---> Nous allons bien au contraire découvrir dans ce volet combien Jésus est royal et seigneurial face à Judas, tout en se montrant jusqu'à la plus extrême limite son Sauveur, même si ce fut en vain...
--->Et nous allons voir comment DGC, pour tenter de prouver que l'œuvre de Maria Valtorta n'a rien de surnaturel, doit lui-même en arriver à un niveau quasi surnaturel de mauvaise foi.
DCG :
nous avons montré ailleurs quelle doctrine Maria Valtorta avait forgé au sujet de Judas, incarnation même de Satan.
---> Parlons-en de cette fameuse soi-disant « doctrine forgée par Maria Valtorta » que DGC prétendrait dénoncer : comme à l’accoutumée, cela va se révéler particulièrement édifiant.
---> Voyons donc ce qu’il en dit dans son article « Évaluation de trois éléments de doctrine » :
DGC :
De nombreux épisodes de L’Évangile tel qu’il m’a été révélé concernent Judas. La dernière des sept raisons invoquées par « Jésus » à la dictée de l’œuvre est précisément de faire connaître la personnalité de Judas et les événements qui le concernent. C’est « la leçon que vous devez particulièrement retenir, car ce sera celle qui vous sera la plus utile dans votre ministère de maîtres spirituels et de directeurs d’âmes » (X, 38, 302)
---> Effectivement : vu que Judas est l’archétype même du disciple ayant abandonné le bon chemin au fur et à mesure de son évolution, étudier comment Jésus s’y prend pour essayer de le redresser et de le ramener à l’Amour est bien ce qu’il y a de plus instructif en matière de direction d’âme.
---> Alors que le directeur spirituel n’a que peu d’efforts à fournir pour diriger les bons éléments vers le Bien, c’est face aux cas les plus difficiles que toute l’étendue de sa science se révèle au grand jour. Ce que dit là le Christ est donc d’une remarquable cohérence.
DGC :
D’un point de vue littéraire, le personnage de Judas se prête aux inventions romanesques (on en connaît de nombreuses, des plus anciennes dans la doctrine des caïnites, aux plus récentes – l’Évangile selon Pilate d’Éric-Emmanuel Schmitt) où le personnage fantasmé de Judas sert à de nouveaux épisodes de l’histoire du Christ et les réinterprète radicalement. C’est le cas ici, mais présenté non comme un roman qui donne corps à une hypothèse, si invraisemblable soit-elle, mais comme une révélation divine sur la vérité des faits.
1 ) Tout d’abord : les multiples inventions romanesques qui existent n’empêchent pas du tout que Dieu puisse à son tour donner au monde par une révélation privée le véritable éclairage sur cette question importante , afin de dissiper la confusion dans les esprits, engendrée par cette multitude d’avis erronés.
2 ) Ensuite : l’argument de DGC est frelaté, et pourquoi ?
---> Premièrement parce qu’il omet volontairement de signaler que plusieurs authentiques révélations du Ciel nous avaient déjà parlé de Judas par le passé, quoi que l’Église n’oblige pas à y croire : ces récits ne sont pas du tout des romans fruits de l’imagination. Citons ceux de la vénérable Maria d’Agreda (1602-1665), et ceux de la bienheureuse Anne Catherine Emmerich ( 1774-1824).
---> Ces messagères du Ciel n’ont fait que rapporter scrupuleusement leurs visions ( avec cependant beaucoup de déperditions dans les deux cas, dues aux circonstances défavorables ). Les écrits de Maria Valtorta qui, eux, n’ont souffert d’aucune déperdition, sont comme les deux précédemment cités tellement en tout point conformes à la foi catholique que cela en est surnaturel, et ne peut en aucun cas s’expliquer par les capacités extrêmement faibles de celle qui nous les a transmis.
---> Cette incroyable omission ne montre-t-elle pas que DGC, connaissant bien l’existence des révélations privées, les exècre, car elles lui rappellent la pseudo « imposture mystique » de Clémence Ledoux, dont il aurait eu soi-disant à souffrir, avant que son mentor Joachim Boufflet ne l’en « libère » ?
3 ) D’une manière à peine voilée, DGC voudrait mettre en parallèle l’EMV avec la pensée des caïnites, et également avec le récemment ouvrage d’Éric-Emmanuel Schmitt, « l’Évangile selon Pilate ».
---> Or que disent ces deux sources sur Judas ?
- Les caïnites.
---> Cette secte gnostique et antinomiste paléochrétienne du IIè siècle avait une réelle admiration pour Caïn ( d’où son nom ), car celui-ci s’opposait au « dieu mauvais de l’Ancien Testament » ( ???), ainsi que pour Judas Iscariote, qui était pour eux, non pas le traître le plus coupable de toute l’histoire de l’humanité, mais bien au contraire : le seul vrai connaisseur du Christ, celui qui Lui avait permis de passer dans une condition meilleure, favorisant ainsi l’accomplissement de sa Mission. Il aurait été choisi par Jésus pour Lui rendre le service de Le livrer, et aurait été en fait son disciple le plus proche, le plus hautement « initié », en un mot : le meilleur. Ces personnages sectaires avaient la même admiration pour les pires divinités de la mythologie romaine et grecque.
---> Le problème : c’est qu’il n’y a pas le moindre élément de comparaison possible entre l’avis complètement hérétique des caïnites sur Judas, et la description limpide et précise que fait Maria Valtorta de la progressive déchéance du malheureux apôtre, en pleine conformité avec la doctrine catholique.
- « L’Évangile selon Pilate », ouvrage paru en 2000, seconde œuvre de M. Éric-Emmanuel Schmitt, dramaturge, nouvelliste, romancier, réalisateur et comédien franco-belge.
---> Son exposé, beaucoup moins irrationnel et chimérique que celui des caïnites, n’en demeure pas moins gravement irrecevable sur le plan théologique.
