Des « gestes ambigus » dans l’EMV ?
 

Selon DGC, l'oeuvre en serait saturée !
 

Pour lui en effet, et sans aucun doute possible, certains gestes d’intimité dont il voit - mais par quel prodige ? - le récit de l’EMV souvent saturé, seraient ambigus, et ceci :

1 ) Parce qu'ils contrediraient dans les faits la recherche de la purification de l’amour possessif, prônée par le Christ,

2 ) Et parce que notamment le baiser de Jésus à Abel éveillerait - mais sans cause véritable - chez l'auteur le souvenir fâcheux des baisers forcés reçus par des séminaristes de la communauté sacerdotale saint Martin, de la part du fondateur, l’abbé Jean-François Guérin ( 1929, + 2005 ).

---> Nous allons facilement comprendre en quoi ces deux raisons sont totalement irrecevables, en suivant maintenant DGC dans le massacre qu’il fait de quatre merveilleux passages de l’œuvre.

---> Car, afin d'exclure tout doute sur son accusation, voici comment procède l’auteur :

1 ) Une décontextualisation systématique des citations :
 

---> Il s’agit en effet de créer la confusion, un sentiment d’ambiguïté chez le lecteur : or, le contexte de l’œuvre permet à chaque fois de justifier complètement les actes du Christ ; il faut donc simplement le gommer, afin si possible de provoquer le scandale.
 

2 ) L'affirmation que le Christ ne serait le Modèle que pour une seule vocation : celle de "maître des novices bénédictin" extrêmement réservé vis-à-vis de tous.

---> Et ainsi : Jésus ne serait en aucune façon le Modèle universel pour toutes les nobles vocations humaines.

---> L’Incarnation du Verbe serait une chose bien trop noble et sérieuse pour qu'elle concerne davantage que le seul petit nombre des religieux contemplatifs, et plus spécialement parmi eux : des directeurs spirituels, leur servant d’exemple à eux exclusivement, et sans jamais manifester aucun affect humain réputé suspect.

---> Pour DGC, faire croire cela est absolument capital : car autrement, qu'il s’interdise certains gestes de tendresse vis-à-vis de ses subalternes en raison de sa vocation spécifique ne suffirait plus du tout à prouver que le Christ ne les ait jamais pratiqués Lui-même. Et ainsi, ce seraient toutes les accusations de l’auteur qui tomberaient à plat.
 

3 ) La confusion entre l’amour possessif et la tendresse en acte chez le Christ :
 

---> L'auteur trouve donc juste et approprié d'organiser une sorte de « chasse aux gestes de tendresse » dans l'oeuvre, en laissant croire qu'ils seraient tout à fait scandaleux, sans aucune raison d’être dans une œuvre parlant de la Vie du Christ, Lui qui est pourtant le « Dieu de tendresse et de Pitié, lent à la colère, plein d’Amour et de Vérité » ( ps 85,15 ), qui est « aussi tendre pour qui le craint, qu’un père est tendre pour ses fils » ( ps 102,13 ).

---> DGC a beaucoup travaillé pour soigner chacune de ses illusions, laissons-lui donc au moins le loisir de les exposer :

 

DGC :
"Cette dernière mention introduit à une nouvelle réflexion. Quoique disert sur l’amour possessif dont il faut être purifié ou guéri, le personnage central de l’Évangile tel qu’il m’a été révélé multiplie les gestes ambigus avec ses disciples, au point que le récit en est parfois saturé. Les gestes d’intimité constants sont difficilement explicables même par un contexte « oriental ».

Nous en rapportons ici quelques-uns, que nous laissons à l’appréciation de chacun. Tous les personnages baisent constamment les pieds de « Jésus »,
 

---> Si l’appétit vient en mangeant, il semblerait que l’appétit de mentir vienne en mentant, chez DGC : en effet dans l’EMV, environ 96% des personnages ne baisent pas les pieds du Christ, lorsqu'ils le rencontrent. Ce mensonge de l’auteur est donc tellement factuel qu’il n’est même pas la peine de s’y arrêter.

---> Les gestes de Jésus dans l’EMV sont toujours dénués de toute ambiguïté : et si ces gestes du Christ n’existaient pas, alors on pourrait raisonnablement douter de la toute puissance de l’Amour - dont Jésus est rappelons-le l’Incarnation -, Amour qui alors, ne serait même pas capable de se manifester humainement dans toute sa force, sinon en péchant immanquablement, ce qui est une absurdité.

---> Il faudrait vraiment avoir « de la matière » dans les yeux pour voir dans ces gestes de tendresse du Christ ne serait-ce qu’une ombre d’impureté, comme nous aurons l’occasion de le constater par nous-mêmes.

---> Ces gestes sont tout à fait explicables par le contexte oriental, n’en déplaise à DGC qui n’y connaît à l’évidence strictement rien. Les chrétiens orientaux, par exemple, ne cessent de se prosterner devant les icônes qui figurent la Présence réelle du Christ et des saints, et de les embrasser, au niveau des pieds ou du visage, selon la dévotion de chacun.

---> Si l’on agit ainsi pour de simples images, qu’en serait-il pour l’Original rendu visible !

---> Quant à l’Occident, il suffit de voir le degré d’usure des pieds des statues de saint Pierre, dans certaines églises, pour se rendre compte que la dévotion des croyants n’y est certainement pas en reste.
 

 

 

"... ou plus encore : [Un esclave muet qui vient d’être guéri] tombe par terre en pleurant de joie et il lèche, il lèche vraiment les pieds nus de Jésus, comme pourrait le faire un chien reconnaissant. (VIII, 24, 201)"
 
 

---> Voici donc le summum de ce que je décrivais en introduction : le contexte du récit est ici purement et simplement supprimé, ce qui rend l’interprétation correcte impossible.

---> Le sentiment que donne cette citation truquée par DGC, est que Jésus prendrait finalement le même plaisir à se faire lécher les pieds par cet esclave miraculé, qu’un client d’une « fish-pédicure » en prendrait à tremper ses pieds dans l’aquarium, pour laisser les petits poissons le débarrasser de ses peaux mortes !

---> Et si le lecteur en arrivait à se scandaliser de ce que Jésus donne son plein consentement à cette scène apparemment dégradante pour l’espèce humaine : alors le tour serait joué.

---> Cependant, nous avons l’antidote imparable à cette grossière illusion, consistant à lire le passage de l'EMV dans son intégralité : on y découvrira entre autre que l’esclave en question avait eu la langue coupée, et que le miracle opéré par le Christ fut précisément de la lui faire repousser ! Ce qui nous allons le voir, a une importance capitale dans cette affaire.

