésus leur explique en quoi ce projet était totalement contraire à sa vraie dignité royale, et que le Dessein de son Père est aux antipodes de leurs pauvres vues humaines. Il leurs parle de ses souffrances, d’un peuple qui le conduira « jusqu’au trône » ( celui de la croix ), avec tant de sagesse et de douceur que Joseph et Simon se laissent réconcilier avec Lui, sans pour autant comprendre vraiment de quoi il s’agit, et sans renoncer vraiment à leur espérance humaine d’une royauté temporelle d’un Christ vengeur.

---> Tout ce déploiement de persuasion, nécessaire pour gagner le cœur de ses cousins, est superflu dans le cas de Jean, l’apôtre pur et aimant, qui a en Jésus une confiance définitive, infinie, ce qui lui permet de Le comprendre sans difficulté ni obstacle.

---> Voici maintenant l’intégralité de ce passage, où nous pourrons découvrir en toute clarté l’état spirituel de chacun des protagonistes, Simon et Joseph, les fils d’Alphée , saint Jean, et bien sûr, Jésus Lui-même :

EMV 478 - En route pour la fête des Tabernacles, Jésus dialogue avec Joseph et Simon d’Alphée.
En rouge gras, ce qui correspond à Jean 7,1-9 ;
En rouge entre les // : la citation de DGC. )

Le soleil se lève à peine sur la nature rendue humide par une averse, tombée depuis peu certainement parce que la poussière de la route en est encore humectée, sans pourtant avoir fait de la boue. Voilà pourquoi je dis qu'il a plu depuis peu et que cela n'a été qu'une averse. Une première pluie d'automne, l'annonce des pluies de novembre qui changeront les routes de Palestine en un ruban visqueux de boue. Mais celle-ci légère, favorable aux voyageurs, n'a fait qu'humecter la poussière - l'autre fléau de la Palestine réservé aux mois d'été, comme la boue l'est à ceux d'hiver - et laver l'atmosphère, les feuilles et les herbes qui, propres, brillent toutes au premier rayon du soleil. Un petit vent, doux et pur, court à travers les oliviers qui couvrent les collines de Nazareth et il semble qu'un grand vol d'anges court à travers les arbres pacifiques, tellement leurs frondaisons rappellent dans leur bruissement le bruit des grandes ailes qui se meuvent dans le vol, et elles brillent avec leur argent lumineux, toutes penchées du même côté, comme si à l'arrière du vol angélique il restait un sillage de lumière paradisiaque.

La ville est déjà dépassée de quelques stades quand Jésus, qui a marché par des raccourcis à travers les collines, entre dans la grand-route qui, de Nazareth, va à la plaine d'Esdrelon, la route des caravanes qui de minute en minute s'anime avec le passage des pèlerins. Il fait quelques autres stades sur la route. À un endroit, elle bifurque près d'une pierre milliaire, qui sur deux côtés porte l'inscription : "Jafia Simonia - Bethléem Carmel" à l'ouest, et : "Xalot - Naïm Scythopolis – Engannim" à l'est. Là Jésus voit, arrêtés sur le bord de la route, ses cousins Joseph et Simon qui, avec Jean de Zébédée, le saluent tout de suite.

"Paix à vous ! Vous êtes déjà ici ? Je pensais m'arrêter ici pour vous attendre et être le premier... et je vous trouve déjà"

Et il les embrasse visiblement content de les voir.

"Tu ne pouvais arriver le premier. Craignant que tu passes avant que nous arrivions, nous sommes partis à la clarté des étoiles, tout de suite cachées par des nuages."

"Je vous avais dit que vous m'auriez vu. Alors, toi, Jean, tu n'as pas dormi !"

"Peu, Maître, mais toujours plus que Toi certainement. Mais cela ne fait rien" et le visage serein de Jean sourit, vrai miroir de son excellent caractère toujours content de tout.

"Eh bien, mon frère, tu voulais me parler ?" dit Jésus à Joseph.

"Oui... Viens un peu à l'intérieur de cette vigne. Nous serons plus tranquilles"

Et Joseph d'Alphée le premier pénètre entre deux rangs de vignes déjà dépouillées de leurs fruits. Seuls quelques grappillons restent encore sur les sarments, au milieu des feuilles qui blondissent et vont bientôt tomber, réservés à la faim du pauvre et du pèlerin, suivant les prescriptions mosaïques.

Jésus le suit avec Simon. Jean reste sur la route, mais Jésus l'appelle en disant :

"Tu peux venir, Jean. Tu es mon témoin."

"Mais..." dit l'apôtre en regardant interdit les deux fils d'Alphée.

"Oui, oui, viens aussi. Et même nous voulons que tu entendes nos paroles" dit Joseph.

Alors Jean descend à son tour dans le vignoble où tous ensemble ils s'enfoncent en suivant les courbes des rangées, au point que l'on ne peut plus les voir de la route.

"Jésus, j'ai été heureux de voir que tu m'aimes" dit Joseph.

"Et pouvais-tu en douter ? Ne t'ai-je pas toujours aimé ?"

"Moi aussi, je t'ai toujours aimé. Mais... dans notre amour, depuis quelque temps, nous ne nous comprenions plus. Moi... je ne pouvais approuver ce que tu faisais, car cela me paraissait ta ruine, celle de ta Mère et la nôtre. Tu sais... Nous tous les vieux galiléens, nous nous rappelons comment fut frappé Jude le galiléen et comment furent dispersés ses parents et ses disciples dont les biens furent confisqués. Ceux qui ne furent pas tués, furent envoyés aux galères et eurent leurs biens confisqués. Moi, je ne voulais pas cela pour nous. C'est que... Oui, il me semblait que cela ne devait pas être vrai que justement chez nous, de la descendance de David, oui, mais ainsi... Nous ne manquons pas de pain, pour cela non, et que le Très-Haut en soit loué. Mais où se trouve la grandeur royale que toutes les prophéties attribuent à celui qui sera le Messie ? Et Toi, es-tu la verge qui frappe pour dominer ? Tu n'as pas été la lumière à ta naissance. Tu n'es même pas né dans ta maison !... Oh ! je les connais bien les prophéties ! Nous, bois sec désormais, mais rien ne disait que le Seigneur l'aurait revêtu d'une frondaison. Et Toi, qu'es-tu sinon un juste ?

C'étaient les idées à cause desquelles je te combattais en gémissant sur notre ruine. Et pendant que je gémissais ainsi, voici venir des tentateurs pour faire enflammer encore plus mes idées de grandeur, de royauté... Jésus, ton frère a été un imbécile. Je les ai crus, et je t'ai déplu.

C'est dur de l'avouer, mais je dois le dire. Et toi pense qu'Israël tout entier était en moi, imbécile comme moi, sûr comme moi que l'apparence du Messie n'est pas celle que tu nous donnes... Il est dur de dire : "Je me suis trompé ! Nous nous sommes trompés et nous nous trompons ! Depuis des siècles". Mais ta Mère m'a expliqué les paroles des prophètes.

Oh ! oui ! Jacques a raison, et Jude a raison. Entendues de sa bouche, comme eux les ont entendues tout enfants, on voit que tu es le Messie. Voilà, mes cheveux blanchissent car je ne suis plus un enfant, et je ne l'étais pas non plus quand Marie revint du Temple comme épouse de Joseph. Et je me souviens de ces jours-là, et de la réprobation stupéfaite de mon père quand il vit que son frère ne faisait pas les noces au plus vite. Sa stupeur, stupeur de Nazareth, et aussi les médisances. Car il n'est pas d'usage de laisser passer tant de mois avant les noces, en se mettant dans les conditions de pécher et de... Jésus, j'estime Marie, et j'honore la mémoire de mon parent. Mais le monde... Pour le monde, cela n'a pas été un bon moment… Toi... Oh ! maintenant je sais. Ta Mère m'a expliqué les prophéties. Voilà pourquoi Dieu a voulu que les noces soient retardées. Pour que ta naissance coïncide avec le grand Édit et que tu naisses à Bethléem de Juda. Et... Marie m'a tout expliqué, tout oui, et il y a eu une sorte de lumière pour que je comprenne ce qu'elle a tu par humilité. Et je dis : tu es le Messie. C'est ce que j'ai dit et ce que je dirai. Mais le dire, ce n'était pas encore changer l'esprit... car mon esprit pense que le Messie est Roi. Les prophéties parlent... et il est difficile de pouvoir comprendre dans le Messie un caractère autre que celui de Roi...
Mais suis-tu ? Tu es fatigué ?"

"Non, j'écoute."

"Eh bien... Ceux qui cherchaient à séduire mon cœur sont revenus et ils voulaient que je te contraigne... Et parce que je n'ai pas voulu, le voile est tombé de leurs visages et ils sont apparus pour ce qu'ils sont : de faux amis, de vrais ennemis... Et d'autres sont venus, pleurant comme des pécheurs, et je les ai entendus. Ils ont répété tes paroles dans la maison de Chouza... Maintenant je sais que tu régneras sur les esprits, c'est-à-dire que tu seras Celui en qui toute la sagesse d'Israël se centralise pour donner des lois nouvelles et universelles.

En Toi la sagesse des patriarches et celle des juges, et celle des prophètes, et celle de nos aïeux David et Salomon, en Toi la sagesse qui a guidé les rois, Néhémie et Esdras, en Toi celle qui a conduit les Maccabées. Toute la sagesse d'un peuple, de notre peuple, du Peuple de Dieu. Je comprends que tu donneras au monde, tout entier soumis à ton pouvoir, tes lois très sages. Et c'est vraiment un peuple de saints que sera ton peuple.

Mais, mon Frère, tu ne peux faire cela tout seul. Moïse pour bien moins se choisit des aides. Et ce n'était qu'un peuple ! Toi... Tout le monde. Tout entier à tes pieds !… Ah ! Mais pour faire cela, tu dois te faire connaître... Pourquoi ce sourire sur tes lèvres, tout en restant les yeux fermés ?"

"Parce que j'écoute et que je me demande : "Mon frère oublie-t-il qu'il m'a fait des reproches parce que je me faisais connaître, disant que j'aurais nui à toute la famille !" Voilà pourquoi je souris. Et je pense aussi que depuis deux ans et six mois, je ne fais que me faire connaître."

"C'est vrai. Mais... Qui te connaît ? Des pauvres, des paysans, des pêcheurs, des pécheurs, et des femmes ! Les doigts de la main suffisent pour compter, parmi ceux qui te connaissent, ceux qui ne sont pas des nullités sans valeur. Je dis que tu dois te faire connaître des grands d'Israël, des Prêtres, des Princes des Prêtres, des Anciens, des Scribes, des grands Rabbis d'Israël, de tous ceux qui sont peu nombreux mais valent une multitude. C'est eux qui doivent te connaître ! Eux, ceux qui ne t'aiment pas, parmi leurs accusations dont maintenant je comprends la fausseté, en ont une de vraie, de juste : celle que tu les négliges. Pourquoi ne te présentes-tu pas pour ce que tu es ? Et pourquoi ne les conquiers-tu pas par ta sagesse ? Monte au Temple et siège dans le Portique de Salomon - tu es de la souche de David et prophète, cette place te revient, elle ne revient à personne comme à Toi, de droit - et parle."

"J'ai parlé. C'est pour cela qu'ils m'ont haï."

"Insiste, et parle en roi. Ne te rappelles-tu pas la puissance, la majesté des actes de Salomon ? Si (il est splendide ce "si" !) tu es vraiment celui qu'ont prophétisé les prophètes, comme le montrent les prophéties vues avec les yeux de l'esprit, tu es plus qu'un Homme. Lui, Salomon, n'était qu'un homme. Alors, montre-toi pour ce que tu es, et ils t'adoreront."

"M'adoreront-ils les juifs, les princes, et les chefs des familles et des tribus d'Israël ? Pas tous, mais quelques-uns qui ne m'adorent pas, m'adoreront en esprit et en vérité. Mais pas maintenant. Je dois avant ceindre la couronne et prendre le sceptre et revêtir la pourpre."

"Ah ! alors, tu es roi, tu vas l'être bientôt ! Tu le dis ! C'est comme je pensais ! C'est comme beaucoup le pensent !"

"En vérité, tu ne sais pas comment Je régnerai. Seul le Très-Haut et Moi, et quelques âmes auxquelles l'Esprit du Seigneur s'est plu à le révéler, maintenant et dans les temps passés, nous savons comment régnera le Roi d'Israël, l'Oint de Dieu."

"Pourtant, écoute-moi aussi, Frère, dit Simon d'Alphée. Pourtant Joseph a raison. Comment veux-tu qu'ils t'aiment ou qu'ils te craignent si tu évites toujours de les stupéfier ? Ne veux-tu pas appeler Israël aux armes ? L'ancien cri de guerre et de victoire ne veux-tu pas le dire ? Mais, au moins - ce n'est pas la première fois que se produisent ainsi les appels au trône en Israël - mais au moins par les hosannas du peuple, mais au moins pour avoir su arracher ces hosannas par ta puissance de Rabbi et de Prophète, deviens roi."

"Je le suis déjà. Depuis toujours."

"Oui, réplique Simon. C'est ce que nous a dit un chef du Temple. Tu es né roi des juifs. Mais tu n'aimes pas la Judée. Tu es un roi déserteur puisque tu ne vas pas à elle. Tu es un roi qui n'est pas saint si tu n'aimes pas le Temple où la volonté d'un peuple te consacrera roi. Sans la volonté d'un peuple, si tu ne veux pas t'imposer à lui par la violence, tu ne peux régner."

"Sans la volonté de Dieu, tu veux dire, Simon. Qu'est-ce que la volonté du peuple ? Qu'est le peuple ? Par qui est-il peuple ? Qui le soutient comme tel ? Dieu. Ne l'oublie pas, Simon. Et Moi, je serai ce que Dieu veut. C'est par sa volonté que je serai ce que je dois être, et rien ne pourra empêcher que je le sois. Moi, je n'aurai pas à jeter le cri de rassemblement. Israël sera tout entier présent à ma proclamation. Moi, je n'aurai pas besoin de monter au Temple pour être acclamé. Ils m'y porteront. Un peuple tout entier m'y portera pour que je monte sur mon trône. Vous m'accusez de ne pas aimer la Judée… C'est au cœur de cette Judée, à Jérusalem, que je deviendrai le "Roi des Juifs". Saül n'a pas été proclamé roi à Jérusalem, et David non plus, ni non plus Salomon. Mais Moi, je serai consacré Roi à Jérusalem. Mais je n'irai pas maintenant publiquement au Temple, et je n'y siégerai pas car ce n'est pas mon heure."

Joseph reprend la parole.

"Tu laisses passer ton heure. C'est moi qui te le dis. Le peuple est las des oppresseurs étrangers et de nos chefs. C'est l'heure, je te le dis. Toute la Palestine, à l'exception de la Judée, et encore pas toute, te suit en qualité de Rabbi et plus encore. Tu es comme un étendard élevé sur une hauteur et tous te regardent. Tu es comme un aigle et tous suivent ton vol. Tu es comme un vengeur et tous attendent que tu décoches la flèche. Va, quitte la Galilée, la Décapole, la Pérée, les autres régions, et va au cœur d'Israël, dans la citadelle où tout le mal est renfermé et d'où doit venir tout le bien, et conquiers-la. Là aussi tu as des disciples, mais qui sont tièdes, parce qu'ils te connaissent peu; mais peu nombreux parce que tu n'y séjournes pas; mais incertains parce que tu n'y as pas fait les œuvres que tu as faites ailleurs. Va-t-en en Judée pour qu'eux aussi voient qui tu es par tes œuvres. Tu reproches aux juifs de ne pas t'aimer. Mais comment peux-tu prétendre de l'être, si tu leur restes caché ? Personne, qui cherche à être acclamé en public et le désire, ne fait ses œuvres en cachette, mais il les fait de façon que le public les voie. Si donc tu peux faire des prodiges sur les cœurs, sur les corps et sur les éléments, va là et fais-toi connaître au monde."

"Je vous l'ai dit : ce n'est pas mon heure. Mon temps n'est pas encore venu. Il vous semble toujours que ce soit le bon moment, mais il n'en est pas ainsi. Je dois prendre le temps qui est le mien : pas avant, pas après. Avant, ce serait inutile. Je me ferais effacer du monde et des cœurs avant d'avoir achevé mon œuvre et le travail déjà fait ne donnerait pas de fruit, parce qu'il ne serait pas achevé ni aidé par Dieu, qui veut que je l'accomplisse sans négliger une seule parole ou une seule action. Je dois obéir à mon Père, et je ne ferai jamais ce que vous espérez, car cela servirait à nuire au dessein de mon Père.

Je vous comprends et vous excuse. Je n'ai pas de rancœur pour vous. Je n'éprouve pas de lassitude, d'ennui pour votre cécité... Vous ne savez pas, mais Moi, je sais. Vous ne savez pas, vous voyez la surface du visage du monde. Moi, je vois la profondeur. Le monde vous montre encore bon visage. Il ne vous hait pas, non qu'il vous aime, mais parce que vous ne méritez pas sa haine. Vous êtes trop peu de chose. Mais il me hait Moi, parce que je suis un danger pour le monde : un danger pour la fausseté, pour la cupidité, pour la violence qu'est le monde.

Je suis la Lumière, et la lumière illumine. Le monde n'aime pas la lumière car elle manifeste les actions du monde. Le monde ne m'aime pas, il ne peut pas m'aimer car il sait que je suis venu pour le vaincre dans le cœur des hommes et dans le roi ténébreux qui le domine et le dévoie. Le monde ne veut pas se convaincre que je suis son Médecin et son Remède et, comme un fou, il voudrait m'abattre pour n'être pas guéri. Le monde encore ne veut pas se persuader que je suis le Maître parce que ce que je dis est contraire à ce qu'il dit. Et alors il cherche à étouffer la Voix qui parle au monde afin de l'instruire à Dieu, de lui montrer la vraie nature de ses actions qui sont mauvaises.

Entre le Monde et Moi, il y a un abîme, et pas par ma faute. Je suis venu pour donner au monde la Lumière, le Chemin, la Vérité, la Vie. Mais le monde ne veut pas m'accueillir et pour lui ma lumière devient ténèbres parce qu'elle sera la cause de la condamnation de ceux qui n'ont pas voulu de Moi. Dans le Christ se trouve toute la Lumière pour ceux d'entre les hommes qui veulent l'accueillir, mais dans le Christ aussi se trouvent toutes les ténèbres pour ceux qui me haïssent et me repoussent. C'est pour cela qu'au commencement de mes jours mortels, j'ai été prophétiquement indiqué comme "un signe de contradiction" parce que, selon la manière dont je serai accueilli, ce sera salut ou condamnation, mort ou vie, lumière ou ténèbres. Mais ceux qui m'accueillent, en vérité, en vérité je vous dis qu'ils deviendront des fils de la Lumière, c'est-à-dire de Dieu, car ils sont nés à Dieu pour avoir accueilli Dieu.

Par conséquent, si je suis venu pour faire des hommes des fils de Dieu, comment puis-je faire de Moi un roi comme, par amour ou par haine, par simplicité ou par malice, beaucoup en Israël vous voulez faire ? Vous ne comprenez pas que je me détruirais Moi-même, le vrai Moi-même, c'est-à-dire le Messie, non pas le Jésus de Marie et Joseph de Nazareth. Je détruirais le Roi des rois, le Rédempteur, celui qui est né d'une Vierge, appelé Emmanuel, appelé l'Admirable, le Conseiller, le Fort, le Père du siècle futur, le Prince de la Paix, Dieu, Celui dont l'empire et la paix n'auront pas de limites, en s'assoyant sur le trône de David à cause de la descendance humaine, mais ayant le monde pour escabeau de ses pieds, pour escabeau de ses pieds tous ses ennemis et le Père à ses côtés, comme il est dit au livre des Psaumes, par droit surhumain d'origine divine ?

