La ville de Tarichée : objection du père Béa
"Méfiez-vous des faux prophètes qui viennent à vous déguisés en brebis, alors qu’au-dedans ce sont des loups voraces. C’est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez."

Une nouvelle occasion de vérifier la parfaite cohérence de l'EMV
L'objection de Béa, reprise telle quelle par Maillard :
" La ville de Tarichea est localisée par l'auteur avec beaucoup d'auteurs antiques, à l'angle méridional du lac de Tibériade ( plein sud, là où le Jourdain sort du lac pour reprendre son cours vers la mer Morte.), alors qu'aujourd'hui il est certain qu'elle correspond à l'actuelle ville moderne "el Medsh" ( Magdala ) au Nord de Tibériade ( et non pas à l'angle sud de Tibériade ) ".
Examinons les hypothèses sur la localisation de Tarichée :
1. Tarichée dans la tradition
---> Plusieurs savants des XIXᵉ et début XXᵉ siècles situaient Tarichée précisément dans cette zone méridionale, souvent près de Khirbet Kerak (à l’extrémité sud du lac).
Leur raisonnement :
Flavius Josèphe décrit une bataille navale sur le lac, liée à Tarichée → il fallait donc un grand port.
Il évoque aussi une plaine fertile près du Jourdain, ce qui correspond bien au sud.
D’où l’identification classique, selon laquelle Tarichée est la ville portuaire à l’angle sud du lac.
2. Opposition avec Magdala
Plus tard, les fouilles archéologiques à Magdala (el-Mejdel, au nord-ouest) ont révélé des installations de pêche et de salaison, et comme "Tarichée" veut dire en grec "poisson salé", cela a amené beaucoup d’archéologues modernes à dire : « Non, Tarichée était en fait Magdala. »
Mais cela reste discuté, car certains textes semblent mieux correspondre à l’angle sud.
---> De plus, il devait y avoir beaucoup de sècheries de poissons tout autour du lac, du temps de Jésus ! Donc, la pertinence de l'identification de Tarichée avec Magdala n'est pas du tout une évidence : c'est juste une nouvelle hypothèse des archéologues du temps de Béa.
---> Donc, quand on lit que "Maria Valtorta situe Tarichée à l’angle méridional du lac de Tibériade", cela signifie qu’elle se range du côté de cette ancienne tradition savante qui voyait Tarichée au sud, près de la sortie du Jourdain.
Que penser donc de l'objection de Béa ?
Le cas de Tarichée (Ταριχαῖα) est discuté depuis longtemps par les historiens et les exégètes, et c’est l’un des points sur lesquels certains critiques de Maria Valtorta cherchent à montrer une « inexactitude ».
1. Les sources antiques
Flavius Josèphe (Guerre des Juifs, III, 10, 1) situe Tarichée sur le lac de Génésareth, près de Tibériade. Mais les indications géographiques de Josèphe ne sont pas toujours limpides, et certains passages semblent plutôt la placer au sud du lac, vers l’embouchure du Jourdain.
D’autres traditions, notamment certains géographes byzantins, ont assimilé Tarichée à Magdala, sur la rive occidentale, au nord de Tibériade.
L’étymologie même de Tarichée vient du grec tarichos = « poisson salé, poisson mariné », ce qui suppose un port de pêche et un centre de conservation du poisson — ce qui convient à plusieurs endroits autour du lac.
2. Les localisations modernes
---> Les archéologues contemporains penchent plutôt pour une identification de Tarichée avec Magdala (el-Mejdel / el-Medsh), au nord-ouest du lac, en lien avec les fouilles qui révèlent un centre important à l’époque de Jésus (synagogue, installations de pêche et de salaison).
---> L’hypothèse sud (près de l’actuelle Khirbet Kerak ou même à l’angle méridional du lac) a cependant été longtemps défendue, surtout parce que Josèphe parle d’une bataille navale et d’une grande plaine proche du Jourdain, ce qui correspond mieux au sud.
---> L'ancienne hypothèse n'est donc en rien balayée par la nouvelle.