---> On notera cependant que EES a forcément trouvé son inspiration de base dans les écrits de Maria d’Agreda, dans ceux de Anne-Catherine Emmerich et/ou dans ceux de Maria Valtorta, puisqu’il en reprend absolument tous les codes : la complexité du personnage de Judas, ses conflits internes qui le poussent à la trahison, sa foi en Jésus, même erronée, qui le pousse à transmettre son message, son incompréhension de la véritable mission du Christ qui le conduisent à des actions désastreuses, son désespoir final etc… Tout cela n’est commun qu’aux trois messagères du Ciel, et le peu que les Évangiles nous exposent de ce sombre personnage plein d’ambivalences ne peut pas nous laisser croire autre chose à son sujet.
---> Mais deux éléments font taches sur l’ensemble :
- Premièrement :
---> EES, pas encore converti lors de la rédaction de son ouvrage, entend nous faire relire la Passion du Christ du point de vue de Judas, qu'il fait s’expliquer et se justifier lui-même sur le déroulement des faits, sur ses égarements, ses choix, ses états d’âme etc.
---> Or le point de vue de Judas est parfaitement irrecevable, vue qu'il est l’homme pour qui le non-être aurait été préférable ( Matt 26,24 ) : c’est dire à quel point son avis ne peut être en aucun cas pris en compte. On ne peut pas d’avantage écouter Judas que Satan, car ce serait un complet non-sens de prêter l’oreille à la haine et au mensonge à l’état pur.
Deuxièmement :
---> EES va jusqu'à envisager la possibilité de la rédemption de Judas, qui ne serait peut-être selon lui que le maillon nécessaire à l’accomplissement du salut du monde par la Croix du Christ : ainsi, comment Dieu pourrait-Il le condamner alors qui s'est montré si utile ?
---> Or cette thèse, qui n’arrive pas à faire la distinction entre l’accomplissement nécessaire des Écritures d’avec la liberté de Judas qui culmina, non pas dans le repentir et le pardon reçu, mais dans le refus obstiné de croire à la Miséricorde et finalement dans son suicide, est une négation directe de la véracité des Paroles de notre Seigneur, certifiant que Judas était un démon, et qu’"il aurait mieux valu pour lui de ne pas naître", ce qui ne peut correspondre qu’à l’affirmation de sa damnation éternelle. En effet, si Judas n'était pas aujourd'hui damné pour l'éternité, alors le fait qu'il ait existé serait un bien objectif, et par conséquent : la Parole du Christ serait fausse !
---> Là encore : aucun point de comparaison avec ce qu’expose l’EMV en pleine conformité avec la foi catholique, fondée sur les Évangiles et la Tradition apostolique.
---> Tenter donc de disqualifier l’œuvre de Maria Valtorta, dépourvue de toute erreur théologique, en invoquant contre elle l’exemple des caïnites ou de « l’évangile selon Pilate » d’Éric Emmanuel Schmitt, c’est aussi prodigieusement « pertinent » que de prétendre disqualifier les Évangiles, simplement en signalant l’existence des mythologies grecques et romaines : cela n'a aucun sens logique, et c’est précisément ce que fait DGC, sans broncher d’un cil.
---> On tremble à l’idée qu’un juge d’instruction puisse comme l'auteur vous déclarer coupable d'un meurtre, simplement parce qu’il connaît l’existence d’un tueur en série, n’ayant strictement rien à voir avec vous. Or ici, nous en sommes exactement à ce niveau d’accusation… C’est effarant.
DGC :
Relevons d’abord quelques traits psychologiques qui caractérisent le personnage. Judas ne cesse d’être représenté de manière caricaturale, élégant, fourbe, riant, ricanant, avec ironie, mépris (VIII, 27, 225-227) ou même plus explicitement avec « un sourire de serpent » (VIII, 40, 348), si bien que Jésus doit le reprendre : « Oh ! ne ricane pas ainsi sataniquement, mon ami. » (VIII, 43, 374) Judas, souvent critique au milieu de l’unanimité du groupe des Apôtres, ressemble aux modernistes qui doutent des réalités de foi ou des pieuses traditions. Malgré cela, « Jésus » entretient avec lui une relation passionnelle faite d’amour et d’angoisses.
1 . Décrire quelqu'un comme étant élégant, fourbe, riant, ricanant, avec ironie, mépris, avec « un sourire de serpent » ( une simple image, et non pas une caricature ), peut tout simplement correspondre à la vérité : ce n'est alors comme ici qu'une description fine et réaliste, et concernant le Judas connu des Évangiles, c'est plutôt criant de vérité.
De même : affirmer que DGC tombe continuellement dans une caricature de l'Oeuvre qu'il dénonce à tort, n'est pas le caricaturer lui-même, mais bien plutôt décrire avec exactitude ce qu'il fait.
2 . Notons que « avoir un sourire de serpent » correspond très bien à l’hypocrisie assassine des pharisiens, qui était selon le Christ des « fils de Satan » ( Jean 8,44 ). Comment donc cela ne correspondrait-il pas au plus haut point à Judas, qui était « un démon » ? ( Jean 6,70 ) Non seulement donc ce n’est pas caricatural de parler ainsi de lui, mais c’est l’Évangile qui le confirme.
3 . Jésus reprend son disciple : peut-être que pour DGC, Il aurait du au contraire l’encourager dans cette voie, et le donner en modèle aux autres ? D’autre part, en cet endroit du récit, Judas est déjà arrivé au point de non retour, étant devenu une horrible incarnation de Satan, que Jésus doit supporter non sans un profond dégoût. Tout ce qu'Il peut encore lui demander est de garder une certaine discrétion extérieure sur le mal qui le ronge.
4 . Aimer quelqu’un de sa famille, jusqu’à en être angoissé pour son sort qui s’annonce mauvais, c’est donc cela que DGC appelle dans son jargon psychologisant hautain et méprisant : « un amour passionnel et victimal » ? N’est-ce pas plutôt la caractéristique du vrai bon pasteur de chercher, angoissé, sa brebis perdue qu’il ne cesse d’aimer, malgré qu’elle lui ait désobéi ?