Contexte :

---> Un groupe de faux disciples, envoyés par le sanhédrin, répandent dans la petite ville de Sichem de faux témoignages, comme quoi il faudrait se constituer en force armée pour défendre Jésus qui serait un roi attaqué par le Temple et chercherait protection.

---> La ruse est habile : beaucoup d'honnêtes samaritains les croient, et se sentent même honorés d'être choisis pour défendre le grand roi, sans savoir que c'est ce que cherchent ces gens maléfiques, à savoir déclencher une sédition armée, et ensuite s'en prendre à Jésus, l’accusant d'en être le responsable, et d'avoir recherché les honneurs et la gloire d'ici-bas.

---> Claudia Procula, une riche et puissante dame romaine qui croit en Jésus, l'apprend, et sur un moment de doute, interprète cela comme une perte de ses pouvoirs par le Christ ( comme elle sait que cela arrive chez les dieux de l'Olympe ).

---> Pour en avoir le cœur net, elle vient Le chercher dans le lieu où Il s'est retiré pour prier, et Lui amène son esclave mutilé pour le mettre à l'épreuve...

EMV 563 – Une guérison dont on pourrait bien dire avec un brin d’humour « qu’elle a du chien » , celle de l’esclave noir d’une riche dame romaine
En rouge entre les // : la citation de DGC )

(…) (...)
L'homme revient et fait son rapport. La litière se remet en route. Le char reste où il est. Les soldats suivent la litière jusqu'au bord du torrent et ils barrent le chemin. La litière s'en va seule le long du cours d'eau jusqu'à la hauteur de la petite île qui, au cours de la saison, est devenue très boisée : c'est un fourré impénétrable de verdure, surmonté par le fût et la chevelure argentée du peuplier. Un ordre, et la litière passe le petit cours d'eau, où entrent les porteurs avec leurs vêtements courts. Claudia Procula en descend avec une affranchie, et Claudia fait signe à un esclave noir qui escorte la litière de la suivre. Les autres reviennent sur la rive.

Claudia, suivie des deux, pénètre dans la toute petite île en se dirigeant vers le peuplier qui domine au centre. Les hautes herbes étouffent le bruit des pas. Elle arrive ainsi là où se trouve Jésus tout absorbé, assis au pied de l'arbre. Elle l'appelle en s'avançant seule alors que d'un geste impérieux elle cloue sur place là où elles sont restées ses deux personnes de confiance.

Jésus lève la tête, et se lève tout de suite en voyant la femme. Il la salue tout en restant pourtant debout contre le tronc du peuplier. Il ne manifeste ni étonnement, ni ennui ou indignation de l'intrusion.

Claudia, après avoir salué, expose tout de suite le sujet :

"Maître, il est venu chez moi, ou plutôt chez Ponce, certaines gens... Je ne fais pas de longs discours. Mais puisque je t'admire, je te dis, comme je l'aurais dit à Socrate s'il avait vécu de nos jours, ou à quelque homme vertueux injustement persécuté : "Moi, je n'ai pas beaucoup de pouvoir, mais je ferai ce que je puis". Et pour l'instant je vais écrire où il m'est possible pour qu'on te protège et pour qu'aussi on te rende... puissant. Il y a sur des trônes ou dans de hautes situations tant de gens qui ne les méritent pas..."

" Domina, je ne t'ai pas demandé d'honneurs ni de protections. Que le vrai Dieu te récompense pour ta pensée. Mais donne tes honneurs et ta protection à ceux qui la désirent vivement. Moi je n'y aspire pas."

"Ah ! voilà ! C'est ce que je voulais ! Alors, tu es vraiment le Juste que je pressentais ! Et les autres, tes indignes calomniateurs ! Ils sont venus nous trouver et..."

"Inutile que tu parles, ô domina. Je sais."

"Sais-tu aussi ce que l'on dit : qu'à cause de tes péchés tu as perdu tout pouvoir et que c'est pour cela que tu vis ici, rejeté ?"

"Cela aussi, je le sais. Et je sais que cette dernière chose, tu l'as crue plus facilement que la première, car ta mentalité païenne est capable de discerner la puissance humaine ou la bassesse humaine d'un homme, mais tu ne peux encore comprendre ce que c'est que le pouvoir de l'esprit. Tu es... désillusionnée de tes Dieux qui dans vos religions se manifestent en de continuelles oppositions et avec un pouvoir si fragile, sujet à de faciles interdictions à cause des désaccords entre eux. Et tu crois qu'il en est ainsi même du Dieu vrai. Mais il n'en est pas ainsi. Tel j'étais quand tu m'as vu la première fois guérir un lépreux et tel je suis maintenant. Et tel je serai quand je semblerai tout à fait détruit.
Celui-ci, c'est ton esclave muet, n'est-ce pas ?"

"Oui, Maître."

"Fais-le avancer."

Claudia pousse un cri, et l'homme s'avance et se prosterne contre le sol entre Jésus et sa Maîtresse. Son pauvre cœur de sauvage ne sait qui honorer davantage. Il a peur de se faire punir en vénérant le Christ plus que sa Maîtresse, mais malgré cela, en jetant d'abord un regard suppliant vers Claudia, il répète le geste qu'il a fait à Césarée : il prend le pied nu de Jésus dans ses deux grosses mains noires et, se jetant le visage contre le sol, il met le pied sur sa tête.

"Domina, écoute. Selon toi, est-il plus facile de conquérir seul un royaume ou de faire renaître une partie du corps qui n'existe plus ?"

"Un royaume, Maître. La fortune aide les audacieux, mais personne, sauf Toi, ne peut faire renaître un mort et rendre des yeux à un aveugle."

"Et pourquoi ?"

"Parce que... Parce que Dieu peut tout faire."

"Alors, pour toi, je suis Dieu ?"

"Oui... ou, du moins, Dieu est avec Toi."

"Est-ce que Dieu peut être avec quelqu'un qui est mauvais ? Je parle du vrai Dieu, non de vos idoles qui sont des délires de celui qui cherche ce dont il sent l'existence sans savoir ce que c'est, et se crée des fantômes pour assouvir son âme."

"Non... dirais-je. Non. Je ne dirais pas. Nos prêtres eux-mêmes perdent leur pouvoir quand ils tombent dans une faute."

"Quel pouvoir ?"

"Mais... celui de lire dans les signes du ciel et dans les réponses des victimes, dans le vol, dans le chant des oiseaux. Tu sais... Les augures, les haruspices..."