Vous ne comprenez pas que Dieu ne peut être Homme, autrement que par perfection de bonté, pour sauver l'homme, mais ne peut pas, ne doit pas s'abaisser Lui-même à de pauvres choses humaines ? Vous ne comprenez pas que si j'acceptais la couronne, la royauté comme vous la comprenez, j'avouerais que je suis un faux Christ, je mentirais à Dieu, je me renierais Moi-même, et je renierais le Père, et je serais pire que Lucifer, car je priverais Dieu de la joie de vous avoir, je serais pire que Caïn pour vous, car je vous condamnerais à être perpétuellement exilé de Dieu dans les Limbes sans espérance de Paradis ?

Tout cela, vous ne le comprenez pas ? Ne comprenez-vous pas le piège où les hommes veulent me faire tomber ? Le piège de Satan pour frapper l'Éternel dans son Aimé et dans ses créatures : les hommes ? Ne comprenez-vous pas que c'est le signe que je suis plus qu'un homme, que je suis l'Homme-Dieu ? Le fait que je n'aspire qu'à des choses spirituelles pour vous donner le Royaume spirituel de Dieu ?... Vous ne comprenez pas que le signe que je…"

"Les paroles de Gamaliel !" s'écrie Simon.

"...que je ne suis pas un roi, mais le Roi, c'est cette haine de tout l'enfer et du monde entier envers Moi ? Je dois enseigner, souffrir, vous sauver. C'est cela que je dois faire. Et cela Satan ne le veut pas et les satans ne le veulent pas.
L'un de vous a dit : "Les paroles de Gamaliel". Voici : lui n'est pas mon disciple et il ne le sera jamais tant que je serai de ce monde, mais c'est un juste. Eh bien : parmi ceux qui me proposent et qui vous proposent le pauvre royaume humain, y a-t-il par hasard Gamaliel ?"

"Oh ! non ! dit Simon. Étienne a dit que le rabbi, ayant appris ce qui est arrivé chez Chouza, s'est écrié : "Mon esprit tressaille en se demandant si Lui peut être vraiment ce qu'il dit. Mais toute question serait morte avant de se former dans mon esprit, et pour toujours, s'il avait consenti à cette chose. L'Enfant, que j'ai entendu, a dit que l'esclavage comme la royauté ne seront pas ce que nous croyons, en comprenant mal les prophètes, c'est-à-dire matérielles, mais de l'esprit, grâce au Christ, Rédempteur de la Faute et Fondateur du Royaume de Dieu dans les esprits.

Je me rappelle ces paroles, et c'est sur elles que je juge le Rabbi. Si, en le jugeant, je le trouvais au-dessous de cette hauteur, je le repousserais comme un pécheur et un menteur. Et j'ai tremblé de voir se dissoudre dans le néant l'espérance que cet Enfant m'a donnée"

"Oui, mais en attendant, il ne l'appelle pas le Messie" dit Joseph.

"Il attend un signe, dit-il" répond Simon.

"Et Toi, donne-le-lui, alors ! Et qu'il soit puissant."

"Je lui donnerai ce que je lui ai promis, mais pas maintenant.
Vous, allez à cette fête. Moi je n'y viens pas publiquement, comme rabbi, comme prophète, pour m'imposer, car ce n'est pas encore mon temps."

"Mais, au moins, tu viendras en Judée ? Tu donneras aux juifs des preuves qui les convainquent ? Pour qu'ils ne puissent pas dire..."

"Oui. Mais crois-tu qu'elles serviront à me procurer la paix ? Frère, plus j'agirai et plus je serai haï. Mais je te contenterai. Je leur donnerai les preuves les plus grandes qui puissent exister... et je leur dirai des paroles capables de changer des loups en agneaux, des pierres dures en cire molle. Mais cela ne servira à rien..."

Jésus est triste.

"Je t'ai fait souffrir ? Je le disais pour ton bien."

"Non, tu ne me donnes pas du chagrin… Je voudrais pourtant que tu me comprennes, que toi, mon frère, tu me voies pour ce que je suis... Je voudrais m'en aller avec la joie de te savoir mon ami. L'ami comprend et il veille sur les intérêts de l'ami..."

"Et moi, je te dis que je le ferai. Je sais qu'ils te haïssent. Désormais, je le sais. C'est pour cela que je suis venu. Mais tu le sais : je veillerai sur Toi. Je suis l'aîné, je réfuterai les calomnies et je penserai à ta Mère" promet Joseph.

"Merci, Joseph. Il est grand mon fardeau et tu l'allèges. La douleur, une mer, s'avance avec ses flots pour me submerger et avec elle la haine... Mais si j'ai votre amour, ce n'est rien. C'est que le Fils de l'homme a un cœur... et ce cœur a besoin d'amour..."

"Et moi, je te le donne. Oui. Sous l’œil de Dieu qui me voit, je te dis que je te le donne. Va en paix, Jésus, à ton travail. Je t'aiderai. Nous nous aimions bien. Puis... Mais maintenant redevenons ce que nous étions autrefois, l'un pour l'autre. Toi : le Saint; moi : l'homme, mais unis pour la gloire de Dieu. Adieu, Frère."

"Adieu, Joseph."

Ils s'embrassent. C'est le tour de Simon qui demande :

"Bénis-nous pour que nos cœurs s'ouvrent à toute la Lumière."

Jésus les bénit et, avant de les quitter, il leur dit encore :

"Je vous confie ma Mère…"

"Va en paix. Elle aura deux fils en nous."

Ils se quittent.

Jésus revient sur la route et, avec Jean à côté de Lui, il se met à marcher vite, très vite.

Après un bon moment, Jean rompt le silence pour demander :

"Mais Joseph d'Alphée, il est convaincu ou non, désormais ?"

"Pas encore."

"Et alors, Toi, qu'es-tu pour lui ? Messie ? Homme ? Roi ? Dieu ? Je n'ai pas bien compris. Il me semble qu'il..."

"Joseph est comme dans un de ces rêves du matin où l’esprit se rend déjà à la réalité en se dégageant d'un lourd sommeil qui lui donnait des rêves irréels, parfois des cauchemars. Les fantômes de la nuit s'éloignent, mais l'esprit flotte encore dans le rêve qu'on ne voudrait pas voir finir parce qu'il est beau... Pour lui, c'est cela. Il approche du réveil, mais pour l'instant il caresse encore son rêve. Il le retient pour ainsi dire car, pour lui, il est beau... Mais il faut savoir prendre ce que l'homme peut donner, et louer le Très-Haut pour la transformation survenue jusqu'à présent. Bienheureux les enfants ! Il est si facile pour eux de croire !"

// Et Jésus passe un bras à la taille de Jean, qui sait être enfant et croire, pour lui faire sentir son amour. //

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---> Pour comprendre quel est ce fameux signe attendu par Gamaliel, il faut consulter l'épisode du recouvrement au Temple, où Jésus Enfant le lui promet pour se faire connaître de lui comme le Messie ( le signe de la Croix ).

---> Jean croit simplement avec un cœur d’enfant, sans opposer l’obstacle de ses raisonnements humains, que l’Amour infini ne sera sacré Roi que sur une croix, tandis que ni Joseph d’Alphée, ni Simon son frère ne peuvent encore le comprendre, même quand Jésus le leur enseigne.

---> « (...) et le visage serein de Jean sourit, vrai miroir de son excellent caractère toujours content de tout. » Joseph et Simon sont soucieux, torturés comme les adultes savent l’être quand ils mettent leur confiance avant tout en leur propre intellect ; Jean quant à lui, a une confiance sans mesure dans son Maître, sans que ce soit par facilité ou débilité d’esprit. Judas, comme nous le verrons plus loin, en témoignera lui-même ainsi : « D'ailleurs, tout le rend heureux ( Jean ). Vous vous ressemblez vraiment, et je ne sais pas comment vous faites pour être heureux toujours et pour toutes les choses les plus... affligeantes. »

---> Contrairement donc à ce que voudrait insinuer DGC, ce geste d’une chaste tendresse est pleinement approprié, car Jésus la Pureté même, reconnaît en Jean sa très fidèle Image, celle de l’enfance innocente et pure :

---> Quelle mère faudrait-il regarder de travers, parce qu’elle aurait osé serrer tendrement contre elle son fils chéri qui la comprend ? C’est ainsi que Jésus s’autorise à aimer visiblement saint Jean en toute innocence, et encore une fois, il faudrait avoir « de la matière dans les yeux » pour y penser à mal.

---> Pour DGC, c'est un flop.

DGC :
«Mon Jean ! Mon doux enfant ! » Jésus dépose un baiser sur son front découvert et si pur, et lui murmure dans les cheveux qui se soulèvent blonds et légers (…) : « Laisse-moi me désaltérer et me réconforter à une source qui ignore la corruption, et que j’oublie la pourriture vermineuse d’un trop grand nombre, en te regardant toi seul, ma paix ! » Et il dépose un baiser encore, les yeux dans les yeux, et en plongeant son regard dans les yeux de l’apôtre vierge et affectueux. (VIII, 26, 223-224)

---> Où donc sont passées les quelques lignes tellement explicatives qui précèdent et que voici :

( Jean ) "Oui, Maître. Mais avec cela... dis-moi... est-ce que Judas arrivera jamais à ton port ?"

( Jésus ) "Oh ! ne me fais pas regarder l'avenir de l'un de mes plus chers ! J'ai devant Moi l'avenir de millions d'âmes pour lesquelles sera inutile ma douleur !... J'ai devant Moi toutes les souillures du monde... La nausée me bouleverse. La nausée de tout ce bouillonnement de choses immondes qui comme un fleuve couvre la Terre et la couvrira, avec des aspects divers, mais toujours horribles pour la Perfection, jusqu'à la fin des siècles. Ne me fais pas regarder ! // Laisse-moi me désaltérer et me réconforter à une source qui ignore la corruption, et que j'oublie la pourriture vermineuse d'un trop grand nombre, en te regardant toi seul, ma paix !"

Et il dépose un baiser encore, les yeux dans les yeux, et en plongeant son regard dans les yeux limpides de l'apôtre vierge et affectueux... // (...)

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---> DGC a mis tout le contexte à la poubelle, or c’est indispensable pour s’expliquer ce geste du Christ.

---> L’auteur doit certainement trouver que ce passage lui rappelle les baisers forcés reçus par certains séminaristes de la communauté saint Martin, de la part de leur fondateur, l’abbé Jean-François Guérin ( 1929, + 2005 ). Mais ce parallèle n’a absolument aucun sens, pour plusieurs raisons :

---> Ici, ce n’est pas un pervers, mais la Sainteté en Personne qui donne à son apôtre des marques de paternelle tendresse, ce dont saint Jean témoigne dans son Évangile, décrivant comment il reposait sa tête sur la Poitrine de Jésus ( Jean 13,23 ), se nommant lui-même : « le disciple que Jésus aimait » ( Jean 13,23 ; 19,26 ; 20,2 ; 21,7 ; 21,20 ), ce qui n'est pas une parole en l'air, et se concrétise par des actes, comme ici.

---> Quand l’abbé Guérin agissait en prédateur pour satisfaire sa libido, Jésus Lui, agit seulement ici dans un très légitime besoin d’amour pur et sincère, pour contrebalancer les terribles souffrances que les torrents de malice qu’Il reçoit de la part des hommes pécheurs lui occasionnent, comme nous allons le voir maintenant, en découvrant le contexte soigneusement gommé par DGC, fidèlement à son habitude.

Contexte :

---> Samuel, un ancien scribe devenu disciple, est rejoint dans sa solitude par Jésus, qui le trouve déprimé, découragé. Jésus, connaissant pourtant déjà la cause de ce trouble, écoute Samuel le lui exposer : c’est Judas qui est venu le railler, en l’estimant incapable, en tant que nouveau venu, de tenir hors du péché, lui prédisant qu’il succomberait certainement à la tentation, puisqu’il n’est avec Jésus que depuis peu, et les temps devenant de plus en plus difficiles.

---> L’histoire de la conversion de Samuel a fait l’objet de l’un des seuls court-métrages basés sur l’œuvre de Maria Valtorta : c’était un scribe séphorim missionné par le Temple afin de trouver Jésus alors qu’Il s’était réfugié à Ephraïm avec ses disciples ( Jean 11,54 ), et de le faire tomber dans un piège. Mais c’est Celui qu’il considérait comme sa future Victime, rencontrée au hasard d’un orage dans une grotte éclairée par un feu, qui finalement terrasse en lui le mal par la douceur de son Amour, et le convertit ( EMV 561 ).

---> Jésus met toute sa Sagesse à le rassurer, comme un père le ferait pour son fils, donnant à Samuel le contre poison pour le guérir intérieurement des offenses reçues de la part de Judas.

---> Mais voici que, comme un diablotin sortant de sa boîte, Judas les rejoint. Lui et Samuel se demandent comment Jésus peut rester aussi serein face aux multiples tourments qu’Il doit affronter continuellement : Judas soutient que toute souffrance Lui est épargnée grâce à sa constante union avec son Père ; Samuel lui réplique que c’est faux, et que Jésus est un Homme véritable, capable de souffrir même s’Il est le Fils de Dieu.

---> Jésus leur enseigne donc comment ce n’est pas l’absence de souffrance, mais l’acceptation de la Volonté de Dieu qui Le rend serein et heureux, et Lui permet d’aimer ce qui rebute le plus la nature humaine, comme étant le moyen de la Rédemption. Puis Il s’éloigne, accompagné de Samuel.

---> À Judas, plus fermé qu’une huître à son enseignement, et qui ose accuser Samuel d’être un espion - alors que lui, bien entendu, nie en être un - Jésus fait cette terrible et douloureuse réponse :
"Non. Pas un espion. Tu es un démon. Tu as dérobé au Serpent sa prérogative de séduire et de tromper pour détacher de Dieu. Ton comportement n'est ni pierre ni bâton, mais il me blesse plus qu'un coup de pierre ou de bâton. Oh ! dans mon atroce souffrance, il n'y aura pas de chose plus grande que ton comportement pour faire souffrir le martyre au Martyr."

---> C’est alors que Jésus rencontre son apôtre Jean, menant par la main un petit enfant dégoulinant de miel, et en en riant en toute innocence : le contraste est saisissant de fraicheur, et il est impossible de dire à quel point il est bienvenu, après une telle confrontation !

---> Cela donne l’occasion à Jésus, allant à la rencontre des apiculteurs ayant fourni ce miel, de dispenser un très bel enseignement concernant le travail des abeilles, comparable au travail des âmes pour la vertu, sans jamais la moindre jalousie envers leur hiérarchie ( les ouvrières, la reine… )

---> Judas les ayant quittés brusquement, Jean ose poser une question à son sujet, et dans son immense douleur, Jésus trouve son réconfort dans la compagnie du disciple qu’Il préfère pour son extrême pureté, et dont la très chaste amitié Le console de l’horrible souvenir de l’apôtre « insatanisé ».

---> Ce passage mérite vraiment d’être lu dans son intégralité :

EMV 565 - Samuel est troublé par Judas, qui ne comprend pas la nature de la souffrance salvifique. Les abeilles, modèle des ouvriers de Dieu.
En rouge entre les // : la citation de DGC )

C'est encore Jésus, qui seul et absorbé, va lentement dans l'épaisseur du bois qui est à l'ouest d'Éphraïm. Du torrent monte le bruissement de l'eau et des arbres descendent des chants d'oiseaux. La lumière du soleil printanier et vif répand sa douceur sous l'enchevêtrement des branches, et la marche est silencieuse sur le tapis d'herbes toutes luxuriantes. Les rayons du soleil dessinent un tapis mobile de disques ou de rayures dorées sur le vert de l'herbe, et quelque fleur encore couverte de rosée, frappée en plein par un disque de lumière alors que tout autour c'est l'ombre, resplendit comme si ses pétales étaient des pierres précieuses.

Jésus monte vers un escarpement qui s'avance comme un balcon au-dessus du vide. Un balcon sur lequel se dresse un chêne colossal et d'où pendent des branches flexibles de mûres sauvages ou d'églantier, de lierre et de chèvrefeuilles [1] qui, ne trouvant pas de place ni d'appui sur l'endroit où ils ont poussé, trop resserré pour leur exubérante vitalité, se renversent dans le vide comme une chevelure ébouriffée et dénouée, et se tendent dans l'espoir de pouvoir s'accrocher à quelque chose.

Voilà Jésus à la hauteur de l'escarpement. Il se dirige vers la pointe la plus avancée, en écartant l'enchevêtrement des buissons. Une bande d'oiseaux s'enfuient dans un frôlement d'ailes avec des cris effrayés.

Jésus s'arrête pour observer l'homme qui l'a précédé là-haut. Il est à plat ventre sur l'herbe, presque au bord de l'escarpement, les coudes appuyés au sol, le visage sur les mains, il regarde dans le vide, vers Jérusalem. C'est Samuel, l'ancien élève de Jonathas ben Uziel. Il est pensif. Il soupire. Il hoche la tête...

Jésus secoue des branches pour attirer son attention, et comme sa tentative est vaine, il ramasse dans l'herbe une pierre et la fait rouler en bas du sentier. Le bruit de la pierre, qui rebondit sur la pente, secoue le jeune homme qui se tourne surpris en disant :

"Qui est ici ?"

"Moi, Samuel. Tu m'as précédé dans un de mes endroits préférés de prière" dit Jésus en se montrant de derrière le tronc puissant du chêne placé à la limite du sentier, et il le fait comme s'il venait d'arriver là.

"Oh ! Maître ! J'en suis désolé... Mais je vais te laisser tout de suite la place libre" dit-il en se levant à la hâte et en ramassant son manteau qu'il avait enlevé pour le mettre sous lui.

"Non. Pourquoi ? Il y a de la place pour deux. L'endroit est si beau ainsi isolé, solitaire, suspendu au-dessus du vide, avec tant de lumière et l'horizon par devant ! Pourquoi veux-tu le quitter ?"

"Mais... pour te laisser prier..."

"Et ne pouvons-nous pas le faire ensemble, ou même méditer, en parlant entre nous, en élevant notre esprit en Dieu et en oubliant les hommes et leurs défauts, en pensant à Dieu notre Père et le bon Père de tous ceux qui le cherchent et l'aiment avec bonne volonté ?"

Samuel fait un geste de surprise quand Jésus dit : "et oublier les hommes et leurs défauts..." mais il ne réplique pas, et retourne s'asseoir.

Jésus s'assoit à côté de lui sur l'herbe et lui dit :

"Assois-toi ici et restons ensemble. Regarde comme l'horizon est limpide aujourd'hui. Si nous avions des yeux d'aigles, nous pourrions voir blanchir les villages qui sont sur les sommets des monts qui entourent comme une couronne Jérusalem. Et, peut-être, nous verrions un point resplendissant dans l'air comme une pierre précieuse qui ferait battre notre cœur; les coupoles d'or de la Maison de Dieu... Regarde : là se trouve Béthel. On voit blanchir ses maisons, et là-bas, au-delà de Béthel, se trouve Bérot. Quelle fourberie subtile celle des anciens habitants de l'endroit et des lieux voisins ! Mais il en est résulté du bien, bien que la tromperie ne soit jamais une arme bonne. Il en est résulté du bien car elle les a mis au service du vrai Dieu. Il convient toujours de perdre les honneurs humains pour acquérir le voisinage du divin, même si les honneurs humains étaient nombreux et de valeur, et le voisinage du divin humble et inconnu. N'est-ce pas ?"