3. Application au cas de Maria Valtorta
---> Les descriptions de Maria Valtorta suivent en fait la tradition la plus répandue au XIXᵉ – début XXᵉ siècle, qui situait Tarichée au sud du lac.
---> De nombreux commentateurs antiques et modernes l’avaient adoptée avant les fouilles récentes qui n'ont rien apporté de décisif pour contredire cette tradition, puisqu'elles ont uniquement permis de découvrir que Magdala était une sècherie de poissons : ce qui n'en fait certainement pas Tarichée pour autant !
---> Les critiques qui disent : « elle se trompe, car on sait aujourd’hui que Tarichée, c'est Magdala » oublient donc un point important : Elle n’a pas inventé une thèse personnelle, mais elle ne fait que confirmer une hypothèse connue depuis très longtemps.
Par ailleurs, même actuellement, il subsiste des débats : certains archéologues pensent encore qu’il y a eu deux Tarichées (ou une confusion de sites), ce qui relativise la critique.
4. En conclusion
---> Ce n’est pas une contradiction rédhibitoire contre l’œuvre de Maria Valtorta.
Elle reflète un choix de localisation conforme à ce qu’avaient dit Josèphe (lu de manière traditionnelle) et beaucoup d’auteurs : elle suit une tradition antique et savante déjà existante.
En résumé, l’argument géographique des critiques est faible : l’identification de Tarichée n’est pas définitivement tranchée par les archéologues.
Mais il faut maintenant aller plus loin, et examiner la pertinence évangélique de cette localisation :
---> Maria Valtorta situe la première multiplication des pains à Tariché.
---> Or si cette ville était en réalité Magdala, tout près de Tibériade ( une contrée romaine très prisée ), on se demande vraiment comment 5000 hommes auraient pu se rassembler sous le nez des autorités romaines sans que cela ait pu être considéré par elles comme une sédition, ou au minimum un trouble à l'ordre public !
---> Alors que si Tariché se situe bien au sud du lac de Tibériade, cela ne posait aucun problème. N'est-ce pas cohérent ?
---> Voici un point vraiment intéressant, où la critique géographique se retourne en fait en faveur de la cohérence de l’œuvre de Maria Valtorta.
1. La situation, si Tarichée est en réalité Magdala (nord-ouest, près de Tibériade)
Magdala/Mejdel est à quelques kilomètres seulement de Tibériade, la ville nouvelle d’Hérode Antipas, construite comme capitale administrative et centre gréco-romain.
C’était un lieu fréquenté par des officiers, soldats et fonctionnaires.
Or, une foule de 5 000 hommes (sans compter femmes et enfants !) rassemblée en masse autour d’un prédicateur charismatique aurait inévitablement attiré l’attention et provoqué :
---> soit une intervention immédiate des autorités locales,
---> soit au minimum une surveillance stricte.
Cela paraît donc difficilement compatible avec les récits évangéliques, où l’épisode se déroule sans interruption, dans une atmosphère de liberté et de ferveur.
2. La situation, si Tarichée est en réalité au sud du lac (vers l’embouchure du Jourdain)
Là, on est beaucoup plus à l’écart des centres urbains, dans une zone de plaines et de collines plus isolée.
Les foules venant des villages alentour pouvaient s’y réunir sans attirer immédiatement l’attention des Romains ou d’Hérode Antipas.
Cela correspond parfaitement au ton des Évangiles :
---> Jésus entraîne les foules « dans un lieu désert » (Mc 6,31).
---> Les apôtres eux-mêmes paraissent surpris par la grandeur de la foule, ce qui suppose qu’elle n’était pas canalisée ou contrôlée.
---> Du point de vue stratégique et narratif, cet emplacement rend beaucoup plus vraisemblable l’événement.
3. Conséquence pour l’évaluation de Valtorta
Si Maria Valtorta « voit » la multiplication des pains à Tarichée au sud, elle résout en fait une tension historique et politique que posent les localisations modernes (Magdala).
Ce choix, loin d’être une « erreur », apporte une cohérence supplémentaire entre le récit évangélique et le contexte politico-romain.
On pourrait presque dire que son témoignage visionnaire anticipe une objection de bon sens que les exégètes modernes soulèvent à propos de Magdala :
"comment un tel rassemblement n’aurait-il pas déclenché une réaction des autorités ?"