"Je sais. Je sais. Eh bien ? Regarde. Et toi lève la tête et ouvre la bouche, ô homme, qu'un cruel pouvoir humain a privé d'un don de Dieu. Et par la volonté du Dieu vrai, unique, Créateur des corps parfaits, aie ce que l'homme t'a enlevé."

Il a mis son doigt blanc dans la bouche ouverte du muet.

L'affranchie curieuse ne sait pas rester là où elle est, et elle s'avance pour regarder. Claudia est toute penchée pour observer.

Jésus enlève son doigt en criant :

"Parle, et sers-toi de la partie qui est née de nouveau pour louer le Dieu vrai."

Et à l'improviste, comme une sonnerie de trompette, d'un instrument jusqu'alors muet, répond un cri, guttural, mais net : "Jésus !" et le noir // tombe par terre en pleurant de joie et il lèche, il lèche vraiment les pieds nus de Jésus, comme pourrait le faire un chien reconnaissant. //

"Ai-je perdu mon pouvoir, domina ? À ceux qui l'insinuent, donne cette réponse. Et toi, lève-toi et sois bon en pensant combien je t'ai aimé. Je t'ai eu dans mon cœur depuis les jours de Césarée. Et avec toi tous tes pareils, regardés comme une marchandise, regardés comme inférieurs à des brutes alors qu'à cause de votre conception vous êtes des hommes et égaux à César, peut-être meilleurs par la volonté de votre cœur...
Tu peux te retirer, domina, il n'y a rien d'autre à dire."

"Si. Il y a autre chose. Il y a que j'avais douté... Il y a que moi, avec douleur, je croyais presque à ce que l'on disait de Toi. Et pas seulement moi. Pardonne-nous toutes, moins Valeria, qui a toujours gardé sa conviction et même s'y ancre de plus en plus. Et accepte mon cadeau : l'homme. il ne pourrait plus me servir maintenant qu'il a la parole, et aussi mon argent."

"Non. Ni l'un, ni l'autre."

"Tu ne me pardonnes pas, alors !"

"Je pardonne même à ceux de mon peuple, doublement coupables de ne pas me reconnaître pour ce que je suis. Et ne devrais-je pas vous pardonner à vous, vides comme vous l'êtes de toute connaissance divine ? Voilà : j'ai dit que je n'acceptais pas l'argent et l'homme.

Maintenant je prends l'un et l'autre et avec l'un j'affranchis l'autre. Je te rends ton argent parce que j'achète l'homme et je l'achète pour le rendre à la liberté, pour qu'il aille dans son pays pour dire qu'il est sur la Terre Celui qui aime tous les hommes, qu'il les aime d'autant plus qu'il les voit plus malheureux. Prends ta bourse."

"Non, Maître, elle t'appartient. L'homme est libre aussi. Il est à moi, je te l'ai donné. Tu le libères. Pas besoin d'argent pour cela."

"Et alors... Tu as un nom ?" demande-t-il à l'homme.

"Nous l'appelions Callixte, par dérision. Mais quand il fut pris..."

"Peu importe. Garde ce nom et rends-le vrai en devenant très beau dans ton esprit. Va ! Sois heureux puisque Dieu t'a sauvé."

Aller !

Le noir ne se lasse pas de le baiser et de dire : "Jésus ! Jésus !" et il se met encore le pied de Jésus sur la tête en disant : "Toi, mon seul Maître."

"Moi, ton vrai Père. Domina, tu te chargeras de lui pour qu'il retourne dans son pays. Sers-toi de l'argent pour cela et que le surplus lui soit donné. Adieu, domina, et n'accueille plus jamais les voix des ténèbres. Sois juste et sache me connaître. Adieu, Callixte. Adieu, femme."

Et Jésus met fin à l'entretien et passe en sautant au-delà du torrent, du côté opposé à celui où est arrêtée la litière, et il s'enfonce dans les buissons, les saules et les roseaux.

Claudia rappelle les porteurs et, pensive, remonte dans la litière. Mais si elle garde le silence, l'affranchie et l'esclave affranchi parlent pour dix, et les légionnaires eux-mêmes perdent leur allure de statues devant le prodige d'une langue qui est née de nouveau. Claudia est trop pensive pour commander le silence. À moitié allongée dans la litière, le coude appuyé sur les oreillers, la tête appuyée sur sa main, elle n'entend rien. Elle est absorbée. Elle ne s'aperçoit même pas que l'affranchie n'est pas avec elle, mais parle comme une pie avec les porteurs alors que Callixte parle avec les légionnaires qui, s'ils gardent leurs rangs, ne gardent plus le silence. L'émotion est trop grande pour qu'ils le fassent !

En refaisant le chemin, ils se trouvent à la bifurcation pour Béthel et Rama. La litière quitte Éphraïm pour se joindre au reste du défilé.
(...)
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Bilan :

---> Nous constatons bien qu'il était absolument indispensable de connaître le contexte pour bien comprendre ce passage. Comme en particulier ce qui suit :

« Claudia pousse un cri, et l'homme s'avance et se prosterne contre le sol entre Jésus et sa Maîtresse. Son pauvre cœur de sauvage ne sait qui honorer davantage. Il a peur de se faire punir en vénérant le Christ plus que sa Maîtresse, mais malgré cela, en jetant d'abord un regard suppliant vers Claudia, il répète le geste qu'il a fait à Césarée : il prend le pied nu de Jésus dans ses deux grosses mains noires et, se jetant le visage contre le sol, il met le pied sur sa tête. »

---> En réalité, nous avons donc affaire ici à un pauvre esclave noir, ayant toujours été considéré et traité comme une marchandise animale, probablement depuis sa naissance.

---> Son intelligence et son estime de lui-même sont donc gravement atrophiées, davantage encore que son corps dont la langue a été mutilée par les hommes : son geste primitif de soumission le prouve très clairement.

---> En une seule action, Jésus accomplit deux choses : il montre à Claudia qu’Il n’a pas perdu son pouvoir divin comme elle en avait peur, et il opère un immense bienfait en faveur de l’esclave, en lui redonnant sa langue et l’usage de la parole.

---> On peut s’imaginer assez facilement la joie que l’esclave doit ressentir alors, et on comprend bien que, vu son niveau intellectuel de départ, il ne puisse sur le moment trouver rien d’autre pour exprimer sa gratitude que ce « geste canin » de lécher les pieds de l’Auteur du miracle, cherchant ainsi à L’honorer par l’activité de cet organe que Jésus vient de faire repousser miraculeusement dans sa bouche.