"Oui, Maître, tu parles bien. C'est ce qui est arrivé pour moi."

"Mais tu es triste alors que le changement devrait te rendre heureux. Tu es triste, tu souffres, tu t'isoles, tu regardes vers les lieux que tu as quittés. Tu sembles un oiseau prisonnier qui, serré contre les barreaux de sa prison, regarde avec tant de regret le lieu qu'il a aimé. Je ne te dis pas de ne pas le faire. Tu es libre. Tu peux t'en aller et..."

"Seigneur, Judas t'a peut-être parlé mal de moi pour que tu me parles ainsi ?"

"Non. Judas ne m'a pas parlé. Ce n'est pas à Moi qu'il a parlé. Mais à toi, oui. Et c'est pour cela que tu es triste et c'est pour cela que tu t'isoles découragé."

"Seigneur, si tu sais ces choses sans que personne ne te les ait dites, tu sauras aussi alors que ce n'est pas par désir de te quitter, par repentir de m'être converti, par nostalgie du passé... ni non plus par peur des hommes, de cette peur de leurs châtiments que l'on voudrait m'insinuer, que je suis triste. Je regardais là-bas, c'est vrai. Je regardais vers Jérusalem, mais pas par un désir d'y retourner, je dis d'y retourner comme j'étais auparavant. Parce que, d'y retourner comme Israélite qui aime à entrer dans la Maison de Dieu et à adorer le Très-Haut, j'en ai certainement le désir, comme nous tous, et je ne crois pas que tu puisses me le reprocher."

"Moi, tout le premier, dans ma double Nature, je désire cet autel, et je voudrais le voir entouré de sainteté comme il convient. Comme Fils de Dieu, tout ce qui est pour Lui honneur a pour Moi une voix pleine de douceur, et comme Fils de l'homme, comme Israélite, et par conséquent Fils de la Loi, je vois le Temple et l'autel comme le lieu le plus sacré d'Israël, celui où notre humanité peut s'approcher du Divin et se parfumer dans l'atmosphère qui entoure le trône de Dieu. Je ne supprime pas la Loi, Samuel. Elle m'est sacrée parce que donnée par mon Père. Je la perfectionne et j'y mets des parties nouvelles. Comme Fils de Dieu, je puis le faire. C'est pour cela que le Père m'a envoyé. Je viens fonder le Temple spirituel de mon Église, et contre ce Temple ni hommes ni démons ne prévaudront. Mais les tables de la Loi y auront une place d'honneur, car elles sont éternelles, parfaites, intouchables. Le "ne pas faire tel ou tel péché" contenu dans ces tables, qui contiennent dans leur brièveté lapidaire tout ce qu'il faut pour être juste aux yeux de Dieu, n'est pas supprimé par ma parole. Au contraire, je vous dis Moi aussi ces dix commandements. Seulement je vous dis de les observer avec perfection, c'est-à-dire pas par peur de la colère de Dieu contre ses transgresseurs, mais par amour pour votre Dieu qui est Père. Je viens mettre votre main de fils dans celle de votre Père. Combien il y a de siècles que ces mains sont séparées ! Le châtiment séparait et la Faute séparait. Une fois venu le Rédempteur, voilà que le péché va être annulé. Les barrières tombent, vous êtes de nouveau les fils de Dieu."

"C'est vrai. Tu es bon et tu réconfortes, toujours. Et tu sais. Je ne te dirai donc pas mon angoisse. Mais je te demande : pourquoi les hommes sont-ils si pervers, et si fous et si sots ? Comment, quels procédés ont-ils pour pouvoir si diaboliquement suggérer le mal ? Et nous, comment sommes-nous aveugles au point de ne pas voir la réalité et de croire à leurs mensonges ? Et comment pouvons-nous devenir de tels démons ? Et le rester quand on est près de Toi ? Je regardais là-bas, et je pensais... Oui, je pensais aux nombreux ruisseaux de poison qui sortent de là pour troubler les fils d'Israël. Je me demandais comment la sagesse des rabbis peut s'allier à tant de perversité qui altère les choses pour induire en erreur. Je pensais, surtout cela, parce que..."

Samuel, qui avait parlé avec fougue, s'arrête et baisse la tête.

Jésus termine la phrase :

"... parce que Judas, mon apôtre, est ce qu'il est, et donne de la douleur à Moi, et à ceux qui m'entourent ou viennent à Moi, comme tu es venu. Je le sais. Judas essaie de t'éloigner d'ici et t'adresse des insinuations et des railleries..."

"Et pas à moi seul. Oui. Il m'a empoisonné ma joie d'être dans la justice. Il me l'empoisonne avec tant d'art que je pense être ici comme un traître pour Toi et pour moi. Pour moi, parce que j'ai l'illusion d'être meilleur alors que je serai cause de ta ruine. En effet je ne me connais pas encore... et je pourrais, en rencontrant ceux du Temple, renoncer à ma résolution et être... Oh ! si je l'avais fait alors, j'aurais eu l'excuse de ne pas te connaître pour ce que tu es, car de Toi, je savais ce qu'on me disait, pour faire de moi un maudit. Mais si je le faisais maintenant ! Quelle sera la malédiction de celui qui trahira le Fils de Dieu ! J'étais ici... pensif, oui. Je me demandais où fuir pour me sauver de moi-même et d'eux. Je pensais fuir en quelque lieu lointain pour me joindre à ceux de la Diaspora... Au loin, au loin, pour empêcher le démon de me faire pécher... Il a raison, ton apôtre, de se méfier de moi. Lui me connaît, car il nous connaît tous, en connaissant les chefs... Et il a raison de douter de moi. Quand il dit : "Mais tu ne sais pas que Lui nous le dit, à nous, que nous serons faibles ? Réfléchis : nous qui sommes les apôtres et qui sommes avec Lui depuis si longtemps. Et toi, empoisonné comme tu l'es par le vieil Israël, qui viens juste d'arriver et d'arriver dans des moments qui nous font trembler, tu crois avoir la force de te garder juste ?" il a raison de le dire."

L'homme, découragé, baisse la tête.

"Que de tristesses savent se donner les fils de l'homme ! En vérité Satan sait se servir de cette tendance pour les terroriser tout à fait et les séparer de la Joie qui vient à leur rencontre pour les sauver. Car la tristesse de l'esprit, la peur du lendemain, les préoccupations sont toujours des armes que l'homme met dans la main de son adversaire. Celui-ci l'effraie avec les fantômes mêmes que l'homme se crée et il y a d'autres hommes qui, en vérité, s'allient à Satan pour l'aider à effrayer leurs frères. Mais, mon fils, n'y a-t-il donc pas un Père dans le Ciel ? Un Père qui pourvoit pour ce brin d'herbe dans cette fissure dans la roche — cette fissure remplie de terreau, disposée de façon que l'humidité des rosées en courant sur la pierre lisse se rassemble dans ce petit sillon, pour que le brin d'herbe puisse vivre et fleurir avec cette petite fleurette qui n'est pas moins admirable de beauté que le grand soleil qui resplendit là-haut : l'un et l'autre œuvre parfaite du Créateur — un Père qui, s'il a soin de ce brin d'herbe né sur une roche, ne pourrait pas avoir soin d'un de ses fils qui veut fermement le servir ?

Oh ! en vérité Dieu ne déçoit pas les "bons" désirs de l'homme, car c'est Lui-même qui les allume dans vos cœurs. C'est Lui, prévoyant et sage, qui crée les circonstances pour favoriser le désir de ses fils et non seulement cela, mais pour redresser et perfectionner un désir de l'honorer qui chemine par des voies imparfaites, et l'amener à un désir de l'honorer en suivant des voies justes. Tu étais parmi ceux-ci. Tu croyais, tu voulais, tu étais convaincu d'honorer Dieu en me persécutant. Le Père a vu que dans ton cœur il n'y avait pas de haine pour Dieu, mais une aspiration à rendre gloire à Dieu en enlevant du monde Celui qu'ils t'avaient dit être l'ennemi de Dieu et le corrupteur des âmes. Et alors Il a créé les circonstances pour exaucer ton désir de rendre gloire à ton Seigneur. Et voilà que tu es parmi nous. Et peux-tu penser que Dieu t'abandonne maintenant qu'il t'a amené ici ? C'est seulement si tu l'abandonnes que la force du mal pourra te dominer."

"Moi, je ne le veux pas. Ma volonté est sincère !" proclame l'homme.

"Et alors de quoi te préoccupes-tu ? De la parole d'un homme ? Laisse-le dire. Il pense avec sa pensée. Une pensée d'homme est toujours imparfaite. Mais je vais y pourvoir."

"Je ne veux pas que tu lui fasses des reproches. Il me suffit que tu m'assures que je ne pécherai pas."

"Je te l'assure. Il ne t'arrivera rien parce que tu ne veux pas que cela t'arrive. Car tu vois, mon fils, il ne te servirait pas d'aller dans la Diaspora et même aux extrémités de la Terre pour préserver ton âme de la haine envers le Christ et du châtiment pour cette haine. Beaucoup en Israël ne se souilleront pas matériellement du Crime, mais ils ne seront pas moins coupables que ceux qui me condamneront et exécuteront la sentence. Avec toi, je puis parler de ces choses, car tu sais déjà que tout est disposé dans ce but. Tu sais le nom et la pensée de ceux qui sont les plus acharnés contre Moi. Tu l'as dit : "Judas nous connaît tous car il connaît tous les Chefs". Mais si lui vous connaît, même vous, inférieurs, car vous êtes comme de petites étoiles en face des planètes plus grandes, vous savez tout autant ce que l'on travaille et comment on travaille et qui travaille, et quels complots on fait, et quels moyens on étudie... Je puis donc parler avec toi. Je ne le pourrais pas avec les autres... Ce que je sais souffrir et compatir, les autres ne le savent pas..."

"Maître, mais comment peux-tu, le sachant, être ainsi...
Qui monte par le sentier ?"

Samuel se lève pour voir. Il s'écrie :

"Judas !"

"Oui, c'est moi. On m'a dit que le Maître est passé par ici, et au contraire, c'est toi que je trouve. Je retourne alors sur mes pas pour te laisser à tes pensées"

Et il rit de son petit rire qui est plus lugubre que la plainte d'une chouette, tant il manque de sincérité.

"J'y suis Moi aussi. On me demande au village ?" dit Jésus en apparaissant derrière Samuel.

"Oh ! Toi ! Alors tu étais en bonne compagnie, Samuel ! Et Toi aussi, Maître..."

"Oui, elle est toujours bonne la compagnie de quelqu'un qui embrasse la justice. Tu me cherchais pour rester avec Moi, alors. Viens. Il y a de la place pour toi, comme pour Jean s'il était avec toi."

"Il est en bas, occupé avec d'autres pèlerins."

"Alors il faudra que j'aille, s'il y a des pèlerins."

"Non, ils restent toute la journée de demain. Jean est en train de les installer dans nos lits pour leur séjour. Il est heureux de le faire. D'ailleurs tout le rend heureux. Vous vous ressemblez vraiment, et je ne sais pas comment vous faites pour être heureux toujours et pour toutes les choses les plus... affligeantes."

"C'est cette question que j'allais poser quand tu es arrivé !" s'écrie Samuel.

"Ah ! oui ! Toi aussi, alors, tu ne te sens pas heureux, et tu t'étonnes que d'autres dans des conditions encore plus... difficiles que les nôtres, puissent l'être."

"Je ne suis pas malheureux, je ne parle pas pour moi, mais je me demande de quelle source vient la sérénité du Maître, qui n'ignore pas son avenir, et qui pourtant ne se trouble de rien."

"Mais d'une source céleste ! C'est naturel ! Lui est Dieu ! Tu en doutes peut-être ? Un Dieu peut-Il souffrir ? Il est au-dessus de la douleur. L'amour du Père est pour Lui comme... comme un vin enivrant. Et un vin enivrant est pour Lui la conviction que ses actions... sont le salut du monde. Et puis... Lui peut-il avoir les réactions physiques que nous, humbles hommes, avons ? Cela est contraire au bon sens. Si Adam innocent ne connaissait de douleurs d'aucune espèce, et ne les aurait jamais connues s'il était resté innocent, Jésus le... Super-innocent, la créature... je ne sais comment la nommer : incréée puisqu'elle est Dieu, ou créée puisqu'elle a des parents... oh ! que de "pourquoi" insolubles pour ceux de l'avenir, mon Maître ! Si Adam fut exempt de la douleur à cause de son innocence, peut-on peut-être s'imaginer que Jésus ait à souffrir ?"

Jésus reste la tête inclinée. Il s'est assis de nouveau sur l'herbe. Ses cheveux voilent son visage. Je ne vois donc pas son expression.

Samuel, debout, en face de Judas lui aussi debout, réplique :

"Mais s'il doit être le Rédempteur, il doit réellement souffrir. Tu ne te rappelles pas David et Isaïe ?"

"Je me les rappelle ! Je me les rappelle ! Mais eux, tout en voyant la figure du Rédempteur, ne voyaient pas le secours immatériel que le Rédempteur aurait eu pour être... disons : torturé, sans ressentir de douleur."

"Et quel secours ? Une créature pourra aimer la douleur, ou la subir avec résignation, selon sa perfection de justice. Mais elle la sentira toujours. Autrement... si elle ne la sentait pas... ce ne serait pas de la douleur."

"Jésus est Fils de Dieu."

"Mais ce n'est pas un fantôme ! C'est une vraie Chair ! La chair souffre si elle est torturée. C'est un homme véritable ! La pensée de l'homme souffre s'il est offensé et si on fait de lui un objet de mépris."

"Son union avec Dieu élimine en Lui ces choses de l'homme."

Jésus lève la tête et parle :

"En vérité je te dis, ô Judas, que je souffre et souffrirai comme tout homme, et plus que tout homme. Mais je puis être heureux malgré cela, de la sainte et spirituelle félicité de ceux qui ont obtenu la libération des tristesses de la Terre parce qu'ils ont embrassé la volonté de Dieu comme leur unique épouse. Je le puis parce que j'ai dépassé le concept humain de la félicité, l'inquiétude de la félicité, telle que les hommes se la représentent. Je ne poursuis pas ce qui, selon l'homme, constitue la félicité; mais je mets ma joie justement en ce qui est à l'opposé de ce que l'homme poursuit comme tel. Les choses que l'homme fuit et méprise, parce qu'il les considère comme un fardeau et une douleur, représentent pour Moi la chose la plus douce. Je ne regarde pas l'heure. Je regarde les conséquences que l'heure peut créer dans l'éternité. Mon épisode cesse, mais son fruit dure. Ma douleur a une fin, mais les valeurs de cette douleur n'ont pas de fin. Et qu'en ferais-je d'une heure de ce que l'on appelle "être heureux" sur la Terre, une heure atteinte après une poursuite de plusieurs années, de plusieurs lustres, quand ensuite cette heure ne pourrait venir avec Moi dans l'Éternité en tant que joie, quand j'aurais dû en jouir pour Moi seul, sans en faire part à ceux que j'aime ?"

"Mais si tu triomphais, à nous qui te suivons, nous reviendrait une partie de ta félicité !" s'écrie Judas.

"Vous ? Et qu'êtes vous en comparaison des multitudes passées, présentes, à venir, auxquelles ma douleur donnera la joie ? Je vois bien au-delà de la félicité terrestre. Je plonge mon regard au-delà dans le surnaturel. Je vois ma douleur se changer en joie éternelle pour une multitude de créatures. Et j'embrasse la douleur comme la plus grande force pour atteindre la félicité parfaite, qui est celle d'aimer le prochain jusqu'à souffrir pour lui donner la joie. Jusqu'à mourir pour lui."

"Je ne comprends pas cette félicité" proclame Judas.

"Tu n'es pas encore sage, autrement tu la comprendrais."

"Et Jean l'est ? Il est plus ignorant que moi !"

"Humainement, oui. Mais il possède la science de l'amour."

"C'est bien. Mais je ne crois pas que l'amour empêche les bâtons d'être des bâtons et les pierres d'être des pierres et de faire souffrir les chairs qu'ils frappent. Tu dis toujours que t'est chère la douleur, parce qu'elle est pour Toi amour. Mais quand réellement tu seras pris et torturé, si toutefois cela est possible, je ne sais pas si tu auras encore cette pensée. Pense à cela pendant que tu peux fuir la douleur. Elle sera terrible, tu sais ? Si les hommes peuvent te prendre... oh ! ils n'auront pas d'égards pour Toi !"

Jésus le regarde. Il est très pâle. Ses yeux bien ouverts semblent voir, au-delà du visage de Judas, toutes les tortures qui l'attendent, et pourtant dans leur tristesse ils restent pleins de douceur et surtout sereins : deux yeux limpides d'un innocent en paix. Il répond :

"Je le sais. Je sais même ce que tu ne sais pas. Mais j'espère dans la miséricorde de Dieu. Lui, qui est miséricordieux pour les pécheurs, usera de miséricorde envers Moi aussi. Je ne Lui demande pas de ne pas souffrir, mais de savoir souffrir.
Et maintenant allons. Samuel, précède-nous un peu et avertis Jean que nous serons bientôt au village."

Samuel s'incline et s'en va vite.

Jésus commence à descendre. Le sentier est si étroit qu'ils doivent avancer l'un derrière l'autre, mais cela n'empêche pas Judas de parler :

"Tu te fies trop à cet homme, Maître. Je t'ai dit ce qu'il est : c'est le plus exalté et le plus exaltable des disciples de Jonathas. De toute façon, maintenant, c'est trop tard. Tu t'es mis entre ses mains. C'est un espion près de Toi. Et Toi, qui plus d'une fois et les autres plus que Toi, avez pensé que moi je l'étais ! Moi, je ne suis pas un espion."

Jésus s'arrête et se retourne. La douleur et la majesté se fondent dans son visage et dans son regard qui fixe l'apôtre. Il dit :

"Non. Pas un espion. Tu es un démon. Tu as dérobé au Serpent sa prérogative de séduire et de tromper pour détacher de Dieu. Ton comportement n'est ni pierre ni bâton, mais il me blesse plus qu'un coup de pierre ou de bâton. Oh ! dans mon atroce souffrance, il n'y aura pas de chose plus grande que ton comportement pour faire souffrir le martyre au Martyr."

Jésus se couvre le visage de ses mains, comme pour se cacher l'horreur, et puis se met à descendre en vitesse par le sentier.

Judas crie derrière Lui :

"Maître ! Maître ! Pourquoi m'affliges-tu ? Cet homme faux t'a certainement fait des calomnies... Écoute-moi, Maître !"

Jésus ne l'écoute pas. Il court, il vole dans la descente. Il passe sans s'arrêter près des bûcherons ou des bergers qui le saluent. Il passe, salue, mais ne s'arrête pas. Judas se résigne à se taire...

Ils sont presque en bas quand ils croisent Jean qui, avec son visage limpide, qu'éclairé son paisible sourire, est en train de monter vers eux. Il tient par la main un enfant qui babille en suçant un rayon de miel.

"Maître, me voici ! Ce sont des gens de Césarée de Philippe. Ils ont su que tu es ici, et ils sont venus. Mais comme c'est étrange ! Personne n'a parlé, et tout le monde sait où tu es ! Maintenant ils se reposent. Ils sont très fatigués. Je suis allé me faire donner par Dina du lait et du miel, car il y a un malade. Je l'ai mis dans mon lit. Je n'ai pas peur. Et le petit Hanne a voulu venir avec moi. Ne le touche pas, Maître, il est plein de miel"

Et le bon Jean rit, lui qui a sur ses vêtements de nombreuses gouttes de miel et des marques de doigts. Il rit en cherchant à retenir en arrière le petit qui voudrait aller offrir à Jésus son rayon de miel à moitié sucé et qui crie :

"Viens. Il y en a des quantités pour Toi !"