5 . Mais ce n’est pas encore le plus fort de cet article : « malgré cela »… « malgré que Judas soit si mauvais, qu’il doute etc »… DGC critique donc le fait que Jésus l’aime à ce point « malgré cela » !...
---> En fait, selon l’auteur, Jésus aurait dû, devant l’évidente déchéance morale de son apôtre indigne, le flanquer à la porte à grands coups de pieds dans le fondement, et cesser de l’aimer, mettant ainsi en pratique la parole : « Tu haïras ton ennemi » ( Lévitique 19,17 ) !?
---> Peut-être DGC fait-il référence à sa propre pratique de cette sentence à l’égard de ceux de ses élèves séminaristes qui n’ont pas l’heur de lui plaire, qui sait ? En tout cas, il est plus que curieux qu’il essaie ainsi d’y conformer le Christ, Lui qui prêche pourtant sur tous les tons l’amour des ennemis ( Matt 5,43 ).
DGC :
C’est dans sa ville (Kériot) que « Jésus » aurait décidé d’inaugurer la prédication apostolique, donnant à Judas le rôle de premier prédicateur et organisateur de la mission.
---> La raison en est : Jésus pense que Judas s'intégrera plus facilement dans le groupe des apôtres s'il se sent valorisé, s'il pense qu'il rend service.
---> Il est pourtant clair - et je précise que c'est de l'ironie de ma part - que pour quelqu’un en grande difficulté comme Judas, en manque d’estime de soi-même et des autres, n'arrivant pas à s'intégrer au groupe, se trompant sur tout et en particulier sur la vraie nature de la Mission de son Maître, la seule solution aurait été de le tenir à l’écart dans un coin sombre, afin qu’il ne gêne personne, au lieu de le valoriser comme ceci, lui donnant le premier rôle au moment opportun afin que la douceur de l’Amour, plutôt que la violence du mépris, provoque si possible en lui la conversion du coeur !
---> Plus sérieusement, Saint Paul ne dit-il pas lui-même en prenant la comparaison du corps : « Dieu accorde plus d’honneur aux parties qui en sont dépourvues » ?
« (…) Bien plus, les parties du corps qui paraissent les plus délicates sont indispensables. Et celles qui passent pour moins honorables, ce sont elles que nous traitons avec plus d’honneur ; celles qui sont moins décentes, nous les traitons plus décemment ; pour celles qui sont décentes, ce n’est pas nécessaire. Mais en organisant le corps, Dieu a accordé plus d’honneur à ce qui en est dépourvu. Il a voulu ainsi qu’il n’y ait pas de division dans le corps, mais que les différents membres aient tous le souci les uns des autres. Si un seul membre souffre, tous les membres partagent sa souffrance ; si un membre est à l’honneur, tous partagent sa joie. Or, vous êtes corps du Christ et, chacun pour votre part, vous êtes membres de ce corps. »
( 1 Cor 12, 22-27 )
DGC :
Judas est sujet à de fréquents retournements, luttant en lui-même contre ses tendances peccamineuses, renonçant plusieurs fois à ses projets et abdiquant devant « Jésus » dans des épisodes toujours lourds d’émotions contradictoires.
---> Saluons ici l’incroyable effort de DGC, qui parvient à résumer en quelques mots ce qui fait l’objet de longs chapitres dans l’œuvre. Rappelons-lui cependant que pouvoir résumer un texte comme il le fait ici ne constitue pas un motif suffisant pour le prendre en défaut. Et surtout lorsqu’on y découvre un Judas ressemblant en tout point à celui des Évangiles canoniques.
DGC :
Qui est vraiment Judas ? Pourquoi agit-il de la sorte ? La doctrine évolue au fil de l’œuvre. Satan prophétise lui-même qu’il va posséder Judas par la voix d’un démoniaque (VI, 111, 215).
1 . C’est Judas lui-même qui évolue au fil des trois années, et non la doctrine que l’EMV est sensé avoir forgée à son propos : ainsi, d’un homme déjà profondément délabré par le péché, spécialement d’orgueil, et après des évolutions diverses et parfois positives grâce aux efforts extraordinaires et constants de Jésus, il va considérablement se renforcer dans le mal, et tomber par son consentement dans un état de possession satanique toujours plus profonde, qui l’amènera tellement sous le pouvoir de Satan, que celui-ci pourra pleinement annihiler sa volonté, au point d’en faire sa chose, son incarnation, son prolongement dans l'univers visible.
Mais cette incarnation de Satan en Judas ne sera en fait qu’une singerie de celle du Verbe en Jésus, avec cependant un résultat identique : l’appartenance définitive, que rien ne peut briser, la dépendance absolue au maître.
2 . Malheureusement pour l’auteur, son analyse du texte de l’EMV s’avère fausse : Satan, parlant par la bouche du fameux possédé ( « Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? » Luc 4,34 ), semble indiquer ici bien plus qu’une simple possession future de Judas, qu’il qualifie d’emblée de « démon qui est parmi vous ». Lisons ce qu’il dit juste avant d’être expulsé par Jésus :
EMV 420.6 - Guérison d’un homme complètement possédé. La vocation de la femme à l’amour.
(...) (...)