---> De même qu’un chien rend grâce à Dieu de l’avoir créé, lorsque mû par son instinct, il lèche joyeusement la main de son maître humain, ainsi ce pauvre esclave, depuis toujours rabaissé au rang d'un animal, trouva spontanément cet unique moyen pour louer Dieu, en se comportant comme un petit chien affectueux à l’égard de Jésus : il ne pouvait encore rien faire de mieux.

---> Mais ses progrès durent être fulgurants par la suite.

---> Ceux qui sont portés à accepter humblement parfois d’être comparés aux petits chiens - comme notamment la femme Syrophénicienne ( Marc 7,26 ) - n’ont-ils pas une place très élevée dans le Cœur de Dieu, Lui qui élève les humbles et rabaisse les orgueilleux ?

---> Est-ce que ce geste de gratitude primitive aurait dû déplaire au Christ, alors qu’on l’entend ailleurs se plaindre de ce que ceux qu’Il a pourtant guéri de la lèpre ne reviennent même pas l’en remercier, excepté un samaritain ? ( Luc 17,11 )

---> Pour DGC, c'est ici encore un très beau flop.

---> Avec sa citation suivante, l’auteur illusionniste croit mordicus tenir enfin sa proie, mais elle va comme toujours lui échapper.
 

 

" ... Mais s’il laisse les personnages l’approcher ainsi, « Jésus » est plus souvent à l’initiative. Lorsqu’Abel de Bethléem vient prier « Jésus » d’abréger la peine de ceux qui lui ont fait du mal, Jésus fait un geste qu’il ne fait jamais ainsi en public. Il se penche car il est beaucoup plus grand qu’Abel, et, prenant la tête d’Abel dans ses mains, il dépose un baiser sur la bouche en disant : « Qu’il en soit ainsi », je crois du moins que c’est ce que signifie son « Marana tha » (sic). (VII, 170, 96)"

 

---> Si le précédent flop était le summum de la décontextualisation rendant impossible une bonne compréhension du passage, comment faudrait-il appeler celui-là ? DGC arrive ici à l'extrême raffinement de sa méthode de décrédibilisation. Mais c’est encore pour lui un raté, car en lisant l’intégralité de cet épisode tellement marquant, éclairé par l'histoire qui le précède immédiatement dans l'œuvre comme nous allons le voir, toute son oeuvre de décrédibilisation va être réduite à néant.

---> Dans d’autres cultures contemporaines, comme aux USA entre parents et enfants, ou bien en Russie - dans certaines circonstances - entre adultes, ce geste du baiser sur la bouche n’a rien de sexuel, ni d'anormal ou de répréhensible :

---> Il est vrai que pour certains, le premier réflexe n’est pas forcément de s'en souvenir, en découvrant ce micro-*passage totalement décontextualisé, mais ce serait pourtant la chose à faire pour éviter de se scandaliser pour rien.

---> Au Moyen Age, le féal sujet d’un Seigneur scellait son alliance avec lui par un tel baiser sur la bouche, dépourvu de tout lien avec l’homosexualité. Et il est simplement merveilleux de découvrir que ce geste a bien des racines évangéliques.

---> De la même façon, aucun européen n'aurait non plus l'idée - saugrenue pour lui - de se frotter le nez contre le nez de la personne qu'il rencontre : c'est une coutume propre à certains pays orientaux, qui dans un autre contexte, pourrait paraître fort suspecte à certains.

---> Si DGC se choque de ce baiser de Jésus à Abel, c'est très probablement parce qu'il compare ce geste avec les baisers à connotation homosexuelle, donnés de force par don Jean-François Guérin à certains séminaristes de la communauté saint Martin : mais cette comparaison est une pure supercherie sans queue ni tête, ne faisant honte qu’à celui qui ose la faire.

---> La première étape pour bien comprendre le geste de Jésus sera d’en découvrir tout le contexte, et en tout premier lieu l'histoire connexe qui précède, celle d'un formidable jugement rendu sur terre par le Juste Juge, notre Dieu Incarné.

---> Et seulement alors, nous arriverons au cœur du sujet qui nous intéresse.

Résumé de cet épisode,
non rapporté par les quatre Évangiles :

---> C’est l’histoire du jeune Abel de Bethléem - le futur « Ananie » des Actes des apôtres ( 9,10 ) et qui deviendra un saint - , ici : injustement condamné à mort pour un crime qu'il n'a pas commis, et de sa pauvre mère à qui on veut l’arracher de force : Jésus va le sauver de la main des vrais coupables, qui se sont fait ses accusateurs, par convoitise pour sa mère.

---> Dès le départ, on comprend toute la dimension christique de cette terrible histoire, où ce jeune homme est la figure même de Celui qui sera plus tard injustement condamné à la croix à la place des pécheurs coupables, et sa mère : celle de la très sainte Vierge Marie, torturée au pied de la croix.

---> Si nous sommes nous-même capables de discerner cette dimension évidente du récit, comment cela aurait-il pu échapper à Jésus en Personne, témoin direct de la scène ?

---> On verra également comment Jésus va par la même occasion sauver de la mort ou de la folie la mère du jeune homme, incapable de supporter une telle torture morale, comme du viol qu'elle aurait dû subir de la part du monstrueux coupable accusateur de son fils, en infligeant de la part de Dieu une juste punition aux trois meurtriers du riche Joël, leur donnant ainsi le moyen d'expier leur faute par la lèpre dont ils sont soudainement frappés.

---> Ce passage n'est pas sans rappeler l'Ancien Testament, où le jeune Daniel, figure du Christ, confond les deux vieillards pervers qui voulaient faire tuer Suzanne, l'accusant faussement d'inconduite, simplement parce qu'elle refusait farouchement de céder à leurs désirs vicieux ( Dan. 13 ) ; ni sans rappeler aussi les épisodes de la femme adultère ( Jean 8 ) ou des marchands chassés du Temple ( Jean 2,13 ), dans lesquels Jésus se montre le Défenseur d'une accusée menacés de mort, ou des deux pauvres vieux, extorqués par les riches ( EMV 494, EMV 53 ).

EMV 248.5 - Histoire d'Abel de Bethléem, que Jésus rebaptisera "Ananie", et de sa mère.

Sur la route poussiéreuse arrive un petit groupe de gens armés : six hommes accompagnés de gens qui poussent des cris. Les bergers regardent et parlent entre eux à voix basse. Puis, ils regardent Marie et Jésus.

Le plus âgé parle :

"Heureusement que tu n'entres pas à Bethléem ce soir."

"Pourquoi ?"

"Parce que ces gens, qui viennent de passer et qui entrent dans la cité, y vont pour arracher un fils à une mère."