"Oui. On est en train d'enlever les rayons chez Dina. Je le savais. Ses abeilles ont essaimé depuis peu" explique Jean.

Ils se remettent en route pour arriver à la première maison où retentit encore le tam-tam dont se servent les apiculteurs, je ne sais pas exactement pour quelle raison. Des grappes d'abeilles — elles semblent de grosses pignes d'un drôle de raisin — pendent à certaines branches, et des hommes les recueillent pour les porter aux nouvelles ruches. Plus loin sortent des ruches déjà installées et y rentrent des abeilles qui bourdonnent inlassablement.

Des hommes saluent et une femme accourt avec de très beaux rayons qu'elle offre à Jésus.

"Pourquoi t'en prives-tu ? Tu en as déjà donné à Jean..."

"Oh ! mes abeilles ont donné une récolte abondante. Cela ne me gêne pas d'en offrir. Pourtant bénis les nouveaux essaims. Regarde : ils sont en train de recueillir le dernier. Cette année nous avons eu deux fois plus de ruches."

Jésus va vers les minuscules cités des abeilles et les bénit une par une, en levant la main au milieu du bourdonnement des ouvrières qui n'arrêtent pas leur travail.

"Elles sont toutes en fête et aussi toutes agitées. Demeure nouvelle..." dit un homme.

"Et de nouvelles noces. On dirait vraiment des femmes qui préparent la fête nuptiale" dit un autre.

"Oui, mais les femmes bavardent plus qu'elles ne travaillent. Celles-ci, au contraire, travaillent en silence, et elles travaillent même les jours de festin de noces. Elles ne cessent de travailler pour faire leur royaume et y entrer leurs richesses" répond un troisième.

"Travailler toujours pour la vertu, c'est permis, c'est même un devoir. Travailler sans arrêt pour le gain, non. Ne peuvent le faire que ceux qui ne savent pas qu'il y a un Dieu qu'il faut honorer en son jour. Travailler en silence, c'est un mérite que tout le monde devrait apprendre des abeilles, car c'est dans le silence que se font saintement les choses saintes. Vous, soyez comme vos abeilles dans la justice : inlassables et silencieux. Dieu voit. Dieu récompense. Paix à vous" dit Jésus.

Et resté seul avec ses apôtres, il dit :

"Et c'est spécialement aux ouvriers de Dieu que je propose comme modèles les abeilles. Elles déposent dans le secret de la ruche le miel formé en leur intérieur par un travail infatigable sur des corolles saines. Leur fatigue ne paraît même pas telle, tant elles travaillent avec bonne volonté, en volant, points d'or, de fleur en fleur, et puis elles entrent chargées de sucs pour élaborer leur miel dans l'intimité des cellules. Il faudrait savoir les imiter. Choisir les enseignements, les doctrines, les amitiés saines, capables de donner des sucs d'une vertu véritable, et puis savoir s'isoler pour élaborer, à partir de ce que l'on a récolté avec entrain, la vertu, la justice, qui est comme le miel tiré de nombreux éléments sains, sans oublier la bonne volonté sans laquelle les sucs pris ça et là ne servent à rien. Savoir méditer humblement, à l'intérieur du cœur, sur ce que nous avons vu de bon et entendu, de bon, sans envie si près des abeilles ouvrières il y a les reines, c'est-à-dire quelqu'un de plus juste que ne l'est celui qui médite. Toutes les abeilles sont nécessaires dans la ruche, aussi bien les ouvrières que les reines. Malheur si toutes étaient des reines; malheur si toutes étaient des ouvrières. Elles mourraient aussi bien les unes que les autres.

Car les reines n'auraient pas de nourriture pour procréer s'il n'y avait pas d'ouvrières, et les ouvrières cesseraient d'exister si les reines ne procréaient pas. Et ne pas envier les reines. Elles ont elles aussi leur fatigue et leur pénitence. Elles ne voient le soleil qu'une seule fois, dans l'unique vol nuptial. Avant et après, il y a seulement et toujours la clôture entre les parois ambrées de la ruche. Chacun a son devoir, et chaque devoir est un choix, et tout choix est une charge en plus d'un honneur. Et les ouvrières ne perdent pas leur temps à des vols sans profit, ou à des vols dangereux sur des fleurs malades et vénéneuses. Elles ne tentent pas l'aventure, elles ne désobéissent pas à leur mission, elles ne se révoltent pas contre la fin pour laquelle elles ont été créées. Oh ! admirables petits êtres ! Que d'enseignements pour les hommes !..."

Jésus se tait, perdu dans sa méditation.

Judas se souvient tout à coup qu'il doit aller je ne sais où, et s'en va en courant. Il reste Jésus et Jean. Jean regarde Jésus sans se faire remarquer. Un regard attentif, affectueusement angoissé. Jésus lève la tête et se tourne un peu pour rencontrer le regard du Préféré qui l'étudie. Son visage s'éclaire alors qu'il l'attire à Lui.

Jean, ainsi embrassé, demande tout en marchant :

"Judas t'a donné d'autre douleur, n'est-ce pas ? Et il doit avoir troublé aussi Samuel."

"Pourquoi ? T'en a-t-il parlé ? (Samuel) "

"Non. Mais j'ai compris. Il a dit seulement : "Généralement, en vivant près de quelqu'un qui est vraiment bon, on devient bon. Mais Judas ne l'est pas bien qu'il vive avec le Maître depuis trois ans. Il est profondément corrompu et la bonté du Christ ne pénètre pas en lui, tant il est rempli de perversité". Je n'ai su que dire... car c'est vrai... Mais pourquoi est-il ainsi Judas ? Est-il possible qu'il ne change jamais ? Et pourtant... nous avons tous les mêmes leçons... et quand il est venu parmi nous, il n'était pas pire que nous..."

// "Mon Jean ! Mon doux enfant !"

Jésus dépose un baiser sur son front découvert et si pur, et lui murmure dans les cheveux qui se soulèvent blonds et légers // :

"Il y a des créatures qui semblent vivre pour détruire le bien qui est en elles. Tu es pêcheur et tu sais comment fait la voile quand le tourbillon la presse. Elle s'abaisse tellement vers l'eau qu'elle renverserait la barque et deviendrait dangereuse pour elle, de sorte que parfois il faut la descendre et se passer d'aile pour aller vers le nid.

Car la voile, prise par le tourbillon, n'est plus une aile mais du lest qui l'amène au fond, à la mort, au lieu de l'amener au salut. Mais si le souffle féroce du tourbillon s'apaise, ne serait-ce que de courts instants, voilà que la voile redevient tout de suite une aile et court rapidement vers le port pour conduire au salut. Il en est ainsi de beaucoup d'âmes. Il suffit que le tourbillon des passions s'apaise pour que l'âme abaissée, et pour ainsi dire submergée par...par ce qui n'est pas bon, recommence à avoir des aspirations vers le Bien."

"Oui, Maître. Mais avec cela... dis-moi... est-ce que Judas arrivera jamais à ton port ?"

"Oh ! ne me fais pas regarder l'avenir de l'un de mes plus chers ! J'ai devant Moi l'avenir de millions d'âmes pour lesquelles sera inutile ma douleur !... J'ai devant Moi toutes les souillures du monde... La nausée me bouleverse. La nausée de tout ce bouillonnement de choses immondes qui comme un fleuve couvre la Terre et la couvrira, avec des aspects divers, mais toujours horribles pour la Perfection, jusqu'à la fin des siècles. Ne me fais pas regarder ! // Laisse-moi me désaltérer et me réconforter à une source qui ignore la corruption, et que j'oublie la pourriture vermineuse d'un trop grand nombre, en te regardant toi seul, ma paix !"

Et il dépose un baiser encore, les yeux dans les yeux, et en plongeant son regard dans les yeux limpides de l'apôtre vierge et affectueux... //

Ils entrent dans la maison. Dans la cuisine se trouve Samuel qui casse du bois pour épargner à la petite vieille la fatigue d'allumer le feu.

Jésus s'adresse à la femme :

"Les pèlerins dorment-ils ?"

"Je crois que oui. Je n'entends aucun bruit. Maintenant je porte de l'eau aux montures. Elles sont sous le hangar."

"Je vais le faire, mère. Va plutôt chez Rachel. Elle m'a promis du fromage frais. Dis-lui que je la paierai le sabbat" dit Jean, en prenant les deux baquets pleins d'eau.

Restent seuls Jésus et Samuel. Jésus va près de l'homme qui, penché sur le feu, souffle pour allumer la flamme, et il lui met la main sur l'épaule en disant :

"Judas nous a interrompu là-haut... Je veux te dire que je t'enverrai avec les apôtres le lendemain du sabbat. Peut-être le préfères-tu..."

"Merci, Maître. Je regrette de perdre ton voisinage, mais chez tes apôtres je te retrouve encore, et je préfère, oui, rester loin de Judas. Je n'osais pas te le demander..."

"C'est bien. C'est décidé. Et aie pitié, pour lui, comme Moi. Et n'en parle pas à Pierre ni à personne..."

"Je sais me taire, Maître."

"Après viendront les disciples. Il y a Hermas et Étienne, et Isaac, deux sages et un juste, et tant d'autres. Tu te trouveras bien, parmi de vrais frères."
(...)
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---> Jamais personne, dans toute l’histoire de l’humanité, n’a eu besoin davantage que Jésus d'un profond réconfort amical, car c’était réellement Satan qu’Il affrontait ici face à face, et qu’Il affrontera encore lors de la trahison et de sa Passion : il est donc tout simplement scandaleux de s’indigner, comme le fait ici l’auteur, de ce qu’Il puisse trouver ce réconfort si bienvenu dans l’amitié de son cher apôtre Jean.

---> Lors de la tentation au désert, Jésus a reçu ce si précieux réconfort de la part des anges, comme durant son Agonie au jardin des oliviers,

---> mais alors, Il n'en trouvera pas auprès de ses trois apôtres endormis, bien qu'Il l'ait cherché par trois fois.

---> C’est tout l’inverse de la « théologie de la désincarnation » prônée par DGC :

1 ) Un homme véritable a besoin dans l'épreuve du réconfort de ses amis : et ce n’est nullement en raison de son état de pécheur.

2 ) Jésus, étant bien véritablement Homme quoi que sans péché, éprouvait naturellement, dans ses terribles épreuves, le besoin d’être aimé et réconforté par ses amis : et le fait qu’Il fut véritablement Dieu n’y changeait mystérieusement rien.

---> Jésus trouvait également du réconfort à contempler l’innocence des petits enfants, en qui Il voyait sa parfaite Image, ce qui – quoi qu’en dise l’auteur - n’est en rien du narcissisme ( Marc 10,14-16 ; EMV 378.8 ), comme déjà vu dans le volet 4.

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---> Jésus avait dû ici affronter Judas seul, dans toute sa mauvaise foi satanique ;

---> Dans l'épisode que DGC va citer à présent : exactement de la même manière, Jésus doit affronter les pharisiens, voulant Le faire tomber dans un piège d’un rare degré de raffinement et ayant réussi à tromper un certain nombre de ses disciples aveuglés.

---> Ce piège visait à Lui faire accepter une royauté humaine, pour qu'il soit déchu de sa seule et unique Royauté de l'Esprit, venant non de ce monde mais de son Père Céleste.

---> Jésus, s’étant dévoué Corps et Âme à sa Mission de rassembler dans son Amour ceux que le Père Lui donnait, on comprend comment pour Lui, être obligé de fuir loin de ses chers disciples, seul, incompris, abandonné, raillé, traité de fou ou de faible par ses plus proches, devait Lui provoquer une immense douleur morale.

---> D’autant que, parmi ses disciples ayant été ainsi illusionnés, étaient quelques-uns qui lui était spécialement chers : Kouza, intendant d’Hérode Antipas, Manaën, un homme de sa cour, Timon, l’ancien chef de synagogue, Éléazar, membre du Sanhédrin, Jean le bon scribe, Simon et Joseph d'Alphée, ses propres cousins…

---> Mais puisque Jésus, selon l’auteur, était sensé n’exprimer aucune passion humaine - telle sa grande souffrance au sein de ce désastre pour sa Mission - , on ne s’étonnera donc pas qu’il se scandalise en découvrant dans l’oeuvre les larmes amères de Jésus, touché en plein cœur par la chute et l’éloignement de ses proches, et encore une fois un tant soit peu consolé par un des seuls qui Le comprennent vraiment : son saint apôtre Jean, son préféré qui est sa pure Image, le seul à pouvoir partager sa peine à égalité avec Marie sa Mère Immaculée.

---> La « chasse aux gestes de tendresse » de DGC continue donc ici, tout autant scandalisée qu’elle est elle-même scandaleuse :

DGC :
Alors que « Jésus » s’est enfui de chez Chouza, intendant d’Hérode, qui a organisé une réunion secrète de partisans pour faire Jésus roi, Jean le recherche, à la nage, et le retrouve, à la dérobée, sur une falaise surplombant le lac au clair de lune. [Jean] entend pleurer Jésus, alors il ne résiste plus et il s’approche puis l’appelle : « Maître ! »
Jésus l’entend murmurer et lève la tête ; prêt à fuir il relève son vêtement. Mais Jean crie : « Que t’ont-ils fait, Maitre, que tu ne reconnais plus Jean ? » et Jésus reconnaît son préféré. Il lui tend les bras et Jean s’y élance et les deux pleurent pour deux douleurs différentes et un unique amour. Mais ensuite les pleurs se calment et Jésus, le premier, revient à la vision nette des choses. Il se rend compte que Jean est à peine vêtu, avec sa tunique humide, déchaussé, glacé. « Comment donc es-tu ici, dans cet état ! » (…)
Ils restent enlacés, enveloppés dans le seul manteau de Jésus, et Jean finit par s’endormir dans la tiédeur, fatigué,
comme un enfant dans les bras de sa maman. (VII,156,20-22)

---> Ici : stupéfaction ! On voit DGC esquissant timidement une vague petite contextualisation de sa citation, mais cependant de manière tellement insuffisante au regard de la violence inouïe de ce qui vient de se passer, qu’on peut la considérer comme nulle et non avenue : elle ne reflète en rien la réalité décrite dans l’Oeuvre.

---> Impossible donc de comprendre la profonde détresse de Jésus, et pourquoi Jean, l’ayant devinée, part à la recherche de son Maître.

---> Et il faut cependant en remercier l’auteur, puisque cela nous donne encore une très belle occasion de nous plonger dans l’intégralité du récit, qui laisse très loin derrière lui tout ce que la littérature religieuse nous proposait jusqu’alors sur la Vie du Christ :

EMV 464 - Dans la maison de campagne de Kouza, la tentative d’élection de Jésus comme roi. Le témoignage du Bien-Aimé.
En rouge, entre les // : la citation de DGC )

(...) (...)
Sur l'autre rive, au sortir d'un pont, déjà attend un char couvert.

"Monte, Maître. Tu ne te fatigueras pas, malgré la longueur du trajet, pas tellement à cause de la durée du parcours que parce que j'ai commandé de tenir toujours ici tout prêts des paires de bœufs pour ne pas porter ombrage aux hôtes plus respectueux de la Loi... Il faut les plaindre..."

"Mais où sont-ils ?"

"Ils nous ont précédés sur d'autres chars. Tobit !"

"Maître ?" dit le conducteur qui est en train d'atteler les bœufs au joug.

"Les autres hôtes, où sont-ils ?"

"Oh ! très en avant. Ils vont arriver à la maison."

( Kouza ) "Tu l'entends, Maître ?"

"Mais si je n'étais pas venu ?"

"Oh ! Nous étions certains que tu serais venu. Pourquoi n'aurais-tu pas dû venir ?"

"Pourquoi !! Kouza, je suis venu pour te montrer que je ne suis pas un lâche. Il n'y a de lâches que les mauvais, ceux qui ont des fautes qui leur font craindre la justice... La justice des hommes, malheureusement, alors qu'ils devraient craindre d'abord, uniquement, celle de Dieu. Mais Moi, je n'ai pas de fautes et je n'ai pas peur des hommes."

"Mais Seigneur ! Ceux qui sont avec moi ont tous de la vénération pour Toi ! Comme moi. Et nous ne devons absolument pas te faire peur ! Nous voulons te faire honneur, non t'insulter !"

Kouza est affligé et presque indigné.

Jésus, assis en face de lui, alors que le char avance lentement, tout en grinçant, parmi les vertes campagnes, répond :

"Plus que la guerre ouverte des ennemis, je dois craindre la guerre sournoise des faux amis, ou le zèle injuste des vrais amis, mais qui ne m'ont pas encore compris, et tu es de ceux-là. Ne te rappelles-tu pas ce que j'ai dit à Béther ?"

"Moi, je t'ai compris, Seigneur" murmure Kouza, mais pas très sûr de lui et sans répondre directement à la question.

"Oui, tu m'as compris. Sous le coup de la douleur et de la joie ton cœur est devenu limpide, comme après un orage et un arc-en-ciel est limpide l'horizon. Et tu voyais juste. Puis... Tourne-toi, Kouza, pour regarder notre Mer de Galilée. Elle paraissait si limpide à l'aurore ! Pendant la nuit, la rosée avait purifié l'atmosphère et la fraîcheur nocturne avait ralenti l'évaporation des eaux. Le ciel et le lac étaient deux miroirs de pur saphir qui se renvoyaient mutuellement leurs beautés.

Les collines, tout autour, étaient fraîches et pures comme si Dieu les avait créées pendant la nuit. Maintenant, regarde. La poussière des routes de la côte, parcourues par des gens et des animaux, l'ardeur du soleil qui fait fumer les bois et les jardins comme des chaudières sur un foyer et qui incendie le lac en en faisant évaporer l'eau, regarde comme tout cela a terni l'horizon. Auparavant les bords paraissaient tout proches, limpides comme ils l'étaient dans la grande limpidité de l'air; maintenant, regarde... Ils semblent trembler offusqués brouillés, semblables à des objets que l'on voit à travers un voile d'eau impure. C'est ce qui est arrivé pour toi. La poussière : l'humanité; le soleil : l'orgueil. Kouza, ne trouble pas ton moi..."

Kouza baisse la tête, jouant machinalement avec les ornements de son vêtement et la boucle de sa riche ceinture qui soutient son épée.

Jésus se tait, en restant les yeux presque fermés comme s'il avait sommeil. Kouza respecte son sommeil ou ce qu'il prend pour tel.

Le char avance lentement en direction sud-est, vers de légères ondulations qui sont, du moins je le crois, le premier échelon du haut plateau qui borde la vallée du Jourdain de ce côté oriental. Certainement à cause de la richesse des eaux souterraines ou de quelques cours d'eau, les campagnes sont très fertiles et belles; des grappes et des fruits apparaissent au milieu du feuillage.

Le char prend un chemin privé en quittant la route principale et s'enfonce dans une allée très touffue où il trouve l'ombre et la fraîcheur, du moins relative, en comparaison de la fournaise de la grand-route ensoleillée.

Une maison basse, blanche, d'aspect distingué, se trouve au fond de l'allée. Des maisons plus humbles sont ça et là dans les champs et les vignobles.

Le char franchit un petit pont et une barrière au-delà de laquelle le verger fait place à un jardin dont l'allée est couverte de gravier. Au bruit différent que font les roues sur le gravier, Jésus ouvre les yeux.

"Nous sommes arrivés, Maître. Voici les hôtes qui nous ont entendu et accourent" dit Kouza.

Et en effet un grand nombre de gens, tous de riche condition, se groupent au commencement de l'allée et ils saluent avec de pompeuses révérences le Maître qui arrive.