"Je sors, oui, tu m'as vaincu. Mais je me vengerai. Tu me chasses, mais tu as un démon à ton côté et j'entrerai en lui pour le posséder, en l'assaillant de tout mon pouvoir. Et ce ne sera pas ton commandement qui l'arrachera à moi ( ce qui annonce donc bien plus qu'une simple possession, ndt ) En tout temps, en tout lieu, je m'engendre des fils, moi, l'auteur du Mal. Et comme Dieu s'est engendré de Lui-même, moi, voilà que je m'engendre de moi-même. Je me conçois dans le cœur de l'homme, et lui m'enfante, il enfante un nouveau Satan qui est lui-même, et j'en jubile, je jubile d'avoir une pareille descendance ! ( Par cette incarnation de lui-même en Judas, Satan parodie l'Incarnation du Verbe et s'en moque, ndt ) Toi et les hommes, vous trouverez toujours ces créatures qui m'appartiennent, qui sont autant d'autres moi-même. Je vais, ô Christ, prendre possession de mon nouveau royaume, comme tu veux, et je te laisse cette loque maltraitée par moi. En échange de celui que je te laisse, aumône que Satan te fait à Toi, Dieu, j'en prends pour moi mille et dix mille maintenant, et tu les trouveras quand Toi tu seras une loque dégoûtante de chair exposée à la risée des chiens. Dans la succession des temps j'en prendrai dix mille et cent mille pour en faire mon instrument et ton tourment. Tu crois me vaincre en levant ton Signe ? Les miens l'abattront et je vaincrai... Ah ! non, je ne te vaincs pas ! Mais je te torture en Toi et dans les tiens !..."
(...)
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
---> Satan ne projette pas ici de posséder Judas d’une simple possession ordinaire ( dont il souffre déjà ), mais de telle sorte que « le commandement de Jésus ne pourra pas l’en arracher », ce qui indique que cette union de Satan avec Judas rendra le second semblable à l’incarnation du premier, tant elle sera forte et définitive.
DGC :
C’est ce que la visionnaire semble remarquer, en intervenant elle-même, dans le texte lors d’un affrontement entre « Jésus » et Judas, qui vient d’être surpris à voler.
« Je ne suis pas compétente, mais je crois ne pas me tromper en disant que par la bouche de Judas, c’est Satan lui-même qui parlait, que c’est un moment de possession évidente de Satan dans l’apôtre perverti, déjà au seuil du crime, déjà damné par sa propre volonté. » (VIII, 28, 258)
1 . C’est ce que Jésus Lui-même va confirmer ensuite, en disant à la fin de la longue et douloureuse exhortation qu’Il adresse au coupable : « Celui qui auparavant parlait par tes lèvres ne peut être vaincu que par Moi. » ( EMV 567.26 )
2 . Et c’est encore Jésus, en saint Jean 14,10 qui va poursuivre la justification de l’Oeuvre : « Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même; c'est le Père qui vit en moi qui fait lui-même ces œuvres. Croyez-moi : je suis dans le Père et le Père est en moi. »
---> Est-ce que peut-être, le Père parle par la bouche de Jésus parce que Celui-ci est simplement un « possédé du Père », ou bien parce que Jésus est le Dieu-fait-Homme, le Verbe Incarné, un avec le Père ?
---> Ici, dans le cas de Judas, c’est bien réellement Satan qui parle par sa bouche, et par comparaison avec l'Évangile : cela n’est donc pas une preuve décisive, ni de ce qu’il ne soit encore qu’un simple possédé, ni de ce qu’il soit déjà l’incarnation de Satan.
---> C'est un flop pour DGC.
3 ) La seule crainte de l’auteur est que nous puissions avoir l’idée de lire dans son entier le passage qu’il cite, ce qui rendrait risible ses arguments : c’est pourtant ce que nous allons faire à présent.
---> Jésus n’est en effet ni passionnel, ni victimal avec Judas : Il est le Seigneur dont on ne se moque pas que l’on soit prêtre ou non, Il est l’Amour Incarné.
---> Lisons ce passage clef, illustrant parfaitement la sentence : « Judas était un voleur » ( Jean 12,6 ), et nous nous apercevrons par nous-même à quel point l’intuition de Maria Valtorta était juste :
EMV 567 .10 - Parabole de la pièce de tissu déchirée et miracle sur une femme en couches. Long discours à Judas, surpris à voler.
( En rouge entre les // : la citation de DGC )
(…) (...)
« Et ainsi Jésus, en se faufilant par une ruelle, peut arriver sans encombre à une maison où il entre en appelant :
"Judas ! Judas !"
Personne ne répond.
"Il est allé là-haut, Maître. Nous pouvons nous aussi aller à la maison. Je dépose ici les vêtements de Judas, de Simon et de ton frère Jacques, et puis je mettrai les autres de Simon Pierre, d'André, de Thomas et de Philippe dans la maison d'Anne."
C'est ce qu'ils font et je comprends que pour faire place aux femmes disciples, les apôtres s'en sont allés dans d'autres maisons, sinon tous, au moins une partie d'entre eux.
Désormais débarrassés des vêtements, ils s'en vont en parlant entre eux, vers la maison de Marie de Jacob et y entrent par la petite porte du jardin qui est seulement poussée. La maison est silencieuse et vide. Jean voit posée à terre une amphore pleine d'eau et, pensant peut-être que la petite vieille l'a déposée là avant qu'on ne l'appelle pour assister la femme, il la prend et se dirige vers une pièce fermée. Jésus s'attarde dans le couloir pour enlever son manteau et le plier avec son soin habituel avant de le déposer sur le coffre de l'entrée.
Jean ouvre la porte et pousse un "ah !" presque terrifié. Il laisse tomber le broc et couvre ses yeux de ses mains, en se courbant, comme pour se faire petit, pour disparaître, pour ne pas voir. De la pièce arrive un bruit de pièces de monnaie qui se répandent sur le sol en résonnant.
Jésus est déjà à la porte. Il m'a fallu plus de temps pour décrire qu'à Lui pour arriver. Il écarte vivement Jean qui gémit : "Va-t'en ! Va-t'en !" Il ouvre la porte entrouverte. Il entre.