Conclusion :
---> En situant Tarichée au sud du lac, Maria Valtorta propose une localisation beaucoup plus plausible pour un tel rassemblement massif et pacifique. Cela montre que son œuvre n’est pas incohérente mais, au contraire, harmonise l’histoire évangélique avec les contraintes du contexte.
Pertinence évangélique de la localisation
La première des deux multiplications des pains est rapportée par les quatre évangélistes en des termes très similaires. Elle s’insère dans une chronologie d’évènements :
1 – On vient annoncer à Jésus le décapitation de Jean-Baptiste. Jésus se trouve alors dans une ville non précisée, mais sans doute habituelle.
2 - Il invite les apôtres à venir à l’écart pour prendre le temps de souffler. Ils partent en barques dans un endroit désert où a lieu la première multiplication des pains dont bénéficient une foule de cinq mille hommes, sans compter les femmes et les enfants. Ils sont venus à pieds, parfois en courant, de "leurs villes".
3 - La nuit venue, Jésus se retire sur une "montagne" pour prier pendant que les apôtres partent en barque "sur l’autre rive", en ramant contre un vent contraire qui se transforme en bourrasque. Jésus les rejoint en marchant sur les eaux alors qu’ils ont parcourus 5 km et apaise la tempête.
4 - Ils accostent à : Génésareth (Matthieu et Marc), "là où ils se rendaient" (Jean).
5 - Le lendemain la foule restée sur le lieu de la multiplication des pains constate l’absence de Jésus et de ses disciples. Ils utilisent des barques venues de Tibériade pour les rejoindre à Capharnaüm. C’est là que Jésus prononcera le discours sur le Pain du Ciel, ce qui provoquera la défection d’un grand nombre de disciples.
On voit donc que le lieu de la première multiplication des pains est sur une rive opposée à Génésareth et à Capharnaüm. Ce qui exclut sa localisation dans la région de Bethsaïde retenue par Luc et par la tradition à sa suite.
Si la foule dépitée se précipite à Capharnaüm c’est que la ville est connue comme le lieu habituel où prêche Jésus, ce que confirme l’Évangile. C’est de cette ville qu’il part dans un endroit désert sur la rive opposée, là où le lac se déverse dans le Jourdain.
Au retour les apôtres rament à contre-courant contre "un vent contraire". C’est la caractéristique du vent dominant de nuit qui descend du plateau du Golan : des vents d’est/nord-est qu’ils prennent de face. Au retour, ils remontent péniblement vers Génésareth entre Magdala et Capharnaüm, sans doute comme une étape de repos avant de rejoindre Capharnaüm comme le précise l’Evangile de Jean.
C’est au sud du lac, à l’embouchure du Jourdain, que se trouve Tarichée et ses étendues herbeuses et marécageuses capables d’accueillir dans un "désert" une foule de plusieurs milliers de personnes descendues à pied, "parfois en courant" des "villes" de la côte ouest du lac : Capharnaüm, Magdala, Tibériade. Une localisation au nord-ouest du lac aurait rendu superflue la mention d’un désert et de villages, car cette région est la plus peuplée.
Proche de Tarichée se trouvent aussi des rives escarpées, la "montagne" où va prier Jésus avant de marcher sur les eaux. Une marche plus rapide que la rame à contre-courant.
Le nom de Tarichée a été rattaché récemment, par l'exégèse contemporaine, à la ville de Magdala car c’était une antique dénomination. Mais des sècheries de poissons (ce que signifie Tarichée) sont certainement nombreuses sur le pourtour du lac, c’est pourquoi les auteurs anciens situaient Tarichée tantôt au nord de Tibériade, tantôt au sud : ce que retient Maria Valtorta pour la première multiplication des pains. Ce lieu retenu par Maria Valtorta en pleine cohérence avec les récits évangéliques est bien dénommé Tarichée comme le démontre la carte de 1903.
Conclusion générale
L'objection de Béa vient de tomber au champ d'honneur. Si cependant Maillard la propage, c'est qu'il vit avec 90 ans de retard. Il n'y a rien d'autre à ajouter.