Je vois et reconnais Manahen, Timon, Éléazar, et il me semble en voir d'autres qui ne me sont pas inconnus mais dont je ne puis dire les noms. Et puis un très grand nombre que je n'ai jamais vus, ou que du moins je n'ai jamais remarqués particulièrement. Il y en a beaucoup avec des épées et d'autres qui n'en ont pas étalent les abondantes fanfreluches des pharisiens, des prêtres ou des rabbins.

Le char s'arrête, et Jésus en descend le premier en s'inclinant pour saluer collectivement. Les disciples Manahen et Timon s'avancent pour échanger un salut particulier. Et puis c'est Eléazar (le bon pharisien du banquet dans la maison d'Ismaël) et avec lui s'amènent deux scribes qui tiennent à se faire reconnaître. Il y a celui qui à Tarichée eut son petit-fils guéri, le jour de la première multiplication des pains, et l'autre qui nourrit la foule au pied de la montagne des béatitudes. Et un autre encore se fraie un passage : le pharisien qui dans la maison de Joseph, au temps de la moisson, fut instruit par Jésus sur le vrai motif de son injuste jalousie.

Kouza procède aux présentations et je les passe sous silence, car c'est à en perdre la tête dans la foule des Simon, des Jean, des Lévi, des Eléazar, Nathanaël, Philippe, Joseph etc. etc. les sadducéens, les scribes, les prêtres, des hérodiens en grand nombre, et même je devrais dire que ces derniers sont les plus nombreux, et une poignée de prosélytes et de pharisiens, deux synhédristes et quatre chefs de synagogues et, perdu je ne sais comment dans cette foule, un essénien.

Jésus s'incline à chaque nom, regardant intensément chaque visage et esquissant parfois un léger sourire comme quand quelqu'un, pour préciser son identité, spécifie quelque fait qui l'a mis en rapport avec Jésus.

C'est ainsi qu'un certain Joachim de Bozra Lui dit : "Ma femme Marie a été guérie de la lèpre par Toi. Sois béni."

Et l'essénien : "Je t'ai entendu quand tu as parlé près de Jéricho et un de nos frères a quitté les rives de la Mer Salée pour te suivre. Et j'ai encore entendu parler de Toi à propos du miracle d'Élisée d'Engaddi. Sur ces terres nous vivons purs, en attendant..."

Qu'attendent-ils je ne sais. Je sais qu'en le disant, cet homme regarde avec un air de supériorité un peu exaltée les autres qui ne jouent certainement pas aux mystiques mais qui, pour la plupart, paraissent jouir allègrement du bien-être que leur situation leur permet.

Kouza soustraie son Hôte aux cérémonies des salutations et le conduit dans une salle de bains confortable où il le laisse pour les ablutions d'usage, certainement agréables par cette chaleur, et il revient vers ses hôtes, avec lesquels il parle avec animation, et ils en arrivent presque à une dispute à cause de la diversité des avis. Certains veulent commencer de suite le discours. Quel discours ? D'autres, au contraire, proposent de ne pas assaillir tout de suite le Maître mais de commencer par le persuader de leur profond respect. C'est cet avis qui prévaut car il a pour lui le plus grand nombre, et Kouza, en qualité de maître de maison, appelle ses serviteurs pour commander un banquet qu'ils feraient vers le soir pour laisser du temps à Jésus, "qui est visiblement fatigué, de se reposer" ce que tout le monde accepte et quand Jésus revient, les hôtes prennent congé de Lui en s'inclinant profondément, le laissant avec Kouza qui le conduit dans une pièce à l'ombre, où se trouve une couchette basse couverte de riches tapis.

Jésus, resté seul, confie à un serviteur ses sandales et son vêtement pour qu'il les dépoussière et enlève les traces des pérégrinations du jour précédent. Il ne dort pas; assis sur le bord de la couchette, les pieds nus sur la natte qui recouvre le pavé, avec la courte tunique ou sous-vêtement qui Lui arrive aux coudes et aux genoux, il pense intensément. Si l'habillement ainsi réduit le fait paraître plus jeune dans la splendide et parfaite harmonie de son corps viril, l'intensité de sa pensée, qui n'est certainement pas gaie, marque son front de rides et contracte son visage en Lui donnant une expression de douloureuse fatigue qui le vieillit.

Aucun bruit dans la maison, personne dans la campagne où dans la lourde chaleur les grappes mûrissent. Les rideaux sombres qui pendent devant les portes et aux fenêtres n'ont pas la moindre ondulation.

Ainsi passent les heures...

La pénombre augmente avec le coucher du soleil, mais la chaleur persiste et aussi la méditation de Jésus.

Enfin la maison semble se réveiller. On entend des voix, des bruits de pas, des ordres.

Kouza écarte doucement le rideau pour observer, sans déranger Jésus.

"Entre ! Je ne dors pas" dit Jésus.

Kouza entre : il est déjà dans le vêtement d'apparat du banquet. Il regarde et il voit que la couchette ne semble pas avoir accueilli un corps.

"Tu n'as pas dormi ? Pourquoi ? Tu es fatigué..."

"J'ai reposé dans le silence et à l'ombre. Cela me suffit."

"Je vais te faire apporter un vêtement..."

"Non. Le mien est certainement sec. Je préfère le prendre. J'ai l'intention de partir dès la fin du banquet. Je te prie de tenir prêts dans ce but le char et la barque."

"Comme tu veux, Seigneur. J'aurais voulu te garder jusqu'à demain à l'aurore..."

"Je ne puis. Je dois aller..."

Kouza sort en s'inclinant...

On entend de nombreux chuchotements...

Il se passe un certain temps. Le serviteur revient avec le vêtement de lin, tout frais lavé, parfumé de soleil, et avec les sandales nettoyées et bien graissées toutes brillantes et assouplies. Un autre le suit avec un bassin, une amphore et des essuie-mains, et dépose le tout sur une table basse. Ils sortent...

... Jésus rejoint les hôtes dans l'atrium qui divise la maison du nord au sud, formant un lieu aéré et agréable, pourvu de sièges et orné de rideaux légers, multicolores, qui modifient la lumière sans gêner l'aération. Maintenant, tirés de côté, ils laissent voir le cadre de verdure qui entoure la maison.

Jésus est imposant. Bien qu'il n'ait pas dormi, il semble avoir pris des forces et sa démarche est celle d'un roi. Le lin du vêtement qu'il vient de mettre est très blanc et les cheveux, rendus lumineux par le bain du matin, brillent avec délicatesse, encadrant le visage de leur couleur dorée.

"Viens, Maître. Nous n'attendions que Toi" dit Kouza.

Et il le conduit le premier dans la pièce où sont les tables.

On s'assoit après la prière et une ablution supplémentaire pour les mains, et le repas commence, pompeux comme toujours, et silencieux au début. Puis la glace se rompt.

Jésus est voisin de Kouza, et de l'autre côté se trouve Manahen avec comme compagnon Timon. Les autres sont placés par Kouza, avec son savoir-faire de courtisan, sur les côtés de la table en forme de U.

Seul l'essénien a refusé obstinément de prendre part au banquet et de s'asseoir à la table commune avec les autres. Ce n'est que lorsque un serviteur, sur l'ordre de Kouza, lui offre un petit panier précieux rempli de fruits, qu'il accepte de s'asseoir devant une table basse, après je ne sais combien d'ablutions, et après avoir relevé les larges manches de son vêtement blanc par crainte de les tacher ou pour suivre un rite, je ne sais.

C'est un banquet bizarre où l'on communique plus par les regards que par les discours. Tout juste de brèves phrases de politesse et l'on s'étudie réciproquement : Jésus étudie les convives et eux l'étudient.

Enfin Kouza fait signe aux serviteurs de se retirer après avoir apporté de grands plateaux de fruits qui sont frais pour avoir peut-être été conservés dans le puits, très beaux, je dirais presque glacés, avec ce givre qui caractérise les fruits conservés dans la glace.

Les serviteurs sortent après avoir aussi allumé les lampes, inutiles pour l'instant car il fait encore clair dans le long crépuscule d'été.

"Maître, commence Kouza, tu dois t'être demandé le pourquoi de cette réunion et du silence que nous observons. Mais ce que nous devons te dire est très grave et ne doit pas être entendu par des oreilles imprudentes. Maintenant nous sommes seuls et nous pouvons parler. Tu le vois, tous ont pour Toi le plus grand respect. Tu es parmi des hommes qui te vénèrent comme Homme et comme Messie. Ta justice, ta sagesse, les dons dont Dieu t'a donné la maîtrise. nous sont connus et nous les admirons. Tu es pour nous le Messie d'Israël, le Messie selon l'idée spirituelle et selon l'idée politique. Tu es l'Attendu qui doit mettre fin à la douleur, à l'humiliation de tout un peuple, et non seulement de ce peuple renfermé dans les confins d'Israël, ou plutôt de la Palestine, mais pour le peuple d'Israël tout entier, des milliers et des milliers de colonies de la Diaspora répandues par toute la Terre, et qui font retentir le nom de Jéhovah sous tous les cieux et qui font connaître les promesses et les espérances, qui maintenant se réalisent, d'un Messie restaurateur, d'un Vengeur, d'un Libérateur et créateur de l'indépendance véritable et de la Patrie d'Israël, c'est-à-dire de la Patrie la plus grande qui soit au monde, la Patrie : reine et dominatrice, qui annule tout souvenir du passé et tout signe vivant d'esclavage, l'Hébraïsme qui triomphe sur tout et sur tous, et pour toujours, parce qu'ainsi il a été dit et qu'ainsi la chose s'accomplit.

Seigneur, ici, devant Toi, tu as Israël tout entier dans les représentants des différentes classes de ce peuple éternel, châtié par le Très-Haut mais bien-aimé de Lui qui le proclame "sien". Tu as le cœur vivant et sain d'Israël avec les membres du Sanhédrin et les prêtres, tu as la puissance et la sainteté avec les pharisiens et les sadducéens, tu as la sagesse avec les scribes et les rabbis, tu as la politique et la valeur avec les hérodiens, tu as la richesse avec ceux qui sont fortunés, le peuple avec les marchands et les propriétaires, tu as la Diaspora avec les prosélytes, tu as jusqu'à ceux qui sont séparés et qui maintenant sont prêts à se réunir, parce qu'ils voient en Toi l'Attendu : les esséniens, les esséniens irréconciliables.

Regarde, ô Seigneur, ce premier prodige, ce grand signe de ta mission, de ta vérité. Toi, sans violence, sans moyens, sans serviteurs, sans soldats, sans épées, tu rassembles tout ton peuple comme une citerne rassemble les eaux de mille sources. Toi, presque sans paroles, sans, absolument sans ordres, tu nous réunis, nous, peuple divisé par les malheurs, les haines, des idées politiques et religieuses et tu nous réconcilies. O Prince de la Paix, réjouis-toi d'avoir racheté et restauré avant même d'avoir pris le sceptre et la couronne. Ton Royaume, le Royaume attendu d'Israël est né. Nos richesses, nos puissances, nos épées, sont à tes pieds. Parle ! Commande ! L'heure est venue."

Tous approuvent le discours de Kouza. Jésus, les bras croisés, se tait.

"Tu ne parles pas ? Tu ne réponds pas, ô Seigneur ? Peut-être la chose t'a étonné... Peut-être tu sens que tu n'es pas préparé et tu doutes surtout qu'Israël soit préparé... Mais il n'en est pas ainsi. Écoute nos voix. Je parle, et avec moi Manahen, pour le palais royal. Il ne mérite plus d'exister. C'est l'opprobre et la pourriture d'Israël. C'est la tyrannie honteuse qui opprime le peuple et s'abaisse servilement pour flatter l'usurpateur. Son heure est venue. Lève-toi, ô Étoile de Jacob, et mets en fuite ce chœur de crimes et de hontes. Ici sont ceux qui, appelés hérodiens, sont les ennemis des profanateurs du nom des Hérodes, sacré pour eux. À vous la parole."

"Maître, je suis âgé et je me rappelle ce qu'était la splendeur d'autrefois. Comme le nom héros donné à une charogne puante, tel est le nom d'Hérode porté par des descendants dégénérés qui avilissent notre peuple. C'est le moment de répéter le geste qu'a fait plusieurs fois Israël quand des monarques indignes régnaient sur les souffrances du peuple. Toi seul es digne de faire ce geste."

Jésus se tait.

"Maître, te semble-t-il que l'on puisse douter ? Nous avons scruté les Écritures: tu es celui-ci, tu dois régner" dit un scribe.

"Tu dois être Roi et Prêtre. Nouveau Néhémie, plus grand que lui, tu dois venir et purifier. L'autel est profané. Que le zèle du Très-Haut te presse" dit un prêtre.

"Beaucoup d'entre nous t'ont combattu. Ceux qui craignent ton règne sage, mais le peuple est avec Toi, et les meilleurs de nous avec le peuple. Nous avons besoin d'un sage."

"Nous avons besoin d'un pur."

"D'un vrai roi."

"D'un saint."

"D'un Rédempteur. Nous sommes, de plus en plus, esclaves de tout et de tous. Défends-nous, Seigneur !"

"Dans le monde, nous sommes piétinés car, malgré notre nombre et notre richesse, nous sommes comme des brebis sans berger. Appelle au rassemblement par le vieux cri : "À tes tentes, ô Israël !" et de tous les points de la Diaspora comme une levée de troupes surgiront tes sujets pour renverser les trônes vacillants des puissants qui ne sont pas aimés de Dieu."

Jésus se tait toujours. Lui seul est assis, calme comme s'il ne s'agissait pas de Lui au milieu de cette quarantaine de forcenés. Je me rappelle à peine un dixième de leurs raisons car ils parlent tous ensemble comme dans la confusion d'un marché. Lui garde son attitude et continue de se taire.

Tous crient : "Dis un mot ! Réponds !"

Jésus se lève lentement, en appuyant ses mains sur le bord de la table. Il se fait un silence profond. Brûlé par le feu de quatre-vingt pupilles, il ouvre les lèvres, et les autres les ouvrent comme pour aspirer sa réponse, et la réponse est brève mais nette : "Non."

"Mais comment ? Mais pourquoi ? Tu nous trahis ? Tu trahis ton peuple ! Il renie sa mission ! Il repousse l'ordre de Dieu !..."

C'est un vacarme ! Un tumulte ! Les visages deviennent cramoisis, les yeux s'enflamment, les mains semblent menacer... Plutôt que des fidèles, ils semblent des ennemis. Mais c'est ainsi : quand une idée politique domine les cœurs, même ceux qui sont doux deviennent des fauves pour ceux qui s'opposent à leurs idées.

Au tumulte succède un étrange silence. Il semble qu'après avoir épuisé leurs forces ils se sentent épuisés, à bout. Ils se regardent en s'interrogeant, désolés... certains fâchés...

Jésus promène son regard tout autour. Il dit :

"Je savais que c'était pour cela que vous me vouliez ici. Et je savais l'inutilité de votre démarche. Kouza peut dire que je l'ai dit à Tarichée. Je suis venu pour vous montrer que je ne crains aucune embûche, parce que ce n'est pas mon heure, et je ne la craindrai pas quand l'heure de l'embûche sera venue pour Moi, car c'est pour cela que je suis venu. Et je suis venu pour vous persuader. Vous, non pas tous, mais plusieurs d'entre vous, êtes de bonne foi. Mais je dois corriger l'erreur dans laquelle, de bonne foi, vous êtes tombés. Vous voyez ?

Je ne vous fais pas de reproches. Je n'en fais à personne, pas même à ceux qui, étant mes disciples fidèles, devraient être conduits par la justice et régler leurs propres passions avec justice. Je ne te fais pas de reproches, juste Timon, mais je te dis qu'au fond de ton amour qui veut m'honorer, il y a encore ton moi qui s'agite et rêve d'un temps meilleur, où tu pourras voir frappés ceux qui te frappèrent. Je ne te fais pas de reproches, Manahen, bien que tu montres que tu as oublié la sagesse et l'exemple tout spirituels que tu avais de Moi, et auparavant du Baptiste, mais je te dis qu'en toi aussi se trouve une racine d'humanité qui renaît après l'incendie de mon amour. Je ne te fais pas de reproches, Eléazar, homme juste tant pour la vieille femme qu'on t'a laissée, juste toujours, mais pas maintenant. Et je ne te fais pas de reproches, Kouza, bien que je devrais le faire parce qu'en toi, plus qu'en tous ceux qui de bonne foi veulent me faire roi, est vivant ton moi. Roi, oui, tu veux que je le sois. Il n'y a pas de piège dans ta parole. Tu ne viens pas pour me prendre en faute, pour me dénoncer au Sanhédrin, au roi, à Rome. Mais plus que par amour - tu crois n'agir que par amour, mais cela n'est pas - plus que par amour, tu agis pour te venger des offenses qui te sont venues du palais royal. Je suis ton hôte et je devrais taire la vérité sur tes sentiments, mais je suis la Vérité en toutes choses, et je parle pour ton bien.

Et il en est ainsi de toi, Joachim de Bozra, et de toi, scribe Jean, et de toi aussi, et de toi, et de toi, et de toi." Il montre celui-ci, celui-là, sans rancœur, mais avec tristesse... et il continue : "Je ne vous fais pas de reproches, car je sais que ce n'est pas vous qui voulez cela, spontanément. C'est l'Embûche, c'est l'Adversaire qui travaille et vous... vous êtes, sans le savoir, vous êtes des instruments entre ses mains. Même l'amour, même de votre amour, ô Timon, ô Manahen, ô Joachim, ô vous qui réellement m'aimez, même de votre vénération, ô vous qui pressentez en Moi le Rabbi parfait, même de cela, lui, le Maudit, se sert pour nuire et me nuire. Mais Moi, je vous dis à vous et à ceux qui n'ont pas vos sentiments, et qui avec des buts qui descendent de plus en plus bas jusqu'à la trahison et au crime voudraient que j'accepte d'être roi, je dis : Non. Mon Royaume n'est pas de ce monde. Venez à Moi, pour que j'établisse mon Royaume en vous, rien d'autre. Et maintenant, laissez-moi partir."

"Non, Seigneur, nous sommes bien décidés. Nous avons déjà mis en mouvement nos richesses, préparé des plans, nous avons décidé de sortir de cette incertitude qui entretient l'inquiétude d'Israël et de laquelle profitent les autres pour lui nuire. On te dresse des embûches, c'est vrai. Tu as des ennemis au Temple lui-même. Moi, l'un des Anciens, je ne le nie pas, mais pour y mettre fin, voilà ce qu'il faut : ton onction. Et nous sommes tout disposés à te la donner. Ce n'est pas la première fois qu'en Israël quelqu'un est ainsi proclamé roi, pour mettre fin aux malheurs de la nation et aux discordes. Il y a ici quelqu'un qui, au nom de Dieu, peut le faire. Laisse-nous faire" dit un des prêtres.

"Non ! Cela ne vous est pas permis. Vous n'en avez pas l'autorité."

"Le Grand Prêtre est le premier à le vouloir, même s'il ne semble pas. Il ne peut plus tolérer la situation actuelle de la domination romaine et le scandale royal."

"Ne mens pas, prêtre. Sur tes lèvres le blasphème est doublement impur. Peut-être tu ne le sais pas et tu te trompes, mais au Temple, on ne le veut pas."

"Tu prends donc pour un mensonge notre affirmation ?"

"Oui, sinon pour vous tous, pour beaucoup d'entre vous. Ne mentez pas. Je suis la Lumière et j'éclaire les cœurs..."

"Nous, tu peux nous croire" crient les hérodiens.

"Nous n'aimons pas Hérode Antipas ni aucun autre."