C'est la pièce où, depuis que les femmes sont là, ils prennent leurs repas. Il s'y trouve deux coffres anciens ferrés et devant l'un d'eux, juste en face de la porte, se trouve Judas, livide, ses yeux étincellent de colère et en même temps d'effroi, avec une bourse dans les mains... Le coffre fort est ouvert... et à terre sont répandues des pièces et d'autres tombent par terre en glissant hors d'une bourse qui est sur le bord du coffre, ouverte, et à moitié couchée. Tout témoigne d'une manière qui ne peut laisser aucun doute de ce qui se passe. Judas est entré dans la maison, il a ouvert le coffre et il a volé. Il était en train de voler.
Personne ne parle. Personne ne bouge. Mais c'est pire que si tous criaient et se lançaient les uns contre les autres. Trois statues : Judas, le démon ; Jésus, le Juge ; Jean, le terrorisé par la révélation de la bassesse de son compagnon.
La main de Judas qui tient sa bourse est agitée par un tremblement et les pièces qui s'y trouvent laissent entendre un bruit étouffé.
Jean est tout tremblant et, bien qu'il soit resté les mains serrées sur sa bouche, ses dents claquent alors que ses yeux effrayés regardent Jésus plus que Judas.
Jésus ne frémit pas. Il est debout et glacial, tout à fait glacial tellement il est rigide.
Finalement il fait un pas, un geste et prononce un mot. Un pas vers Judas, un geste pour faire signe à Jean de se retirer et un mot :
"Va !"
Mais Jean a peur et gémit :
"Non ! Non ! Ne me renvoie pas. Laisse-moi ici. Je ne dirai rien... mais laisse-moi ici, avec Toi."
"Va-t-en ! Ne crains pas ! Ferme toutes les portes... et s'il vient quelqu'un... n'importe qui... même ma Mère... ne les laisse pas venir ici. Va ! Obéis !"
"Seigneur !..."
Il semble que ce soit Jean le coupable, tant il est suppliant et abattu.
"Va, te dis-je. Il n'arrivera rien. Va !"
Jésus adoucit son commandement en mettant sa main sur la tête du Préféré avec un geste caressant, et je vois que cette main maintenant tremble. Jean la sent trembler, il la prend et la baise avec un sanglot qui dit tant de choses. Il sort.
Jésus ferme la porte avec un verrou. Il se retourne pour regarder Judas, qui doit être bien anéanti puisqu'il n'ose pas lui, si audacieux, un mot ou un geste.
Jésus va tout droit devant lui, en tournant autour de la table qui occupe le milieu de la pièce. Je ne sais dire s'il va rapidement ou lentement. Je suis trop effrayée par son visage pour mesurer le temps. Je vois ses yeux et j'ai peur comme Jean. Judas lui-même a peur, il s'arrête entre le coffre et une fenêtre grande ouverte par laquelle la lumière rouge du couchant se déverse toute sur Jésus.
Quels yeux a Jésus ! Il ne dit pas un mot. Mais quand il voit que de la ceinture du vêtement de Judas dépasse une sorte de crochet, il a une réaction effrayante. Il lève le bras avec le poing fermé, comme pour frapper le voleur, et sa bouche commence le mot : "Maudit !" Mais il se domine. Il arrête le bras qui allait tomber et coupe le mot aux trois premières lettres. Et faisant pour se maîtriser un effort qui le fait trembler tout entier, il se borne à desserrer son poing fermé, à abaisser son bras levé à la hauteur de la bourse que Judas a dans les mains, et à l'arracher pour la jeter contre le sol, en disant d'une voix étouffée alors qu'il foule aux pieds la bourse et les pièces, et les disperse avec une fureur contenue mais terrible :
"Au loin ! Ordure de Satan ! Or maudit ! Crachat d'enfer ! Venin de serpent ! Au loin !"
Judas, qui a poussé un cri étouffé quand il a vu Jésus près de le maudire, ne réagit plus. Mais de l'autre côté de la porte fermée, un autre cri résonne quand Jésus lance la bourse contre le sol, et ce cri de Jean exaspère le voleur et lui rend son audace démoniaque. Il en devient furieux. Il se jette presque contre Jésus en criant :
"Tu m'as fait espionner pour me déshonorer, espionner par un garçon imbécile qui ne sait même pas se taire, qui me fera honte en face de tous ! Mais c'est cela que tu voulais. Et du reste... Oui ! Moi, je le veux aussi. Je veux cela ! T'amener à me chasser ! T'amener à me maudire ! À me maudire ! À me maudire ! J'ai tout essayé pour me faire chasser."
Il est enroué par la colère et brutal comme un démon. Il halète comme s'il avait quelque chose qui l'étrangle.
Jésus lui répète à voix basse mais terrible :
"Voleur ! Voleur ! Voleur !" et il termine en disant : "Aujourd'hui voleur, demain assassin. Comme Barabbas. Pire que lui."
Il lui souffle cette parole au visage car maintenant ils sont très proches.
Judas reprend haleine et répond :
"Oui, voleur, et par ta faute. Tout le mal que je fais, c'est par ta faute et tu ne te lasses jamais de me ruiner. Tu sauves tout le monde. Tu donnes de l'amour et des honneurs à tous. Tu accueilles les pécheurs, les prostituées ne te dégoûtent pas, tu traites en amis les voleurs et les usuriers et les ruffians de Zachée, tu accueilles comme si c'était le Messie l'espion du Temple, ô sot que tu es ! Et tu nous donnes pour chef un ignorant, pour trésorier un gabeleur, et pour ton confident tu prends un imbécile. Et à moi tu mesures la moindre piécette, tu ne me laisses pas d'argent, tu me tiens près de Toi comme un galérien est tenu près de sa place au banc de rameur. Tu ne veux même pas que nous, je dis nous, mais c'est moi, moi seul, qui ne dois pas accepter d'obole des pèlerins. C'est pour que je ne touche pas l'argent que tu as ordonné de ne prendre l'argent de personne. Parce que tu me hais. Eh bien : moi aussi je te hais ! Tu n'as pas su me frapper et me maudire tout à l'heure. Ta malédiction m'aurait réduit en cendres. Pourquoi ne l'as-tu pas donnée ? Je l'aurais préférée plutôt que de te voir si incapable, si faible, un homme fini, un homme vaincu..."