"Oh ! mais pourquoi ?"

"Pour le tuer."

"Oh ! non ! Qu'a-t-il fait ?"

Jésus aussi le demande et les apôtres s'approchent pour écouter.

"On a trouvé, tué sur le chemin de la montagne, le riche Joël. Il revenait de Sicaminon avec beaucoup d'argent. Mais ce n'étaient pas des voleurs car l'argent était encore sur le mort. Le serviteur qui l'accompagnait a dit que son maître lui avait dit de courir en avant pour prévenir de son retour, et sur la route, se dirigeant vers le lieu où fut commis l'homicide, il vit seul le jeune homme que l'on va tuer. Deux hommes du pays, ensuite, jurent qu'ils l'ont vu attaquer Joël. Maintenant les parents du mort exigent la mort du jeune homme. Et s'il est homicide..."

"Tu ne le crois pas ?"

"Cela ne me paraît pas possible. Le jeune est un peu plus âgé qu'un adolescent. Il est bon. Il vit toujours avec sa mère dont il est le fils unique, et elle est veuve, une sainte veuve. Il ne manque pas de ressources, il ne pense pas aux femmes. Il n'est pas querelleur, il n'est pas fou. Pourquoi alors a-t-il tué ?"

"Mais il a peut-être des ennemis ?"

"Qui ? Joël qui est mort ou Abel l'accusé ?"

"L’accusé."

"Ah ! Je ne saurais... Mais... Je ne saurais."

"Sois franc, homme."

"Seigneur, c'est une chose que je pense, et Isaac nous a dit de ne pas penser du mal du prochain."

"Mais on doit avoir le courage de parler pour sauver un innocent."

"Si je parle, que j'aie raison ou tort, je devrai m'enfuir d'ici parce qu’Aser et Jacob sont puissants."

"Parle sans crainte : Tu ne seras pas contraint de fuir."

"Seigneur, la mère d'Abel est belle, jeune et sage. Aser n'est pas sage, ni non plus Jacob. Au premier, la veuve plaît, et au second... le pays sait que le second c’est un coucou dans le ménage de Joël. Je pense que..."

"J'ai compris. Allons, amis. Vous, les femmes, restez donc avec les bergers. Je reviendrai bientôt."

"Non, Fils. Je viens avec Toi."

Jésus s'en va rapidement vers le centre de la cité. Les bergers restent indécis, mais ensuite ils laissent le troupeau aux plus jeunes qui restent avec toutes les femmes, sauf la Mère et Marie d'Alphée qui suivent Jésus et se hâtent de rejoindre le groupe apostolique.

À la troisième rue qui coupe la voie principale de Bethléem, ils rencontrent l'Iscariote, Simon, Pierre et Jacques qui arrivent en gesticulant et en criant.

"Quelle affaire, Maître ! Quelle affaire ! et quelle peine !" dit Pierre bouleversé.

"Un fils enlevé de force à sa mère pour qu'on le tue. Elle le défend comme une hyène. Mais c'est une femme contre des gens armés" ajoute Simon le Zélote.

"Elle saigne déjà de partout !" dit l'Iscariote.

"Ils ont défoncé sa porte car elle s'était barricadée dans sa maison" termine Jacques de Zébédée.

"Je vais la trouver."

"Oh ! oui ! Toi seul peux la consoler."

Ils tournent à droite, puis à gauche vers le centre du pays. Déjà on voit l'attroupement tumultueux qui s'agite et se presse près de la maison d'Abel, et les cris d'une femme, déchirants, inhumains, féroces, en même temps que pitoyables, arrivent jusqu'ici.

Jésus se hâte en arrivant sur une place minuscule, un élargissement de la rue plutôt qu'une place, où le tumulte est à son comble.

La femme dispute encore son fils aux gardes. Elle s'accroche d'une main qui est devenue une griffe de fer aux débris de la porte abattue et de l'autre reste attachée à la ceinture de son fils. Si quelqu'un cherche à l'en séparer elle le mord férocement, insensible aux coups qu'elle reçoit et à la souffrance des cheveux qu'on lui tire d'une manière si féroce qui amène sa tête en arrière. Et, quand elle ne mord pas, elle crie :

"Lâchez-le ! Assassins ! Il est innocent ! La nuit du meurtre de Joël il était au lit près de moi ! Assassins ! Assassins ! Calomniateurs ! Immondes ! Parjures !"

Le jeune garçon, saisi aux épaules par ceux qui veulent l'enlever, traîné par les bras, se retourne, le visage bouleversé et crie :

"Maman ! Maman, pourquoi dois-je mourir si je n'ai rien fait ?"

C'est un bel adolescent, grand et élancé, aux yeux noirs et doux, aux cheveux noirs foncés, légèrement frisés. Son vêtement déchiré laisse voir son corps souple et jeune presque comme celui d'un enfant.

Jésus, aidé par ceux qui l'accompagnent, fend la foule compacte et se fraie un chemin jusqu'au groupe pitoyable juste au moment où la femme, à bout de forces, a été arrachée à la porte et traînée comme un sac lié au corps de son fils sur les pierres du chemin.

Mais cela dure pendant quelques mètres seulement. Un coup plus violent arrache la main de la mère à la ceinture du fils et la femme tombe en avant, en frappant durement son visage contre le sol et en saignant encore davantage. Mais tout de suite elle se redresse sur les genoux, en tendant les bras pendant que le fils, qu'on emporte rapidement autant que le permet la foule qui s'écarte difficilement, libère son bras gauche et l'agite en se tordant en arrière et en criant :

"Maman ! Adieu ! Rappelle-toi, toi au moins, que je suis innocent !"

La femme le regarde avec des yeux de folle, et puis tombe à terre, évanouie.

Jésus se présente devant le groupe des gardes :

"Arrêtez-vous un moment. Je vous l'ordonne !"

Son visage ne souffre pas de réplique.

"Qui es-tu ? demande, agressif, un citadin du groupe. Nous ne te connaissons pas. Écarte-toi et laisse-nous aller pour qu'il soit tué avant que la nuit arrive."

"Je suis un Rabbi. Le plus grand. Au nom de Jéhovah (Jeovè), arrêtez-vous ou Dieu vous foudroiera."

À ce moment, il semble que Lui va les foudroyer.

"Qui est témoin contre celui-ci ?"

"Moi, lui et lui" répond celui qui a parlé le premier.

"Votre témoignage n'est pas valable parce qu'il n'est pas vrai."

"Et pourquoi peux-tu le dire ? Nous sommes prêts à le jurer."

"Votre serment est un péché."