"Non. Vous n'aimez que vous-mêmes, c'est vrai, et vous ne pouvez m'aimer. Je vous servirais de levier pour renverser le trône, pour ouvrir le chemin à un pouvoir plus puissant et pour faire supporter au peuple une oppression plus mauvaise. Une tromperie pour Moi, pour le peuple, et pour vous-mêmes. Quand vous auriez anéanti le roi, Rome vous anéantirait tous."

"Seigneur, dans les colonies de la Diaspora, il y a des hommes prêts à s'insurger... Nous les soutenons de nos ressources" disent les prosélytes.

"Et des miennes, et tout l'appui de l'Auranitide et de la Trachonitide" crie l'homme de Bozra. "Je sais ce que je dis. Nos montagnes peuvent nourrir une armée, et à l'abri des embûches, pour les lancer comme un vol d'aigles à ton service."

"La Pérée aussi."

"La Gaulanitide aussi."

"La vallée de Gahas avec Toi !"

"Et avec Toi les rives de la Mer Salée avec les nomades qui nous croient des dieux, si tu consens à t'unir à nous" crie l'essénien et il continue en un verbiage d'exalté qui se perd dans le bruit.

"Les montagnards de la Judée sont de la race des rois courageux."

"Et ceux de la Haute Galilée sont des héros de la trempe de Déborah. Même les femmes, même les enfants sont des héros !"

"Tu nous crois peu nombreux ? Nous sommes des troupes nombreuses. Le peuple est tout entier avec Toi. Tu es le roi de la race de David, le Messie ! C'est le cri sur les lèvres des sages et des ignorants, parce que c'est le cri des cœurs. Tes miracles... tes paroles... Les signes..."

C'est une confusion que je ne réussis pas à suivre.

Jésus, comme un rocher bien ferme enveloppé par un tourbillon, ne bouge pas, ne réagit même pas. Il est impassible. Et la ronde des prières, des supplications, des raisons, continue.

"Tu nous déçois ! Pourquoi veux-tu notre ruine ? Tu veux n'agir que par Toi-même ? Tu ne peux. Matthatias Maccabée ne refusa pas l'aide des Assidéens et Judas libéra Israël avec leur aide... Accepte !!!"

De temps à autre, les cris s'unissent sur ce mot, mais Jésus ne cède pas.

Un des Anciens, très âgé, parlote avec un prêtre et un scribe plus âgés que lui. Ils viennent en avant. Ils imposent le silence. C'est le vieux scribe qui parle, après avoir appelé aussi à lui Eléazar et les deux scribes Jean :

"Seigneur, pourquoi ne veux-tu pas ceindre la couronne d'Israël ?"

"Parce qu'elle ne m'appartient pas. Je ne suis pas fils d'un prince hébreu."

"Seigneur, peut-être tu ne le sais pas. Eux deux et moi-même, nous fûmes appelés un jour parce que trois Sages étaient venus pour demander où était Celui qui était né roi des hébreux. Comprends-tu ? "Né roi". On nous réunit, nous les princes des prêtres et des scribes du peuple sur l'ordre d'Hérode le Grand pour répondre à la question. Et avec nous, il y avait Hillel le Juste. Notre réponse fut : "à Bethléem de Juda". Toi, nous le savons, c'est là que tu es né et de grands signes accompagnèrent ta naissance. Parmi tes disciples, il y a des témoins. Peux-tu nier que tu as été adoré comme Roi par les trois Sages ?"

"Je ne le nie pas."

"Peux-tu nier que le miracle te précède, t'accompagne et te suit comme signe du Ciel ?"

"Je ne le nie pas."

"Peux-tu nier que tu es le Messie promis?"

"Je ne le nie pas."

"Et alors, au nom du Dieu vivant, pourquoi veux-tu tromper les espérances d'un peuple ?"

"Je viens pour accomplir les espérances de Dieu."

"Lesquelles ?"

"Celles de la Rédemption du monde, de la formation du Royaume de Dieu. Mon Royaume n'est pas de ce monde. Reprenez vos ressources et vos armes. Ouvrez vos yeux et vos esprits pour lire les Écritures et les Prophètes et pour accueillir ma Vérité, et vous aurez le Royaume de Dieu en vous."

"Non. Les Écritures parlent d'un Roi libérateur."

"De l'esclavage de Satan, du péché, de l'erreur, de la chair, du gentilisme, de l'idolâtrie.

Ah ! que vous a fait Satan, ô hébreux, peuple sage, pour vous faire tromper sur les vérités prophétiques ? Que vous fait-il, ô hébreux, mes frères, pour vous rendre si aveugles ? Que, que vous fait-il, ô mes disciples, pour que vous aussi vous ne compreniez plus ? Le plus grand malheur d'un peuple et d'un croyant c'est de tomber dans une fausse interprétation des signes, et ici se produit ce malheur. Des intérêts personnels, des préjugés, des exaltations, un amour mal compris de la patrie, tout sert à créer l'abîme... L'abîme de l'erreur dans lequel un peuple périra en méconnaissant son Roi."

"C'est Toi qui te méconnais."

"C'est vous qui vous méconnaissez, et me méconnaissez. Je ne suis pas un roi humain. Et vous... vous, les trois quarts de vous rassemblés ici, vous le savez et vous voulez mon malheur et non mon bien. Vous le faites par rancœur, non par amour. Je vous pardonne. Je dis à ceux qui ont le cœur droit : "Revenez à vous, ne soyez pas les serviteurs inconscients du mal". Laissez-moi aller. Il n'y a pas autre chose à dire."

Un silence plein de stupeur...

Eléazar dit :

"Je ne suis pas ton ennemi. Je croyais bien faire, et je ne suis pas le seul... De bons amis pensent comme moi."

"Je le sais. Mais dis-moi, toi, et sois sincère : que dit Gamaliel ?"

"Le rabbi ?... Il dit... Oui, il dit : "Le Très-Haut donnera un signe si lui est son Christ".

"Il a raison. Et Joseph l'Ancien ?"

"Que tu es le Fils de Dieu et que tu régneras en Dieu."

"Joseph est un juste. Et Lazare de Béthanie ?"

"Il souffre... Il parle peu... Mais il dit... que tu régneras seulement quand nos esprits t'accueilleront."

"Lazare est sage. Quand vos esprits m'accueilleront. Pour le moment, vous, même ceux que je croyais des esprits accueillants, vous n'accueillez pas le Roi et le Royaume, et c'est cela qui fait ma douleur."

"En somme, tu refuses ?" crient-ils en grand nombre.

"Vous l'avez dit."

"Tu nous as fait nous compromettre, tu nous fais du tort, tu..." crient d'autres: hérodiens, scribes, pharisiens, sadducéens, prêtres...

Jésus quitte la table et il va vers ce groupe, les yeux flamboyants. Quel regard ! Eux, involontairement, se taisent, se serrent contre le mur... Jésus va vraiment visage contre visage, et il dit, doucement, mais d'une manière incisive qui tranche comme un coup de sabre :

"Il est dit : "Malheur à celui qui frappe en cachette son prochain et accepte des cadeaux pour condamner à mort un innocent". Moi, je vous dis : je vous pardonne, mais votre péché est connu du Fils de l'homme. Si je ne vous pardonnais pas, Moi... Pour bien moins, Jéhovah a réduit en cendres plusieurs israélites."

Mais il est tellement terrible en le disant, que personne n'ose bouger, et Jésus relève le lourd double rideau et sort dans l'atrium sans que personne n'ose faire un geste.

Ce n'est que lorsque le rideau cesse de remuer, c'est-à-dire après quelques minutes, qu'ils se remettent.

"Il faut le rejoindre... Il faut le retenir..." disent les plus acharnés.

"Il faut se faire pardonner" soupirent les meilleurs, c'est-à-dire Manahen, Timon, des prosélytes, l'homme de Bozra, en somme ceux qui ont le cœur droit.

Ils se pressent hors de la salle. Ils cherchent, ils interrogent les serviteurs : "Le Maître ? Où est-il ?"

Le Maître ? Personne ne l'a vu, pas même ceux qui étaient aux deux portes de l'atrium. Pas de Maître... Avec des torches et des lanternes, ils le cherchent dans l'obscurité du jardin, dans la pièce où il avait reposé. Personne ! Et il n'y a plus son manteau laissé sur le lit, son sac laissé dans l'atrium...

"Il nous a échappé ! C'est un Satan !... Non. Il est Dieu. Il fait ce qu'il veut. Il va nous trahir ! Non. Il nous connaîtra pour ce que nous sommes."

Une clameur d'opinions et d'insultes mutuelles. Les bons crient :

"Vous nous avez séduits. Traîtres ! Nous devions l'imaginer !"

Les mauvais, c'est-à-dire le plus grand nombre, menacent, et après avoir perdu le bouc émissaire contre lequel ils ne peuvent se tourner, les deux partis se tournent contre eux-mêmes...

Et Jésus où est-il ? Moi, je le vois, parce qu'il le veut, très loin, vers le pont à l'embouchure du Jourdain. Il va rapidement comme si le vent le portait, ses cheveux flottent autour de son visage pâle, son vêtement bat comme une voile dans la rapidité de la marche. Puis, quand il est sûr de se trouver à bonne distance, il s'enfonce dans les joncs et il prend la rive orientale. Dès qu'il a trouvé les premiers récifs de la haute falaise, il y monte sans se soucier du manque de lumière qui rend dangereuse l'escalade de la côte escarpée. Il monte, il monte jusqu'à un rocher qui surplombe le lac et où veille un chêne séculaire. Il s'assoit là, un coude sur le genou, il appuie le menton sur la paume de la main, le regard fixé sur l'immensité qui s'embrume, à peine visible par la blancheur de son vêtement et la pâleur de son visage, il reste immobile...

Mais quelqu'un l'a suivi. C'est Jean. Un Jean à peine vêtu, avec seulement son court vêtement de pêcheur, les cheveux raides de quelqu'un qui a été dans l'eau, haletant et pourtant pâle. Il approche doucement de son Jésus. Il semble une ombre qui glisse sur la falaise raboteuse. Il s'arrête à quelque distance, il surveille Jésus... Il ne bouge pas, il semble faire partie du rocher. Sa tunique de couleur sombre le dissimule encore plus, seul le visage, les jambes et les bras nus se voient à peine dans l'ombre de la nuit.

// Mais quand, plutôt qu'il ne le voit, il entend pleurer Jésus, alors il ne résiste plus et il s'approche et puis l'appelle : "Maître !"

Jésus l'entend murmurer et lève la tête; prêt à fuir il relève son vêtement.

Mais Jean crie : "Que t'ont-ils fait, Maître, que tu ne reconnais plus Jean ?"

Et Jésus reconnaît son Préféré. Il lui tend les bras et Jean s'y élance et les deux pleurent pour deux douleurs différentes et un unique amour.

Mais ensuite les pleurs se calment et Jésus, le premier, revient à la vision nette des choses. Il se rend compte que Jean est à peine vêtu, avec sa tunique humide, déchaussé, glacé. "Comment donc es-tu ici, dans cet état ! // Pourquoi n'es-tu pas avec les autres ?"

"Oh ! ne me gronde pas, Maître. Je ne pouvais rester... Je ne pouvais te laisser aller... J'ai quitté mon vêtement, tout sauf cela, et je me suis jeté à la nage pour revenir à Tarichée et de là par la rive, puis j'ai franchi le pont et puis je t'ai suivi et je suis resté caché dans le fossé près de la maison, prêt à venir à ton aide, au moins pour savoir s'ils t'enlevaient, s'ils te faisaient du mal, et j'ai entendu que l'on se disputait et puis je t'ai vu passer rapidement devant moi. Tu paraissais un ange. Pour te suivre sans te perdre de vue, je suis tombé dans des fossés et des marécages et je suis tout couvert de boue. Je dois avoir taché ton vêtement... Je te regarde depuis que tu es ici... Tu pleurais ?...

Que t'ont-ils fait, mon Seigneur ? T'ont-ils insulté ? Frappé ?"

"Non. Ils voulaient me faire roi. Un pauvre roi, Jean ! Et plusieurs voulaient le faire de bonne foi, par un amour vrai, dans une bonne intention... Le plus grand nombre... pour pouvoir me dénoncer et se débarrasser de Moi..."

"Qui sont-ils ?"

"Ne le demande pas."

"Et les autres ?"

"Ne demande pas non plus leurs noms. Tu ne dois pas haïr et tu ne dois pas critiquer... Moi, je pardonne..."

"Maître... Il y avait-il des disciples ?... Dis-moi cela seulement."

"Oui."

"Et des apôtres ?"

"Non, Jean, aucun apôtre."

"Vraiment, Seigneur ?"

"Vraiment, Jean."

"Ah ! Louange à Dieu pour cela... Mais pourquoi pleures-tu encore, Seigneur ? Je suis avec Toi. Moi, je t'aime pour tous. Et même Pierre et André et les autres... Quand ils m'ont vu me jeter dans le lac, ils m'ont traité de fou. Pierre était furieux, et mon frère disait que je voulais mourir dans les remous. Mais ensuite ils ont compris et ils ont crié : "Que Dieu soit avec toi. Va, va !..." Nous t'aimons nous, mais personne comme moi, pauvre enfant."

"Oui, personne comme toi. Tu as froid, Jean ! Viens ici sous mon manteau..."

"Non, à tes pieds, ainsi... Mon Maître ! Pourquoi ne t'aiment-ils pas tous comme le pauvre enfant que je suis ?"

Jésus l'attire sur son cœur en s'assoyant à côté de lui. "Parce qu'ils n'ont pas ton cœur d'enfant..."

"Ils voulaient te faire roi ? Mais ils n'ont pas encore compris que ton Royaume n'est pas de cette Terre ?"

"Ils n'ont pas compris !"

"Sans donner de noms, raconte-moi, Seigneur..."

"Mais tu ne diras pas ce que je t'ai dit ?"

"Si tu ne veux pas, Seigneur, je ne le dirai pas..."

"Tu ne le diras que quand les hommes voudront me présenter comme un ordinaire chef populaire. Un jour cela viendra. Tu seras là et tu diras : "Lui n'a pas été un roi de la Terre parce qu'il ne l'a pas voulu, parce que son Royaume n'était pas de ce monde. Lui était le Fils de Dieu, le Verbe Incarné, et il ne pouvait pas accepter ce qui est terrestre. Il a voulu venir dans le monde et revêtir une chair pour racheter la chair et les âmes et le monde, mais il n'a pas voulu accepter les pompes du monde et les foyers du péché, et il n'a eu en Lui rien de charnel ni de mondain. La Lumière ne s'est pas enveloppée de ténèbres, l'Infini n'a pas accueilli des choses finies, mais des créatures, limitées par la chair et le péché, il a fait des créatures qui désormais Lui ressembleraient davantage en amenant ceux qui croient en Lui à la vraie royauté et en établissant son Règne dans les cœurs, avant de l'établir dans les Cieux, où il sera complet et éternel avec tous ceux qui seront sauvés". Tu diras cela, Jean, à ceux qui ne voudront voir en Moi qu'un homme, et à ceux qui ne verront en Moi qu'un esprit, à ceux qui nieront que j'ai subi la tentation... et la douleur... // Tu diras aux hommes que le Rédempteur a pleuré... // et qu'eux, les hommes, ont été rachetés aussi par mes larmes..."

"Oui, Seigneur. Comme tu souffres, Jésus !..."

"Comme je rachète ! Mais toi, tu me consoles de la souffrance. À l'aube, nous allons partir d'ici. Nous trouverons une barque. Me crois-tu si je te dis que nous pouvons avancer sans rames ?"

"Je croirais même si tu disais que nous irons sans barque..."

// Ils restent enlacés, enveloppés dans le seul manteau de Jésus, et Jean finit par s'endormir dans la tiédeur, fatigué, comme un enfant dans les bras de sa maman. //
(...)
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---> DGC tourne de l’œil à la simple évocation de la promiscuité physique entre deux hommes, passant une nuit sans toit dans le froid et l’humidité, loin de tout ce qui pourrait de près ou de loin s’apparenter à du confort - excepté une unique couverture pour deux -.

---> Par contre, cela n’aura pas de quoi choquer un militaire ( ou encore un pauvre vagabond ), habitué aux conditions spartiates des opérations en extérieur, et sachant à l’occasion partager un peu de chaleur humaine sans faire d'histoire avec un camarade, en cas de nécessité.

---> Il n’est pas absolument surhumain - surtout pour un prêtre de la communauté saint Martin - de se souvenir que le grand saint patron de cette communauté était un militaire romain, qui aurait fort bien compris cette présente situation entre Jésus et Jean, ayant personnellement eut l'occasion d'offrir la moitié de son manteau ( celle qui lui appartenait ) à un pauvre transi de froid, rencontré au bord de sa route - c'est-à-dire au Christ Lui-même, présent en tout pauvre -.

---> Fallait-il ou non que Jésus pratique la charité en acte à l'égard de celui qui était glacé, après avoir nagé à sa rencontre dans l’eau froide d’un lac ?

---> Nous comprenons pourquoi DGC répondra « non » à cette question : car depuis que l’abbé Guérin fondateur de la fraternité sacerdotale Saint Martin, mu par une libido contre nature, se permit de donner des baisers forcés à certains de ses séminaristes, aucune pureté ne pourrait plus soi-disant exister désormais entre deux hommes que l'amitié rapproche, le moindre geste de tendre fraternité ou d'entraide devant soi-disant faire l’objet de très graves suspicions.

---> Cependant, nous n’avons pas à expliquer en quoi Jésus et l’abbé Guérin n’ont rien à voir l’un avec l’autre, ni donc en quoi ce sous-entendu obscène de l’auteur n’a ici aucune raison d’être.

---> Et ici donc, DGC n'a pas pu éviter le flop.

DGC :
À la fin de cette même conversation où « Jésus » a recommandé à Jean, témoin privilégié de ses sentiments de tristesse : « tu diras aux hommes que le Rédempteur a pleuré », il conclut, coupant court aux éventuelles objections :
« C’est pour ceux qui ont le cœur droit qu’a été donnée cette page évangélique inconnue et tellement, tellement explicative. » (VII, 157, 22)

---> Ce que DGC présente ici de manière très inexacte comme la conclusion du discours de Jésus à Jean : « (…) Tu diras cela, Jean, à ceux qui ne voudront voir en Moi qu'un homme, et à ceux qui ne verront en Moi qu'un esprit, à ceux qui nieront que j'ai subi la tentation... et la douleur... Tu diras aux hommes que le Rédempteur a pleuré... et qu'eux, les hommes, ont été rachetés aussi par mes larmes..." ( cf la fin du passage intégralement cité ci-dessus ) est en réalité le début du commentaire que Jésus fait ensuite sur tout ce passage, y soulignant avec quelle humble discrétion saint Jean ne rapporte pas, dans l'épisode de Jésus s'enfuyant sur la montagne après avoir refusé la royauté humaine, les faveurs particulière qu'il avait reçues de son divin Maître, en raison de son obéissance le mettant au-dessus des autres, et lui valant d'être appelé très justement : "Le disciple que Jésus aimait"

---> Voici ce fameux commentaire, qui suit immédiatement le dialogue précédent entre Jésus et Jean :

EMV 464.17 – Le témoignage du Bien-Aimé
En rouge : la citation de DGC )

Jésus dit :
// "C’est pour ceux qui ont le cœur droit qu’a été donnée cette page évangélique, inconnue mais tellement éclairante ! // Jean, en écrivant son évangile après des dizaines d’années, fait une brève allusion à cet épisode, obéissant au désir de son Maître, dont il met en lumière plus que tout autre évangéliste la nature divine, il révèle aux hommes ce détail ignoré, et il le révèle avec cette retenue virginale qui enveloppait toutes ses actions et toutes ses paroles d'une pudeur humble et réservée.