"Tais-toi !"
"Non ! As-tu peur que Jean entende ? As-tu peur que lui finalement comprenne qui tu es, et qu'il t'abandonne ? Ah ! Tu l'as cette peur, Toi qui fais le héros ! Oui, tu as peur ! Et tu as peur de moi. Tu as peur ! C'est pour cela que tu n'as pas su me maudire. C'est pour cela que tu feins l'amour, alors que tu me hais ! Pour me flatter ! Pour me tenir tranquille ! Tu sais que je suis une force ! Tu le sais que je suis la force. La force qui te hait et qui te vaincra ! Je t'ai promis que je te suivrais jusqu'à la mort, en t'offrant tout, et je t'ai tout offert, et je resterai près de Toi, jusqu'à ton heure et jusqu'à mon heure. Roi magnifique qui ne sait pas maudire et chasser ! Roi des nuages ! Roi idole ! Roi imbécile ! Menteur ! Traître à ton propre destin. Tu m'as toujours méprisé, dès notre première rencontre. Tu n'as pas su me comprendre. Tu te croyais sage. Tu es un idiot. Je t'enseignais le bon chemin. Mais Toi... Oh ! Tu es le pur ! Tu es la créature qui est homme mais qui est Dieu, et tu méprises les conseils de l'Intelligent. Tu t'es trompé dès le premier moment, et tu te trompes. Tu... Tu es... Ah !"
Le flot de paroles cesse brusquement et après c'est un silence lugubre après tant de cris et une lugubre immobilité après tant de gestes. Pendant que j'écrivais sans pouvoir dire ce qui se passait, Judas courbé, semblable, oui, semblable à un chien féroce qui guette sa proie et s'en approche, prêt à s'élancer dessus, s'est approché de plus en plus de Jésus, avec un visage dont la vue est insoutenable, les mains crispées, les coudes serrés contre le corps, comme si réellement il allait l'attaquer. Jésus ne montre pas la moindre peur et tourne même le dos à l'autre, qui pourrait l'assaillir et Lui sauter au cou, sans pourtant le faire. Jésus se retourne pour ouvrir la porte et regarder dans le couloir si Jean vraiment s'en est allé. Le couloir est vide et presque obscur, car Jean a fermé la porte qui donne sur le jardin après être sorti de là. Alors Jésus referme la porte et la verrouille et s'adosse contre elle, en attendant, sans un geste ni une parole, que tombe la furie de Judas.
// Je ne suis pas compétente, mais je crois ne pas me tromper en disant que par la bouche de Judas, c'est Satan lui-même qui parlait, que c'est un moment de possession évidente de Satan dans l'apôtre perverti, déjà au seuil du Crime, déjà damné par sa propre volonté. // La manière même dont s'arrête le flot de paroles, laissant l'apôtre comme abasourdi, me rappelle d'autres scènes de possessions, vues pendant les trois années de la vie publique de Jésus.
Jésus, adossé à la porte, tout blanc contre le bois sombre, ne fait pas le moindre geste. Seulement ses yeux jettent sur l'apôtre un regard puissant de douleur et de ferveur. Si on pouvait dire que les yeux prient, je dirais que les yeux de Jésus prient pendant qu'il regarde le malheureux; en effet ce n'est pas seulement la maîtrise qui sort de ces yeux si affligés, mais c'est aussi la ferveur d'une prière. Puis, vers la fin de l'altercation de Judas, Jésus ouvre ses bras qui étaient serrés contre son corps, mais il ne les ouvre pas pour toucher Judas, ni pour faire un geste vers lui, ou pour les lever vers le ciel. Il les ouvre horizontalement, en prenant la pose du Crucifié, là contre le bois sombre et le mur rougeâtre. C'est alors que dans la bouche de Judas se ralentissent les dernières paroles et que sort le "Ah" qui interrompt son discours.
Jésus reste comme il est, les bras ouverts, et regarde toujours l'apôtre de ce regard douloureux et priant. Judas, comme quelqu'un qui sort du délire, se passe la main sur le front, sur son visage en sueur... réfléchit et, se souvenant de tout, s'écroule par terre et je ne sais s'il pleure ou non. Certainement il s'affale par terre comme si les forces lui manquaient.
Jésus abaisse son regard et ses bras et, à voix basse mais distincte, lui dit :
"Eh bien ? Est-ce que je te hais ? Je pourrais te frapper du pied, t'écraser en te traitant de "ver", je pourrais te maudire, comme je t'ai délivré de la force qui te fait délirer. Tu l'as prise pour de la faiblesse mon impossibilité de te maudire. Oh ! ce n'est pas de la faiblesse ! C'est que je suis le Sauveur. Et le Sauveur ne peut maudire. Il peut sauver. Il veut sauver... Tu as dit : "Je suis la force. La force qui te hait et qui te vaincra". Moi aussi je suis la Force et même : je suis l’unique Force. Mais ma force n’est pas de la haine c'est de l'amour. Et l'amour ne hait pas et ne maudit pas, jamais. La Force pourrait triompher aussi dans les duels comme celui-ci entre toi et Moi, entre Satan qui est en toi et Moi, et t'enlever ton maître, pour toujours, comme je viens de le faire en devenant le signe qui sauve, le Tau que Lucifer ne peut voir. Il pourrait aussi remporter la victoire dans ces duels, comme il vaincra dans le combat prochain contre Israël incrédule et assassin, contre le monde et contre Satan vaincu par la Rédemption. Il pourrait même vaincre dans ces duels, comme il vaincra dans cette ultime bataille, lointaine pour celui qui compte les siècles, proche pour qui mesure le temps en le comparant à l'éternité.