"Nous, pécher ? Nous ?"

"Vous. De même que vous couvez la luxure, que vous nourrissez la haine, que vous êtes avides des richesses, que vous êtes homicides, vous êtes également parjures. Vous vous êtes vendus à l'Impureté. Vous êtes capables d'accomplir n'importe quelle infamie."

"Fais attention à tes paroles. Je suis Aser..."

"Et Moi, je suis Jésus."

"Tu n'es pas d'ici. Tu n'es pas prêtre, ni juge. Tu n'es rien. Tu es l'étranger."

"Oui, je suis l'Étranger car la Terre n'est pas mon Royaume. Mais je suis Juge et Prêtre. Non seulement de cette petite portion d'Israël, mais de tout Israël et du monde entier."

"Allons, allons ! Nous n'avons affaire avec un fou" dit l'autre témoin et il pousse Jésus pour l'écarter.

"Tu ne feras pas un pas de plus ! " tonne Jésus en le regardant d'un regard de miracle qui subjugue et paralyse, comme il rend la vie et la joie quand il le veut.

"Tu ne fais pas un pas de plus ! »

Tu ne crois pas à ce que je dis ? Eh bien, alors, regarde. Ici, il n'y a pas la poussière du Temple, ni son eau, et il n'y a pas de paroles écrites avec de l'encre pour rendre très amère l'eau qui est le jugement pour la jalousie et l'adultère. Mais ici, il y a Moi. Et c'est Moi qui rends le jugement."

La voix de Jésus est une sonnerie de trompette tant elle est pénétrante.

Les gens se bousculent pour voir. Seules Marie très Sainte et Marie d'Alphée sont restées pour secourir la mère évanouie.

"Et voici comment je juge. Donnez-moi une pincée de la poussière de la route et une goutte d'eau dans un vase. Et pendant qu'on me les donne, vous les accusateurs, et toi l'accusé, répondez-moi. Es-tu innocent, fils ? Dis-le avec sincérité à Celui qui est pour toi le Sauveur."

"Je le suis, Seigneur."

"Aser, peux-tu jurer n'avoir dit que la vérité ?"

"Je le jure. Je n'aurais pas de raison de mentir. Je le jure par l'autel. Que descende du Ciel une flamme qui me brûle si je ne dis pas la vérité."

"Jacob, peux-tu jurer que tu es sincère dans l'accusation et sans un motif secret qui te pousse à mentir ?"

"Je le jure par Jéhovah (Geové). Seul l'amour pour mon ami assassiné me pousse à parler. Avec celui-ci, je n'ai rien de personnel."

"Et toi, serviteur, peux-tu jurer d'avoir dit la vérité ?"

"Je le jure mille fois, s'il le faut ! Mon maître ! Mon pauvre maître !"

Il pleure en cachant sa tête avec son manteau.

"C'est bien. Voici l'eau et voici la poussière. Et voici la parole : "Toi, Père Saint et Dieu Très-Haut, accomplis par mon intermédiaire le jugement de vérité pour que vie et honneur soient rendus à l'innocent et à sa mère désolée, et un juste châtiment à qui n'est pas innocent. Mais, pour la grâce que j'ai à tes yeux, ni flamme, ni mort, mais qu'une longue expiation arrive à ceux qui ont commis le péché."

Il dit ces paroles en tenant les mains étendues sur le vase comme fait le prêtre pendant la Messe, à l'offertoire. Puis il plonge sa main droite dans le vase et de sa main mouillée il asperge les quatre qui sont soumis au jugement et leur fait boire une gorgée de cette eau, d'abord au jeune homme, puis aux trois autres. Ensuite il croise les bras sur sa poitrine et les regarde.

La foule aussi regarde et après un moment pousse un cri et se jette le visage contre terre. Alors les quatre qui étaient alignés se regardent entre eux, et crient à leur tour. Le premier, le jeune homme, crie de stupeur, les autres d'horreur, car ils voient leurs visages couverts d'une lèpre subite, alors que le jeune homme en est indemne.

Le serviteur se jette aux pieds de Jésus qui s'écarte comme tout le monde, y compris les soldats, et il s'écarte en prenant par la main le jeune Abel pour qu'il ne se contamine pas près des trois lépreux. Et le serviteur crie :

"Non ! Non ! Pardon ! Je suis lépreux ! Ce sont eux qui m'ont payé pour retarder le maître jusqu'au soir pour le frapper sur le chemin désert. Ils m'ont fait exprès déferrer la mule. Ils m'ont appris à mentir en disant que j'étais venu en avant. Au contraire, j'étais avec eux pour le tuer et je dis aussi pourquoi ils l'ont fait. Parce que Joël s'était aperçu que Jacob aimait sa jeune femme et parce qu’Aser voulait la mère d'Abel et qu'elle le repoussait. Ils se sont mis d'accord pour se débarrasser en même temps de Joël et d'Abel et jouir des femmes. J'ai parlé. Enlève-moi la lèpre, enlève-la-moi ! Abel, tu es bon, prie pour moi !"

"Toi, va auprès de ta mère. Qu'en sortant de son évanouissement elle voie ton visage et revienne à une vie tranquille. Et vous... À vous je devrais dire : "Qu'il vous soit fait ce que vous avez fait". Et ce serait humaine justice. Mais je vous livre à une expiation surhumaine. La lèpre, dont vous êtes horrifiés, vous préserve d'être saisis et tués comme vous le méritez. Peuple de Bethléem, écartez- vous, ouvrez-vous comme les eaux de la mer pour les laisser aller à leur longue galère. Galère terrible ! Plus atroce qu'une mort immédiate. Et c'est une pitié de Dieu pour leur donner possibilité de se repentir, s'ils le veulent. Allez !"

La foule se colle aux murs pour laisser libre le milieu du chemin. Les trois, recouverts de la lèpre comme s'ils étaient malades depuis des années, s'en vont, l'un derrière l'autre, vers la montagne. Dans le silence du crépuscule qui descend et qui a fait taire toutes les voix d'oiseaux et de quadrupèdes, on n'entend que leurs pleurs.

"Purifiez le chemin avec quantité d'eau après y avoir allumé le feu. Et vous, soldats : allez rapporter que justice est faite et faite selon la plus parfaite loi mosaïque."

Jésus se dispose à aller où sa Mère et Marie d'Alphée continuent de secourir la femme qui revient lentement à elle, pendant que son fils caresse ses mains glacées et les baise.

Mais les gens de Bethléem, avec un respect mêlé de crainte, le prient :

"Parle-nous, Seigneur. Tu es réellement puissant. Tu es certainement Celui dont a parlé l'homme qui en passant par ici a annoncé le Messie."