Jean, mon confident pour les faits les plus graves de ma vie, ne s'est jamais pompeusement prévalu de ces faveurs que je lui faisais. Mais, au contraire, lisez attentivement, il semble souffrir de les révéler et dire : "Je dois dire cela parce que c'est une vérité qui exalte mon Seigneur, mais je vous demande pardon de devoir montrer que je suis seul à la connaître" et c'est par des paroles concises qu'il fait allusion au détail connu de lui seul. »
(...)
-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

---> Effectivement, saint Jean ne nous rapporte uniquement que l'élément essentiel de ce piège diabolique tendu sous les pas du Christ et de ses disciples : Jésus, ayant refusé la royauté temporelle, avait fui tout seul, dans la montagne. ( Jean 6,15 ).

---> Nous n’apprenons pas dans son Evangile ce qu'il est dit de Jean dans l'EMV, seul à comprendre vraiment son Maître, car il était trop humble pour en parler et se mettre ainsi en valeur.

---> Seuls ceux qui ont le cœur droit pourront comprendre ici cette préférence de Jésus pour son apôtre Jean, ayant su par son extrême innocence de petit enfant échapper complètement à l'illusion ce piège sournois, tendu devant ses pas, et rejoindre héroïquement son Maître en qui il croit, pour Le consoler dans la peine, quand les autres restaient au loin, car ils n’y comprenaient rien, ou souhaitaient carrément L’abandonner.

---> Quant à la tendresse de Jésus pour son cher petit Jean, elle manifeste bien que, pour ceux qui savent retrouver la plus complète pureté de l’enfance spirituelle, Jésus est aussi tendre que l’était sa Mère, la très sainte Vierge Marie, avec son petit Enfant nouveau-né, ou qu’une poule avec ses poussins. ( Luc 13,34 )

---> Bien sûr : dans cet épisode, saint Jean a du se mouiller un peu, mais DGC quant à lui, fait un flop.

DGC :
Jésus multiplie les baisers, qui peuvent avoir, lorsqu’ils ne sont pas de simples témoignages d’affection, des effets thérapeutiques ou illuminatifs ou qui constituent de véritables gestes sacrés, pour ne pas dire sacramentels. L’extrait suivant, qui rapporte les circonstances où « Jésus » aurait envoyé ses disciples baptiser pour la première fois, mérite d’être cité intégralement.

---> À la bonne heure ! Une fois n'est pas coutume : l'auteur se lance dans une citation intégrale. Cependant, nous ne devons pas avoir tout à fait la même notion d' "intégralité", puisque l'auteur va en réalité ne citer que l'extrême fin de ce merveilleux passage, où l'on découvre une scène si rare, correspondant à cette phrase de saint Jean (4,2) : "À vrai dire, ce n’était pas Jésus en personne qui baptisait, mais ses disciples."

---> On ne peut donc manquer cette occasion de le citer intégralement ( vraiment intégralement ), car ça tombe très bien : nous en avons justement le temps et l'intérêt.

EMV 119.1 - Les discours de la Belle Eau : "Je suis le Seigneur ton Dieu". Jésus baptise comme Jean.
En rouge entre les // : la citation "exhaustive" de DGC )

Aujourd'hui l'assistance d'hier a presque doublé. Il y a aussi des personnes qui ne sont pas de milieu populaire, Certains sont venus à dos d'âne et prennent leur repas sous le hangar. En attendant le Maître, ils ont attaché leurs montures aux poteaux.

La journée est froide, mais sereine. Les gens parlent entre eux, et ceux qui sont les mieux informés expliquent qui Il est et pourquoi le Maître parle à cet endroit. Quelqu'un dit :

"Mais est-il plus que Jean ?"

"Non. Il est différent. J'appartenais à Jean : lui est le Précurseur et la voix de la justice. Celui-ci, c'est le Messie : c'est la voix de la sagesse et de la miséricorde."

"Comment le sais-tu ?" demandent plusieurs.

"Ce sont trois disciples attachés à Jean le Baptiste qui me l'ont dit. Si vous saviez ! Ils l'ont vu naître. Pensez : il est né de la lumière. C'était une lumière tellement forte, qu'eux qui étaient bergers, se sont sauvés hors du bercail au milieu des animaux affolés et terrorisés. Ils ont vu Bethléem tout en feu et puis du ciel sont venus ici-bas des anges. Avec leurs ailes, ils ont éteint le feu. Par terre, il y avait Lui, l'Enfant né de la lumière. Tout le feu est devenu une étoile..."

"Mais non, ce n'est pas ça."

"Oui, c'est comme ça. C'est ce que m'a dit, quand j'étais enfant un homme qui était palefrenier à Bethléem. Maintenant que le Messie est devenu homme, il s'en vante.( On voit bien ici quelle est la genèse d'un récit apocryphe, ndt )

"Non, ce n'est pas non plus cela. L'étoile est venue plus tard. Elle est venue avec les Mages d'Orient. L'un d'eux était parent de Salomon et par conséquent du Messie, car Lui est de la race de David et David était le père de Salomon. Salomon s'éprit de la reine de Saba parce qu’elle était belle et à cause des présents qu'elle lui avait apportés. Elle en eut un fils qui est de Judée, tout en étant d'au-delà du Nil."

"Mais, qu'est-ce que tu racontes. Tu es fou ?!"

"Non. Tu veux dire que ce n'est pas vrai qu'il lui apporta, lui le parent, des aromates, comme c'est l'usage entre rois de cette lignée ?"

"Moi, je sais ce qu'il en est, dit un autre. C'est ainsi, Je sais car j'ai pour ami Isaac, l'un des bergers, Donc l'Enfant est né dans une étable de la maison de David. C'était la prophétie."

"Mais, n'est-il pas de Nazareth ?"

"Laissez-moi parler. Il est né à Bethléem parce qu'il est de la race de David, et c'était au temps de l'édit. Les bergers ont vu une lumière, la plus belle qui ait existé. Le plus jeune, parce qu’il était innocent, fut le premier à voir l'ange du Seigneur. Sa voix harmonieuse comme une harpe, disait : "Le Sauveur est né. Allez et adorez", et puis des anges, et encore des anges chantaient "Gloire à Dieu et paix aux hommes bons". Et les bergers allèrent et virent un tout petit enfant dans une mangeoire entre un bœuf et un âne, la Mère et le père. Et ils l'adorèrent et puis ils l'amenèrent dans la maison d'une brave femme. Et l'Enfant grandissait, comme tous les enfants, beau, gentil, tout amour. Et puis il vint des Mages d'au-delà de l'Euphrate et du Nil, parce qu'il avaient vu une étoile et reconnu en elle l'étoile de Balaam. Mais l'Enfant était déjà capable de marcher. Le roi Hérode ordonna l'extermination par jalousie à l'égard du futur roi. Mais l'ange du Seigneur avait annoncé le danger.

Les enfants de Bethléem moururent, mais pas Lui qui s'était enfui plus loin que Matarea. Et puis, Il revint à Nazareth pour faire le menuisier. Arrivé à son temps, après que le Baptiste, son cousin, l'eut annoncé, il a commencé sa mission et d'abord il a cherché ses bergers. Il a guéri Isaac de la paralysie, après trente années d'infirmité. Isaac est infatigable pour l'annoncer. Voilà."

"Mais les trois disciples du Baptiste m'ont dit exactement ces paroles !" dit le premier, mortifié...

"Et elles sont vraies. Ce qui ne l'est pas, c'est la description du palefrenier. Il s'en vante ? Il ferait bien de dire aux Bethléemites d'être bons. Il n'a pu prêcher ni à Bethléem ni à Jérusalem."

"Oui ! Mais penses-donc si les scribes et les pharisiens veulent de ses paroles ! Ce sont des vipères et des hyènes, comme les appelle le Baptiste."

"Moi, je voudrais guérir. Vois-tu ? J'ai une jambe gangrenée. J'ai souffert mortellement pour venir ici à dos de bourrique, mais je l'avais cherché à Sion et il n'y était plus..." dit quelqu'un.

"Ils l'ont menacé de mort..." dit un autre.

"Chiens !"

"Oui, d'où viens-tu ?"

"De Lidda."

"Longue route !"

"Moi... moi, je voudrais Lui dire mon erreur ... Je l'ai dite au Baptiste, mais je me suis sauvé, tant il m'a adressé de reproches. Je pense ne pouvoir plus être pardonné..." dit encore un autre.

"Qu'as-tu donc fait ?"

"Beaucoup de mal. Je le Lui dirai. Qu'en dites-vous ? Me maudira-t-il ?"

"Non. Je l'ai entendu parler à Bethsaïda. Je m'y trouvais par hasard, Quelles paroles !!! Il parlait d'une pécheresse. Ah ! j'aurais presque voulu être elle pour les mériter !..."dit un vieillard imposant.

"Le voilà qui vient " crient plusieurs voix.

"Miséricorde ! J'ai honte !" dit le coupable et il va s'enfuir.

"Où fuis-tu, mon fils ? As-tu le cœur si noir pour haïr la Lumière au point de devoir la fuir ? As-tu tellement péché que tu aies peur de Moi : le Pardon ? Mais quel péché peux-tu avoir commis ? Même si tu avais tué Dieu, tu ne devrais pas craindre, si tu as en toi un vrai repentir. Ne pleure pas ! Ou plutôt, viens, pleurons ensemble." Jésus qui, en levant la main a arrêté sa fuite, le serre maintenant contre Lui.* Puis il se tourne vers ceux qui attendent et leur dit : "Un moment seulement, pour soulager ce cœur, et puis je viens à vous."

Il s'éloigne de la maison, se heurtant, en, tournant au coin, à la femme voilée qui est à son poste d'écoute. Jésus la regarde un moment fixement, puis il fait encore une dizaine de pas et s'arrête. "Qu'as-tu fait, fils ?"

L'homme tombe à genoux. C'est un homme d'une cinquantaine d'années. Un visage brûlé par les passions et dévasté par un tourment secret. Il tend les bras et crie :

"Pour dépenser avec les femmes tout l’héritage paternel, j'ai tué ma mère et mon frère... Je n'ai plus eu de paix... Ma nourriture... du sang ! Mon sommeil... un cauchemar ...Mon plaisir ... Ah ! sur le sein des femmes, dans leur cri luxurieux, je sentais le cadavre glacé de ma mère morte, et le râle de mon frère empoisonné. Maudites les femmes de plaisir : aspics, méduses, murènes insatiables, ruine, ruine, ma ruine !"

"Ne maudis pas. Moi je ne te maudis pas..."

"Tu ne me maudis pas ?"

"Non. Je pleure et je prends sur Moi ton péché !... Comme il est lourd ! Il me brise les membres, mais je le serre étroitement, pour le consumer à ta place... et à toi, je donne le pardon. Oui. Je te remets ton grand péché."

Il étend les mains sur la tête de l'homme qui sanglote et le prie :

"Père, pour lui aussi mon sang sera versé. En attendant voici mes larmes et ma prière. Père, pardonne car il s'est repenti. Ton Fils, au jugement duquel tout est remis le veut !..."

Il reste encore quelques minutes ainsi, puis il se penche, relève l'homme et lui dit :

"La faute est remise, À toi, maintenant d'expier par une vie de pénitence ce qui reste de ton délit."

"Est-ce que Dieu m'a pardonné ? Et ma mère ? et mon frère ?"

"Ce que Dieu pardonne, tous le pardonnent. Va et ne pèche jamais plus."

L'homme pleure plus fort et Lui baise la main, Jésus le laisse à ses larmes. Il revient à la maison. La femme voilée semble vouloir aller à sa rencontre, mais ensuite, elle baisse la tête et ne bouge pas. Jésus passe devant elle sans la regarder.

Il a gagné sa place, Il parle :

"Une âme est revenue au Seigneur Bénie soit sa toute puissance qui arrache à l'enlacement du démon les âmes qu'Il a créées et les remet sur le chemin du Ciel Pourquoi cette âme s'était-elle perdue, Parce qu'elle avait perdu de vue la Loi.

Il est dit dans le Livre que le Seigneur se manifesta sur le Sinaï dans toute sa terrible puissance pour dire aussi par elle : "Je suis Dieu. Voici ma volonté. Voilà les foudres toutes prêtes pour ceux qui seront rebelles au vouloir de Dieu". Et avant de parler, Il prescrivit que personne du peuple ne montât pour contempler Celui qui est, et que même les prêtres se purifiassent avant de s'approcher de la limite fixée par Dieu, pour n'être pas frappés. Cela, parce que c'était le temps de la justice et de l'épreuve. Les Cieux étaient fermés comme par la pierre sur le mystère du Ciel et sur le courroux de Dieu, et seules les flèches de la justice tombaient du Ciel sur les fils coupables. Mais maintenant, non. Maintenant le Juste est venu accomplir toute justice. Il est arrivé le temps où, sans foudre et sans limites, la Parole Divine parle à l'homme, pour donner à l'homme la Grâce et la Vie.

La première parole du Père et Seigneur est celle-ci : "Je suis le Seigneur ton Dieu".
Il n'est pas un instant du jour où cette parole ne résonne et ne soit manifestée par la voix et le doigt de Dieu. Où ? Partout... Tout ne cesse de le dire. Depuis l'herbe jusqu'à l'étoile, de l'eau au feu, de la laine à la nourriture, de la lumière aux ténèbres, de la santé à la maladie, de la richesse à la pauvreté. Tout le dit : "Je suis le Seigneur. C'est par Moi que tu as ceci. Une de mes pensées te le donne, une autre te l'enlève. Il n'est pas d'armée puissante ni de défense qui puisse te faire échapper à ma volonté". Elle crie dans la voix du vent, elle chante dans le murmure de l'eau, elle se répand dans le parfum des fleurs. Elle se grave sur le sommet des monts. Elle murmure, elle parle, elle appelle, elle crie dans les consciences : "Je suis le Seigneur ton Dieu".

Ne l'oubliez jamais ! Ne fermez pas vos yeux, vos oreilles, n'étranglez pas votre conscience pour ne pas l'entendre, cette parole. Elle n'en existe pas moins. Le moment vient où sur le mur de la salle du festin, ou sur les flots déchaînés de la mer, sur les lèvres rieuses de l'enfant ou sur la pâleur du vieillard qui va mourir, sur la rose parfumée ou dans le tombeau fétide, elle arrive, écrite par le doigt de feu de Dieu. Il vient un moment où, dans l'ivresse du vin et des plaisirs, dans le tourbillon des affaires, dans le repos de la nuit, dans une promenade solitaire, elle élève la voix et dit : "Je suis le Seigneur ton Dieu" et cette chair que tu baises avidement, cette nourriture que tu avales goulûment, et cet or que ton avarice accumule, et ce lit où tu restes paresseusement, et le silence, et la solitude et le sommeil, rien ne peut la faire taire.

"Je suis le Seigneur ton Dieu", le Compagnon qui ne t'abandonne pas, l'Hôte que tu ne peux chasser. Es-tu bon ? Voici que l'hôte et compagnon est le bon Ami. Es-tu pervers et coupable ? Voilà que l'hôte et compagnon devient le Roi irrité et ne donne pas la paix. Mais Il ne quitte pas, ne quitte pas, ne quitte pas. Il n'est permis qu'aux damnés de se séparer de Dieu. Mais la séparation est le tourment inapaisable et éternel.

"Je suis le Seigneur ton Dieu" et j’ajoute "qui t'a tiré de la terre d'Égypte, de la maison de l'esclavage". Oh ! combien en vérité maintenant, je le dit avec justesse ! De quelle Égypte, de quelle Égypte te tire-t-Il pour t'amener à la terre promise qui n'est pas ce lieu-ci, mais le Ciel ! L'éternel Royaume du Seigneur où il n'y aura plus de faim ni de soif, de froid ni de mort, mais où tout ruissellera de joie et de paix, et où tout esprit sera rassasié de paix et de joie.

C'est à la vraie servitude que maintenant Il vous arrache. Voici le Libérateur. C'est Moi. Je viens briser vos chaînes. Tout dominateur humain peut connaître la mort, et par sa mort les peuples esclaves recouvrer leur liberté. Mais Satan ne meurt pas. Il est éternel. C'est le dominateur qui vous a mis dans les fers pour vous traîner où il le veut. Le péché est en vous et le péché est la chaîne par laquelle Satan vous tient. Je viens briser la chaîne. C'est au nom du Père que je viens et c'est aussi mon désir. C'est pour que s'accomplisse la promesse qui n'a pas été comprise : "Je t'ai tiré de l'Égypte et de l'esclavage".

C'est maintenant qu'elle a son accomplissement spirituel. Le Seigneur votre Dieu vous enlève à la terre de l'idole qui séduisit les Premiers Parents, Il vous arrache à l'esclavage de la faute, Il vous revêt de la Grâce, Il vous admet à son Royaume. En vérité je vous dis que ceux qui viendront à Moi pourront, dans la douceur de la voix paternelle, entendre le Très-Haut dire en leur cœur bienheureux: "Je suis le Seigneur ton Dieu qui t'attire à Moi libre et heureux".

Venez, Tournez vers le Seigneur votre cœur et votre visage, votre prière et votre volonté. L'heure de la Grâce est venue."

Jésus a terminé. Il passe en bénissant et en caressant une petite vieille et une enfant toute brune et toute rieuse.

"Guéris-moi, Maître. J'ai si mal !" dit le malade qui a la gangrène.

"L'âme d'abord. L'âme d'abord. Fais pénitence..."

"Donne-moi le baptême comme Jean. Je ne puis aller à lui. Je suis malade."

"Viens."

Jésus descend vers le fleuve qui est au-delà de deux prés très grands et d'un bois qui le cache. Il se déchausse, et de même l'homme qui s'est traîné là avec ses béquilles. Ils descendent à la rive et Jésus, faisant une coupe de ses deux mains réunies, répand l'eau sur la tête de l'homme qui est dans l'eau jusqu'à mi-jambe.

"Maintenant, enlève les bandes" commande Jésus pendant qu'il remonte sur le sentier.

L'homme obéit. La jambe est guérie. La foule crie de stupeur.

"Moi aussi !"

"Moi aussi."

"Moi aussi, le baptême de tes mains !" crient-ils, nombreux.

Jésus, qui est déjà à mi-chemin, se retourne :

"Demain. Maintenant partez et soyez bons. La paix soit avec vous."

Tout se termine et Jésus revient à la maison dans la cuisine déjà sombre bien que ce ne soient encore que les premières heures de l'après-midi.

Les disciples s'empressent autour de Lui. Et Pierre demande :

"Cet homme que tu as emmené derrière la maison, qu'est-ce qu'il avait ?"

"Besoin de purification."

"Il n'est pourtant pas revenu et n'a pas demandé le baptême."

"Il est allé où je l'ai envoyé."

"Où ?"

"À l'expiation, Pierre."

"En prison ?"

"Non, à la pénitence pour le reste de sa vie."

"Alors ce n'est pas avec l'eau qu'on purifie ?"

"Les larmes aussi, c'est de l'eau."

"C'est vrai. Maintenant que tu as fait un miracle, qui sait combien viendront !… Ils étaient déjà le double aujourd'hui..."

"Oui. Si je devais tout faire, je ne le pourrais pas. // C'est vous qui baptiserez. D'abord un à la fois, puis vous serez à deux, à trois, à plusieurs. Et Moi je prêcherai et je guérirai les malades et les coupables."

"Nous, baptiser ? Oh ! moi, je n'en suis pas digne ! Enlève-moi, Seigneur, cette mission ! C'est moi qui ai besoin d'être baptisé !"

Pierre est à genoux et supplie.