Mais à quoi servirait-il de violer les règles parfaites de mon Père ? Serait-ce justice ? Serait-ce mérite ? Non. Il n'y aurait ni justice ni mérite. Pas de justice à l'égard des autres hommes coupables, auxquels ne serait pas enlevée la liberté de l'être, qui pourraient au dernier jour me demander le pourquoi de leur condamnation et me reprocher ma partialité à l'égard de toi seul. Ils seront des dizaines et des centaines de mille, septante fois des dizaines et des centaines de mille, ceux qui feront les mêmes péchés que toi et se livreront au démon par leur propre volonté, et qui offenseront Dieu, tortureront leurs pères et mères, et seront des assassins, des voleurs, des menteurs, des adultères, des luxurieux, des sacrilèges, et enfin des déicides, en tuant matériellement le Christ un jour prochain, en le tuant spirituellement dans leurs cœurs dans les temps futurs.
Et tous pourraient me dire, quand je viendrai séparer les agneaux des boucs, pour bénir les premiers et pour maudire, alors oui, pour maudire les seconds, pour maudire car alors il n'y aura plus de rédemption, mais gloire ou condamnation, pour les maudire de nouveau après les avoir déjà maudits en particulier à leur mort et à leur jugement particulier.
En effet l'homme, tu le sais pour me l'avoir entendu dire des centaines et des milliers de fois, l'homme peut se sauver tant que dure sa vie, jusqu'à son dernier soupir. Il suffit d'un instant, d'un millième de minute, pour que tout soit dit entre l'âme et Dieu, pour qu'elle demande pardon et obtienne l'absolution... Tous, disais-je, pourraient me dire, tous ces damnés : "Pourquoi ne nous as-tu pas attachés au Bien, comme tu as fait pour Judas ?" Et ils auraient raison.
Car tout homme naît avec les mêmes choses naturelles et surnaturelles; un corps, une âme. Et alors que le corps, étant engendré par des hommes, peut être plus ou moins robuste, plus ou moins sain à sa naissance, l'âme, créée par Dieu, est pareille pour tous, douée des mêmes propriétés, des mêmes dons de Dieu. Entre l'âme de Jean, je parle du Baptiste, et la tienne, il n'y avait pas de différence quand elles furent infusées dans la chair. Et pourtant je te dis que même si la Grâce ne l'avait pas présanctifié, pour que le Héraut du Christ fût sans tache, comme il conviendrait que le fussent tous ceux qui m'annoncent, du moins pour ce qui regarde les péchés actuels, son âme aurait été, serait devenue bien différente de la tienne, ou plutôt la tienne serait devenue différente de la sienne.
En effet il aurait conservé son âme dans la fraîcheur de l'innocence, il l'aurait même ornée toujours plus de justice en secondant la volonté de Dieu qui désire que vous soyez justes, en développant les dons gratuits reçus avec une perfection toujours plus héroïque. Toi, au contraire... Tu as dévasté ton âme et dispersé les dons que Dieu lui avait faits. Qu'as-tu fait de ton libre arbitre ? De ton intelligence ? As-tu conservé à ton esprit la liberté qu'il possédait ? As-tu employé l'intelligence de ton esprit avec intelligence ? Non. Tu ne veux pas m'obéir à Moi, je ne dis pas à Moi-Homme, mais même pas à Moi-Dieu, tu as obéi à Satan. Tu t'es servi de l'intelligence de ta pensée et de la liberté de ton esprit pour comprendre les Ténèbres. Volontairement.
Tu as été placé devant le Bien et le Mal. Tu as choisi le Mal. Et même, tu n'as été placé que devant le Bien, Moi. L'Éternel, ton Créateur, qui a suivi l'évolution de ton âme, qui même connaissait cette évolution, car l'Éternelle Pensée n'ignore rien de ce qui se fait depuis que le temps existe, t'a placé devant le Bien, seulement devant le Bien, car Il sait que tu es faible plus qu'une algue de fossé.
Tu m'as crié que je te hais.
Or, puisque je suis Un avec le Père et avec l'Amour, Un ici comme au Ciel — si en Moi existent les deux natures, et le Christ, par la nature humaine et tant que sa victoire ne l'aura pas libéré des limites humaines, est à Éphraïm et ne peut être autre part en cet instant; comme Dieu : Verbe de Dieu, je suis au Ciel comme sur la Terre, ma Divinité étant toujours omniprésente et toute puissante.
Or, puisque je suis Un avec le Père et l'Esprit-Saint, l'accusation que tu as faite contre Moi, c'est contre le Dieu Un et Trin que tu l'as faite. Contre ce Dieu-Père qui t'a créé par amour, contre ce Dieu-Fils qui s'est incarné pour te sauver par amour, contre ce Dieu-Esprit qui t'a parlé tant de fois pour te donner de bons désirs, par amour. Contre ce Dieu Un et Trin, qui t'a tant aimé, qui t'a amené sur mon chemin, en te rendant aveugle au monde pour te donner le temps de me voir, sourd au monde pour te donner la possibilité de m'entendre.
Et toi !... Et toi !... Après m'avoir vu et entendu, après être venu librement au Bien, te rendant compte par ton intelligence que c'était l'unique chemin de la vraie gloire, tu as repoussé le Bien et tu t'es donné librement au Mal. Mais si tu l'as voulu par ton libre arbitre, si tu as toujours plus rudement repoussé ma main qui s'offrait à toi pour te tirer hors du gouffre, si tu t'es toujours plus éloigné du port pour t'enfoncer dans la mer furieuse des passions, du Mal, peux-tu me dire, à Moi, à Celui de qui je procède, à Celui qui m'a formé comme Homme pour essayer de te sauver, peux-tu dire que nous t'avons haï ?
Tu m'as reproché de vouloir ton mal... Même l'enfant malade reproche au médecin et à sa mère les remèdes amers qu'ils lui font boire et les choses agréables qu'ils lui refusent pour son bien. Satan t'a rendu tellement aveugle et fou, que tu ne comprends plus la vraie nature des précautions que j'ai prises en ta faveur et que tu puisses arriver à appeler malveillance, désir de te ruiner, ce qui était un soin prévoyant de ton Maître, de ton Sauveur, de ton Ami pour te guérir ? Je t'ai gardé près de Moi... Je t'ai enlevé l'argent des mains.