"Je parlerai à la nuit, près du bercail des bergers. Pour l'instant, je vais aider la mère à se rétablir."

Et il va trouver la femme qui est assise sur les genoux de Marie d'Alphée. Elle se remet de plus en plus en regardant le visage affectueux de Marie qui lui sourit. Elle ne se rend pas bien compte jusqu'au moment où elle dirige son regard sur la chevelure d'ébène de son fils qui est penché sur ses mains tremblantes et elle demande :

"Je suis morte, moi aussi ? Ce sont les Limbes ?"

"Non, femme, c'est la Terre et celui-ci est ton fils, sauvé de la mort. Et Celui-là, c'est Jésus, mon Fils, le Sauveur."

La femme a un premier mouvement, bien humain. Elle rassemble ses forces et s'avance pour prendre la tête inclinée de son enfant. Elle le voit sain et sauf, l'embrasse avec frénésie, pleurant, riant, retrouvant tous les noms qu'elle lui donnait quand il était petit pour lui dire sa joie.

"Oui, maman, oui. Mais maintenant, regarde, non pas moi, mais Lui. Lui qui m'a sauvé. Bénis le Seigneur."

La femme, encore trop faible pour se lever ou pour se mettre à genoux, tend ses mains qui tremblent et saignent encore. Elle prend la main de Jésus en la couvrant de baisers et de larmes.

Jésus lui met sa main gauche sur la tête, en lui disant :

"Sois heureuse, en paix et sois toujours bonne. Et toi aussi, Abel."

"Non, mon Seigneur. Ma vie et celle de mon fils sont à Toi parce que tu les as sauvées. Permets-lui d'aller avec les disciples, comme déjà il le désirait depuis qu'ils sont venus ici. Je te le donne avec tant de joie et je te prie de permettre que moi je le suive pour le servir et servir les serviteurs de Dieu."

"Et ta maison ?"

"Oh ! Seigneur ! Est-ce que quelqu'un qui renaît à la vie peut avoir les sentiments qu'il avait avant de mourir ? Par Toi, Mirta est sortie de la mort et de l'enfer. Dans ce pays, je pourrais arriver à haïr ceux qui m'ont torturée dans mon enfant.

Et tu prêches l'amour, je le sais. Permets donc à la pauvre Mirta d'aimer le Seul qui mérite l'amour, sa mission, ses serviteurs. Maintenant, je suis encore épuisée et ne pourrais te suivre. Mais, dès que je le pourrai, permets-le-moi, Seigneur. Je serai à ta suite et près de mon Abel..."

"Tu suivras ton fils, et Moi avec lui. Sois heureuse. Sois en paix, maintenant. Avec ma paix. Adieu."

Et, pendant que la femme soutenue par son fils et quelques pieuses personnes rentre à la maison, Jésus, avec les bergers, les apôtres, la Mère et Marie d'Alphée, sort du pays pour se rendre ensuite au bercail situé à l'extrémité d'une rue qui débouche dans les champs...

...Un grand feu a été allumé pour éclairer la réunion. Assis en demi-cercle dans les champs, un grand nombre de gens attendent que Jésus vienne parler. En attendant, ils parlent des événements du jour. Abel aussi est là avec beaucoup de gens qui se félicitent en disant que tous croyaient à son innocence.

"Mais, vous étiez prêts à me tuer, pourtant ! Même toi qui m'avais salué à la porte de ma maison, à l'heure où on tuait Joël" ne peut se retenir de répondre le jeune homme.

Et il ajoute :

"Mais moi, je te pardonne au nom de Jésus."

Voilà que Jésus vient du bercail vers eux. Grand, vêtu de blanc, entouré par les apôtres, suivi par les bergers et les femmes.

"La paix à vous tous !

Si ma venue a servi à instaurer le Règne de Dieu parmi vous, que béni soit le Seigneur. Si ma venue a servi à faire éclater une innocence, que béni soit le Seigneur. Si le fait d'être arrivé à temps pour empêcher un crime sert aussi à donner à trois coupables un moyen de se racheter, que béni soit le Seigneur.

Maintenant cette journée nous incite à méditer un grand nombre de choses. Nous les méditerons pendant que la nuit descend pour envelopper de ténèbres la joie de deux cœurs et le remords de trois autres. Dans ses ténèbres, elle voile comme sous un voile pudique les larmes joyeuses des premiers et les larmes brûlantes des autres que cependant Dieu voit. Entre toutes ces choses, il y a cette tendance à considérer comme nul et inutile ce que Dieu a donné par la Loi.

La Loi donnée par Dieu est théoriquement très observée en Israël, mais réellement elle ne l'est pas. La Loi est là, analysée, disséquée, mise en morceaux au point de la faire mourir par des tortures subtiles. Elle est là. Mais comme un cadavre momifié, elle est sans vie, sans respiration, sans circulation de sang bien qu'elle ait l'apparence de quelqu'un que le sommeil a immobilisé, ainsi la Loi n'a ni vie, ni respiration, ni sang en trop, trop, trop de cœurs. Sur une momie, on s'assoit comme sur un tabouret, sur une momie on peut poser des objets, des vêtements, même des ordures si on veut, et elle ne se révolte pas parce qu'elle n'a pas de vie. Ainsi trop de gens font de la Loi un tabouret, un appui, une décharge pour leurs ordures, certains qu'elle ne se révolte pas en leur conscience parce que, pour eux, elle est morte.

Je pourrais comparer une grande partie d'Israël aux forêts pétrifiées que l'on voit çà et là dans la vallée du Nil et dans le désert de l'Égypte. C'étaient des bois et des bois de plantes vivantes, nourries par la sève, bruissantes au soleil, couvertes de beaux feuillages, de fleurs, de fruits. Elles faisaient du lieu où elles avaient grandi un petit paradis terrestre, chers aux hommes et aux animaux qui oubliaient l'aridité désolée du désert, la soif ardente que le sable donne à l'homme par sa poussière brûlante qui pénètre dans la gorge. Ils oubliaient le soleil impitoyable qui, en peu de temps, calcifie les cadavres en les décharnant, en consumant les chairs en poussière, et en laissant couchés dans les vagues des sables, des squelettes et encore des squelettes polis comme par un ouvrier soigneux. Ils oubliaient tout sous cette ombre verte, bruissante, riche en eau et en fruits qui restauraient, consolaient, redonnaient du courage pour de nouveaux parcours.