Mais Jésus se penche et dit :

"C'est justement toi qui baptiseras, le premier. Dès demain."

"Non, Seigneur ! Comment ferai-je si je suis plus noir que cette cheminée ?"

Jésus sourit de l'humble sincérité de l'apôtre qui est à genoux contre ses genoux, sur lesquels il tient jointes ses deux grosses mains de pêcheur. Ensuite, il le baise au front à la limite des cheveux grisonnants qui se hérissent plutôt qu'ils ne frisent : "Voilà. Je te baptise d'un baiser. Es-tu content ?"

"Je ferais tout de suite un autre péché pour avoir un autre baiser !"

"Pour ça, non. On ne se moque pas de Dieu en abusant de ses dons."

"Et à moi, tu ne donnes pas un baiser ? J'ai bien encore quelque péché." dit l'Iscariote.

Jésus le regarde fixement. Son regard si mobile passe de la lumière joyeuse qui l'éclairait pendant qu'il parlait à Pierre, à une ombre sévère, je dirais de lassitude, et il dit : "Oui... à toi aussi. Viens. Je ne suis injuste avec personne. Sois bon, Judas. Si tu voulais !... Tu es jeune. Toute une vie devant toi pour monter sans cesse jusqu'à la perfection de la sainteté..." et il le baise.

"À ton tour, maintenant, Simon, mon ami.
Et toi, Matthieu, ma victoire.
Et toi, sage Barthélemy.
Et toi, fidèle Philippe.
Et toi, Thomas, à la joyeuse volonté.
Viens. André à l'activité silencieuse.
Et toi, Jacques de la première rencontre.
Et maintenant toi, (Jean) joie de ton Maître.
Et toi. Jude, compagnon d'enfance et de jeunesse.
Et toi, Jacques, qui me rappelle le Juste dans ton physique et par ton cœur.
Voilà. tous, tous...
Mais rappelez-vous que si mon amour est multiple, il demande aussi votre bonne volonté. Un pas de plus en avant dans votre vie de mes disciples vous le ferez à partir de demain. Mais pensez que chaque pas en avant est un honneur, une obligation." //

"Maître... dit Pierre, un jour tu as dit à Jean, Jacques, André et moi, que tu nous aurais enseigné à prier. Je pense que si nous priions comme tu pries, nous pourrions être capables et dignes du travail que tu nous demandes."

"Je t'ai aussi répondu, alors : "Quand vous serez suffisamment formés, je vous apprendrai la prière sublime. Pour vous laisser ma prière. Mais elle aussi ne sera rien du tout si elle n'est dite qu'avec les lèvres. Pour l'heure, élevez-vous, avec l'âme et la volonté, vers Dieu. La prière est un don que Dieu concède à l'homme et que l'homme donne à Dieu"

"Et comment ? Nous ne sommes pas encore dignes de prier ? Israël tout entier prie..." dit l'Iscariote.

"Oui, Judas, mais tu vois, d'après ses œuvres comment prie Israël, Je ne veux pas faire de vous des traîtres. Qui ne prie qu'extérieurement sans dispositions intérieures, s'oppose au bien, c'est un traître."

"Et les miracles, demande toujours Judas, quand est-ce que tu nous les feras faire ?"

"Nous, des miracles, nous ? Miséricorde éternelle ! Nous buvons pourtant de l'eau pure ! Nous, des miracles ? Mais, garçon, tu divagues ?" Pierre est scandalisé, effrayé, hors de lui-même.

"Il nous l'a dit, en Judée. N'est-il pas vrai, peut-être ?"

"Oui, que c'est vrai. Je l'ai dit et vous en ferez. Mais tant que vous serez trop charnels, vous n'aurez pas de miracles."

"Nous ferons des jeûnes." dit l’Iscariote.

"Inutile. Par la chair, j'entends les passions dépravées, la triple faim et, dans le sillage de cette perfide trinité, la cohorte de ses vices... Pareils aux enfants d'une déshonorante bigamie, l'orgueil de l'esprit engendre, avec la convoitise de la chair et de la domination, tous les maux qui se trouvent dans l'homme et dans le monde."

"Nous, pour Toi, nous avons quitté tout ce que nous avions." réplique Judas.

"Mais pas vous-mêmes."

"Nous devons mourir, alors ? Pour être avec Toi, nous le ferons, moi, du moins..."

"Non. Je ne demande pas votre mort matérielle. Je demande que meurent en vous les tendances animales et sataniques, et elles ne meurent pas tant que la chair garde ses désirs, tant que le mensonge, l'orgueil, la colère, la fierté, la gourmandise, l'avarice, la paresse demeurent en vous. "

"Nous sommes tellement hommes à côté de Toi tellement saint !" murmure Barthélemy.

"Et il a toujours été aussi saint. Nous pouvons le dire." affirme le cousin Jacques.

"Lui sait comme nous sommes..., dit Jean. Nous ne devons pas être abattus pour cela. Mais Lui dire seulement : donne-nous, jour après jour, la force de te servir. Si nous disions : "Nous sommes sans péché" nous serions trompés et trompeurs. De qui donc ? De nous-mêmes qui savons ce que nous sommes, même si nous ne voulons pas le dire ? De Dieu que l'on ne trompe pas ? Mais si nous disons : "Nous sommes faibles et pécheurs. Viens à notre aide avec ta force et ton pardon" Dieu, alors, ne nous décevra pas, et dans sa bonté et sa justice, Il nous pardonnera et nous purifiera de l'iniquité de nos pauvres cœurs."

"Tu es bienheureux, Jean, puisque la Vérité parle par tes lèvres qui ont le parfum de l'innocence et ne donnent de baiser qu'à l'adorable Amour."

Ce disant, Jésus se lève et attire sur son cœur le préféré qui a parlé de son coin obscur.

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** Encore un geste de tendresse oublié par DGC ! Horreur, malheur ! Il faut incontinent l'en prévenir ! :)

---> Mais peut-être que l'auteur n'a pas juger bon de le citer, car il sentait que cela tournerait trop facilement en sa défaveur : en effet, combien de saints - à commencer par saint Paul ( Rom 12,15 )- ont pleuré avec ceux qui pleuraient, et ont serré dans leurs bras ceux qui avaient besoin de ce réconfort.

---> "C'est vrai. Maintenant que tu as fait un miracle, qui sait combien viendront !… Ils étaient déjà le double aujourd'hui..." "Oui. Si je devais tout faire, je ne le pourrais pas" :

---> Ce court échange entre Pierre et Jésus donne la clef de cet épisode : Jésus passait son temps à guérir les malades qui venaient à Lui en très grand nombre. Et s'Il s'était mis aussi à baptiser Lui-même les foules, il n'aurait pas suffit d'un seul Christ pour continuer tout ce ministère ! La tâche étant bien trop vaste, Jésus délégua celle de baptiser à ses disciples, conformément à Jean 4,2 : "À vrai dire, ce n’était pas Jésus en personne qui baptisait, mais ses disciples."

DGC :
En une matière aussi grave que le baptême – pensons à la ferveur apocalyptique du baptiste au Jourdain – on est frappé par la désinvolture des personnages, qui confine au ridicule – à moins de faire naître une inquiétude. Le spirituel, tel que l’entend Maria Valtorta, ne passe-t-il que par des gestes de tendresse et d’intimité humains ? Dans ce cas, pourquoi cette coutume, au lieu d’être établie comme règle dans l’Eglise, en est-elle fermement rejetée ? N’y a-t-il pas un danger, à diffuser cet ouvrage en en défendant un impossible caractère sacré, que des fidèles trouvent normale l’attitude intrusive ou impudique d’un directeur spirituel ?

1 ) Désinvolture ?

---> L'auteur est frappé d’égarement à cause de son orgueil, et ne sait même plus lire correctement un texte. Une petite « leçon pour les nuls » s’impose donc ici pour lui :

---> C’est ici en réalité tout l’inverse de la désinvolture, puisqu’il s’agit au contraire de la crainte excessive de Pierre et des apôtres qui, se sentant indignes de baptiser eux-mêmes, tremblent de devoir accomplir ce geste si incroyablement solennel, déterminant pour le salut des hommes…

---> Ce sur quoi, Jésus les rassure tendrement, et chasse leur crainte - et non sans un brin d’humour, pour tempérer le sérieux dont Il ne se départit jamais : « Voilà. Je te baptise d'un baiser. Es-tu content ?

---> Les apôtres iront donc baptiser, non parce que le baptême ne serait finalement pas grand chose, ni non plus parce qu'ils en seraient dignes, mais parce que ce sera leur mission de continuateurs du Christ, idée qui leur fait encore peur.

---> Or, des enfants qui ont peur ont besoin d'un baiser de leur papa pour les rassurer, ce que l'auteur qualifie de geste "ridicule", et on lui en laisse l'entière responsabilité.

---> De même, les chrétiens ne vont pas communier parce qu'ils en sont dignes, mais parce qu'ils en ont besoin. Et s'ils se sont confessés, ils n'ont pas besoin d'avoir peur de communier !

---> Cela n'a tellement rien à voir avec de la désinvolture, que les craintes de Pierre ressurgissent dès que Judas demande à Jésus de leur donner le pouvoir d'accomplir des miracles, comme Il l'avait promis.

---> Et Jésus, qui ne fait jamais rien à la légère, diffère encore de leur donner ce pouvoir : "Oui, que c'est vrai. Je l'ai dit et vous en ferez. Mais tant que vous serez trop charnels, vous n'aurez pas de miracles.", ce qui est encore une fois tout l'opposé de la désinvolture.

---> Si c’était vraiment de la « désinvolture » d’agir ainsi, alors : est-ce que cela en serait aussi de la part de la très sainte Vierge Marie, distribuant des baisers à chacune des petites voyantes, lors de l’apparition de l’Île-Bouchard ? La sainte Vierge aurait-elle donc le droit d'être une très tendre Mère avec les quatre petites voyantes, alors que le Christ n'aurait certainement pas le droit de se montrer un très tendre Père à l'égard de ses apôtres ?

---> Affirmant cela, c'est l'auteur lui seul qui se couvre de ridicule !

---> Si c'est de la désinvolture, alors en est-ce donc aussi quand la petite Thérèse de Lisieux, avec un fin trait d'humour non dissimulé, compare sa consécration religieuse à un sacrement de mariage avec le Christ, allant dans ses manuscrits jusqu'à publier un faire-part, comme pour tous les mariages normaux ici-bas ?

---> Manquerait-elle elle-aussi au respect dû aux sacrements, contrairement à l'exemple plein d'une solennelle gravité, donné par le Précurseur du Christ ?

---> Jean le Baptiste prêchait un baptême de repentir, et non d’amour unitif avec Dieu : « Jean le Baptiste ne mangeait ni ne buvait, alors que les pharisiens traitaient le Christ de glouton et d’ivrogne » ( Luc 7,33 ). Jamais on n’aurait rencontré le Précurseur du Christ à des noces, comme on y trouva Jésus, invité avec sa mère et ses disciples ( Jean 2 ), en raison du fait que lui n’était pas le Prophète de la Miséricorde, tout empreint de douceur, comme Jésus l’était.

2 ) Un baiser à caractère sacramentel ?

---> Pas davantage : DGC ne comprend pas le délicieux brin d’humour tempérant le sérieux de Jésus, et qui transparaît dans ce passage où le Christ compare son simple geste d’amour paternel visant à rassurer et à redonner confiance, avec un « baptême » pris au sens figuré, mais non pas sans une certaine raison cependant, quant à l’effet de ce baiser : car être certain d’être tendrement aimé par Dieu Lui-même donne le courage et l’audace pour tous les dépassements de soi.

---> Or, n’en est-il pas ainsi du Baptême et de l’Eucharistie ? Si vraiment le Dieu Incarné, Source de tous les Sacrements, nous embrasse de ses propres lèvres, ne sentons-nous pas nous pousser des ailes comme les apôtres, afin d’accomplir quelque mission que Jésus puisse nous confier ?

---> Si le Christ, pour pallier au fait de son absence visible, poussa l’inventivité de son Amour jusqu’à nous rejoindre dans l’Eucharistie sous des apparences comestibles afin d’être près de nous, en nous, et de nous combler ainsi de son tendre Amour malgré notre exil loin de Lui, l’Époux de nos âmes, comment aurait-Il pu se priver d’embrasser paternellement ses disciples, alors qu’Il le pouvait alors sans aucun obstacle, étant bien visiblement près d’eux, en chair et en os ?

---> Qui peut le plus peut aussi le moins, c’est absolument évident : sauf pour l’auteur.

3 ) Attitude intrusive ou impudique ?

---> Si tel est le cas, alors : que DGC pense à contacter au plus vite les hautes autorités ecclésiastiques, afin de faire définitivement interdire un livre aussi subversif que les manuscrits autobiographiques de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, où l'on apprend comment un évêque ( !!! ) combla de caresses une jeune fille ( !!! ) ( Thérèse, qui pleurait de ne pouvoir entrer aussitôt au Carmel ), qui en fut visiblement tellement traumatisée qu’elle ne put s’empêcher par la suite de "multiplier les scènes d’embrassades avec ses grandes sœurs", et cela au sein même de la clôture monastique du Carmel ! ( cf les derniers entretiens ).

---> Mais il n’y a rien à y faire : chassez l’abbé Guérin de l’esprit de DGC, et il revient aussitôt au galop ! Les baisers forcés, intrusifs et impudiques du fondateur de la communauté de saint Martin ont à ce point traumatisé ( personnellement ? ) l’auteur, que désormais : alors même qu’on voit pourtant Jésus embrasser les petits enfants ( Marc 10,16 ), ou bien encore recevoir le baiser de Judas ( Luc 22,47 ) – ce qui indique une certaine habitude dans ce geste du traître, perverti par ce dernier en cette occasion – , toute marque d’une chaste tendresse de la part de Jésus envers ses disciples sera interprétée comme un viol, comme une dérive homosexuelle ou sectaire, ou que sais-je

---> Les seuls qui auraient traité cette scène tellement candide et innocente d’ « intrusive et impudique » sont les mêmes qui traitèrent saint Jean Baptiste de « possédé » en raison de sa grande ascèse ( Luc 7,33 ) ! Nous arrivons grâce à DGC aux confins de l’absurde, vu l’évidence du caractère tellement innocent et bon enfant de cette scène si touchante, où Jésus manifeste avec tant de douceur ce qu’Il est : un vrai Père pour ses fils, au sens très fort du terme.

---> Le spirituel, dans l’œuvre de Maria Valtorta, ne passe certainement pas uniquement par des gestes de tendresse et d’intimité humains : c’est DGC qui isole volontairement ces derniers, pour en faire le recensement, afin de mieux ensuite s’en scandaliser d’une manière on ne peut plus stupide, sans même faire la moindre analyse du contexte.

---> Sans cesse, du début à la fin, cette œuvre monumentale relate tout ce qui est si incomparablement spirituel dans les Paroles et les actes du Christ, c’est même ce qui en fait le principal intérêt et motive le lecteur à la lire avec passion : le nier est aussi stupide que de ne pas voir un éléphant dans un couloir ! Mais quelle importance pour DGC : avec lui, "plus c’est gros, et plus ça passe".

---> La confusion de DGC devient totale, lorsqu’il se prend une nouvelle fois pour l’exemple même de ce que devait être le Christ sur la terre qui devrait, selon lui, ne servir de Modèle qu’à la vocation de « père spirituel bénédictin » : or nous avons déjà évoqué précédemment le fait que Jésus est le parfait Modèle pour toutes les nobles vocations humaines, y compris celle de père, de mère, d’époux ( même vécu très chastement, comme Marie et Joseph ), de prêtre bien sûr, de guide spirituel, d’exorciste, de missionnaire, de docteur, de martyr, etc…

---> Par exemple, Jésus ne répond pas aux pharisiens : « Tant que le directeur spirituel est avec eux, ses compagnons ne peuvent pas jeûner », mais bien plutôt : « Tant que l’Époux est avec eux, les compagnons de l’Époux ne peuvent pas jeûner, mais viendra un jour où Il leur sera enlevé, et alors : ils jeûneront » ( Matt 9,15 )

---> Or un père spirituel classique n'est pas l'Epoux !!! On n'entre pas en religion pour des "noces mystiques" avec son père spirituel ! Ce n'est pourtant pas bien difficile à comprendre.

---> Et non, voir le Christ, ce n’est pas voir DGC ( et réciproquement ). Car « Quiconque fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, celui-là m’est un frère, une sœur, une mère » ( Matt 12,50 ) et on peut rajouter aussi : « un ami » ( Jean 15,15 ).

---> Or si une mère n’embrassait jamais ses petits enfants, quel genre de mère dégénérée serait-ce donc là ? De même, un ami n’ayant jamais aucun geste concret de tendresse pour son ami, quel genre d’ « ami » serait-ce là ?

---> L’élitisme puritain et frigide de DGC éclate ici au grand jour : pour lui, l’Incarnation du Christ ne serait pas là pour servir d’Exemple suprême à tous les hommes, mais seulement au tout petit nombre des religieux choisis par le Christ pour diriger les âmes, et c’est tout : le reste de l'humanité ne serait guère plus semble-t-il qu'un troupeau de moutons bêlants, qu'il s'agirait de diriger avec fermeté.

---> Oui mais voilà : Jésus est précisément l'Agneau de Dieu, en même temps qu'Il est le Pasteur, sans mépris pour le reste du troupeau dont Il est le Modèle.

---> Or le Christ, davantage qu’un simple « directeur spirituel », est également ici, dans ce passage : l’Ami qui rassure et réconforte, le Père qui encourage et éduque tendrement, l’Époux qui peut se permettre - comme ici - tout ce qui ne blesse pas sa chasteté absolue.

---> Encore une fois : Jésus avait des passions humaines parfaites, sans péché, et il était donc normal qu’Il s’en serve dans la très juste mesure où on Le voit le faire au fil de l’œuvre : autrement, son Incarnation en aurait été amputée d’autant, et Il aurait été d’autant moins Homme, ce qui serait absurde. Jamais homme n’a été davantage Homme que Jésus : Il ne s’est pas incarné, pour dénoncer ensuite le fruit de son Incarnation - ses passions humaines - comme étant mauvaises.

---> « Aimez-vous les uns les autres comme Je vous ai aimé » ( Jean 15,12 ), nous commande Jésus : ainsi, les directeurs spirituels religieux trouveront en Lui le Modèle parfait de leur si utile et belle vocation, mais sans pour autant imiter tous ses gestes de tendresse, car ces personnes, bien que consacrées, sont toujours concernées par le péché, et leur rôle n’est pas de fonder une famille : ils ont un évident devoir de réserve, afin de ne pas empiéter sur l’amour que l’on doit au Christ.

---> Personne ne peut prétendre ( comme DGC ) résumer à lui tout seul ce qu'est le Christ, et le prêtre n’agit « in Personna Christi » fort heureusement que lorsqu’il consacre et dispense les sacrements : autrement, il faudrait passer son temps à l’adorer, or on n'adore pas le pauvre homme pécheur qu'il ne cesse d'être, malgré son sacerdoce.

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Conclusion :

---> Dans le dossier des « gestes ambigus » de l’EMV, il n'y a en réalité : strictement rien.

---> C'est bien peu de chose ( rien ), par rapport à ce que nous assurait DGC !

---> Pour lui, c'est un flop retentissant.

Dans le prochain volet, nous allons voir l'auteur :

---> s'attaquer sans motif à la vocation d'une jeune fille, désirant renoncer au mariage pour se consacrer à l'Amour du Christ

---> et de même, à celle d'une autre vierge consacrée, pour l'innocent motif qu'elle baiserait les pieds de Jésus, ce qui constituerait « un acte inacceptable de sensualité » !
 

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