Puis, pour une cause inconnue, comme des choses maudites, elles se sont non seulement desséchées comme font les arbres qui, bien que morts, servent encore à faire du feu dans les foyers de l'homme ou des braisiers pour éclairer la nuit, éloigner les fauves et chasser l'humidité de la nuit pour les voyageurs éloignés des pays. Mais ces arbres n'ont pas servi comme bois. Ils sont devenus de la pierre. De la pierre. La silice du sol semble, par un sortilège, être montée des racines, au tronc, aux branches, au feuillage. Puis les vents ont brisé les branches les plus faibles, devenues semblables à de l'albâtre qui est, à la fois, dur et mou.

Mais les branches, les plus grosses, sont là, sur leurs troncs puissants pour tromper les caravanes fatiguées, qui sous les reflets éblouissants du soleil ou sous la lumière spectrale de la lune, voient se profiler les ombres des troncs qui se dressent sur les plaines ou dans le fond des vallées qui ne voient l'eau qu'aux époques des crues fécondes, cherchant avec angoisse un refuge, de quoi se restaurer, un puits, des fruits frais et, les yeux fatigués par le reflet du soleil sur les sables sans rien qui en abrite, les caravaniers se précipitent vers les forêts fantômes. De vrais fantômes ! Apparences illusoires de corps vivants, présence réelle de choses mortes.

Je les ai vues. J'en ai gardé le souvenir, bien que je fusse seulement un peu plus grand qu'un tout petit, comme d'une des plus tristes choses de la Terre. C'est ainsi qu'elles m'étaient apparues tant que je n'ai pas eu touché, mesuré, pesé les choses de la Terre qui sont totalement tristes parce qu'elles sont complètement mortes. Les choses immatérielles, c'est-à-dire les vertus et les âmes mortes. Les premières, mortes dans les âmes, mortes les âmes parce qu'elles se sont tuées.

La Loi est en Israël, mais elle y est comme les arbres pétrifiés dans le désert : devenue silice. Morte. Cause d'erreur, objet destiné à se corroder sans utilité. Objets nuisibles même comme les arbres pétrifiés parce qu'ils créent des mirages qui attirent en éloignant des vraies oasis, en faisant mourir de faim, de soif, de désolation, en attirant vers leur mort. Choses mortes qui en attirent d'autres à la mort, comme on lit dans certains récits de mythes païens.

Aujourd'hui, vous avez eu un exemple de ce que c'est qu'une Loi réduite à l'état de pierre dans une âme devenue elle aussi de pierre. C'est la source de toutes sortes de péchés et de malheurs. Que cela vous serve à savoir vivre et à savoir faire vivre la Loi en vous, dans son intégrité que Moi j'éclaire par des lumières de miséricorde.

La nuit est profonde. Les étoiles nous regardent, et Dieu avec elles. Levez votre regard vers le ciel étoilé et élevez votre esprit vers Dieu. Et sans critiquer les malheureux déjà punis par Dieu, sans orgueil pour n'avoir pas leur péché, promettez à Dieu et à vous-mêmes de ne pas tomber dans l'aridité des plantes maudites des déserts et des vallées d'Égypte.

La paix soit avec vous."

Il les bénit, et puis se retire dans la vaste enceinte du bercail entouré de portiques rustiques sous lesquels les bergers ont étendu une bonne couche de foin pour servir de lit aux serviteurs du Seigneur.
(...)
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Voici la première objection de DGC ( déjà évoquée précédemment ) :
---> "Comment le Christ peut-Il se montrer aussi sévère, infligeant aux trois coupables une peine « plus lourde que la mort elle-même » ?"

La réponse est déjà ci-dessus :

---> En réalité, Il leur a évité d'être mis à mort "comme ils l'auraient mérité", et leur a fourni par ce terrible châtiment un moyen d'expiation, proportionné au crime qu'ils ont commis, en vue de leur permettre d'éviter l'enfer : pas vraiment donc l'expression d'une "justice impitoyable", comme DGC le prétend à tort.

---> Et au passage : c’est la légitimation très claire par notre Seigneur de la peine de mort, permise par Dieu en certains cas extrêmement grave. Si Jésus décide ici de ne pas l’appliquer, c’est qu’"Il n’est pas un Dieu de rigueur mais d’Amour", comme Il le dira à sœur Consolata Betrone, religieuse italienne mystique du début du XXe siècle.

De plus, DGC oublie de mentionner un fait capital :

---> Tel un juste Juge, Jésus a d'abord donné aux coupables l'occasion de reconnaître devant tous la réalité de leur crime. S’ils avaient alors avoué, le Seigneur n'aurait certainement pas été aussi intraitable envers eux : ils auraient bénéficié d'un certain degré de clémence, de la part du Juge le plus équitable qui fut jamais.

---> Il y a d’évidents parallèles à faire entre cet épisode et :

---> La chute d’Adam et Eve ( Gen 3,12 ) se rejetant la faute au lieu de l'avouer humblement à Dieu, ce qui fut loin d'atténuer leur châtiment. Même chose ici pour nos trois coupables chassés, non du paradis terrestre, mais de la société des hommes, par la lèpre... faute de s'être humiliés devant leur Juge. Mais nous verrons bientôt que ce n’est pas sans aucun espoir pour eux.

---> Le châtiment du Déluge ( Genèse 7,7 ), où Dieu extermine carrément l’humanité, ensauvagée et dévoyée par le péché de luxure.

---> La destruction de Sodome et Gomorrhe ( Genèse 19,24 ), à cause du péché d’abomination.

---> Les dix plaies infligées par Dieu à l’Égypte ( Exode 10,1 ), qui culminent dans la mort donnée à tous les premier-nés des égyptiens, et l’anéantissement de leur armée dans la Mer Rouge.

---> Les mises en garde de Jésus : « Ne pèche plus, ou il t’arriverait pire encore » ( Jean 5,14 )

---> Nous verrons bientôt Jésus, Celui-là même que DGC voit dans l’EMV comme "sans pitié, terrible et intraitable", partant à la recherche des meurtiers très justement châtiés par la lèpre, afin de les guérir !

Conclusion :

---> Ce sont les coupables eux-mêmes qui ont appelé sur eux la lèpre, Jésus ne s’est en aucun cas "déchaîné sur eux" sans vraie justice.

---> L’Ancien et le Nouveau Testament nous remémorent les justes jugements de Dieu, qui sont tels, malgré qu'ils puissent parfois être d'une grande sévérité. Dieu n’est pas un Dieu de rigueur, et pourtant Il sait punir si nécessaire et sans trembler, proportionnellement à la faute.

---> DGC fait ici un flop remarquable.

 

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