Je t'ai empêché de toucher ce métal maudit qui te rend fou... Mais tu ne sais pas, mais tu ne te rends pas compte que c'est comme un de ces breuvages magiques qui éveillent une soif inextinguible, qui produisent dans le sang une ardeur, une fureur qui mène à la mort ?
Toi, je lis ta pensée, tu me reproches : "Et alors, pourquoi pendant si longtemps m'as-tu laissé être celui qui était chargé de l'argent ?" Pourquoi ? Parce que si je t'avais empêché plus tôt de toucher l'argent, tu te serais vendu plus tôt et tu aurais volé plus tôt. Tu t'es vendu quand même, parce que tu pouvais voler peu de choses... Mais Moi, je devais essayer de l'empêcher sans violenter ta liberté. L'or est ta ruine. À cause de l'or tu es devenu luxurieux et traître..."
"Voilà ! Tu as cru aux paroles de Samuel ! Je ne suis pas..."
Jésus, dont la parole s'était animée de plus en plus, mais sans jamais prendre un ton violent ou annonciateur de châtiment, pousse un cri imprévu de domination, je dirais de fureur. Il darde son regard sur le visage que Judas a levé pour dire cette parole et il lui impose un "Tais-toi !" qui semble l'éclat de la foudre.
Judas retombe sur ses talons et n'ouvre plus la bouche.
Un silence pendant lequel avec un effort visible Jésus redonne à son humanité une attitude tranquille, une maîtrise si puissante qu'elle témoigne à elle seule du divin qui est en Lui. Il recommence à parler de sa voix habituelle, chaude, douce même quand elle est sévère, persuasive, conquérante... Il n'y a que les démons qui puissent résister à cette voix.
"Je n'ai pas besoin que Samuel ou n'importe qui parle pour connaître tes actions. Mais, ô malheureux ! Sais-tu devant qui tu te trouves ? C'est vrai ! Tu dis que tu ne comprends plus mes paraboles. Tu ne comprends plus mes paroles. Pauvre malheureux ! Tu ne te comprends même plus toi-même. Tu ne comprends même plus le bien et le mal. Satan à qui tu t'es donné de multiples façons, Satan que tu as suivi dans toutes les tentations qu'il te présentait, t'a rendu imbécile. Mais pourtant, autrefois, tu me comprenais ! Tu croyais que je suis Celui que je suis ! Et ce souvenir n'est pas éteint en toi. Et tu peux croire que le Fils de Dieu, que Dieu a besoin des paroles d'un homme pour connaître la pensée et les actions d'un autre homme ? Tu n'es pas encore perverti au point de ne pas croire que je suis Dieu, et c'est en cela que réside ta faute la plus grande.
Car, que tu me crois tel, le prouve la peur que tu as de ma colère. Tu sens que tu ne luttes pas contre un homme, mais contre Dieu-même, et tu trembles. Tu trembles parce que, Caïn, tu ne peux voir Dieu et te le représenter autrement que comme Celui qui se venge Lui-même et qui venge les innocents. Tu as peur qu'il arrive pour toi comme à Coré, Datân et Abiron (Abiram) et à leurs partisans.
Et pourtant, sachant qui je suis, tu luttes contre Moi. Je devrais te dire : "Maudit !" Mais je ne serais plus le Sauveur...
Tu voudrais que Moi, je te chasse. Tu fais tout, dis-tu, pour y arriver. Cette raison ne justifie pas tes actions, car tu n'as pas besoin de pécher pour te séparer de Moi. Tu peux le faire, te dis-je. Je te le dis depuis Nobé, quand tu es revenu vers Moi dans une pure matinée, souillé par le mensonge et l'impureté, comme si tu étais sorti de l'enfer pour tomber dans la fange des porcs, ou sur la litière de guenons libidineuses. J'ai dû faire effort sur Moi-même pour ne pas te repousser avec le bout de la sandale comme un chiffon dégoûtant et pour arrêter la nausée qui me bouleversait non seulement l'esprit, mais aussi les entrailles. Je te l'ai toujours dit, même avant de te recevoir, même avant de venir ici. Alors, c'est vraiment pour toi, pour toi seul, que j'ai fait ce discours. Mais tu as toujours voulu rester. Pour ta ruine. Toi ! Ma plus grande douleur !
Mais voilà que tu penses et que tu dis, ô hérétique, chef de file de beaucoup qui viendront, que je suis au-dessus de la douleur.
Non. Je ne suis au-dessus que du péché, que de l'ignorance : au-dessus du péché puisque je suis Dieu, au-dessus de l'ignorance car il ne peut y avoir d'ignorance dans une âme qui n'est pas blessée par la Faute d'Origine. Mais je te parle comme Homme, comme l'Homme, comme l'Adam Rédempteur venu pour réparer la Faute d'Adam pécheur, et pour montrer ce qu'aurait été l'homme s'il était resté dans l'état où il fut créé : innocent. Parmi les dons de Dieu à cet Adam n'y avait-il pas peut-être une intelligence intacte et une science très grande, puisque l'union avec Dieu versait les lumières du Père tout Puissant dans son fils béni ? Moi, nouvel Adam, je suis au-dessus du péché par ma propre volonté...
Un jour, dans un temps lointain, tu t'es étonné que j'ai été tenté, et tu m'as demandé si je n'avais jamais cédé. Tu t'en souviens ? Et je t'ai répondu... Oui, comme je pouvais te répondre... Car toi, dès ce moment, tu étais ainsi... un homme tellement déchu, qu'il était inutile de te mettre sous les yeux les perles très précieuses des vertus du Christ. Tu n'en aurais pas compris la valeur et... tu les aurais prises pour... des cailloux, tant leur grandeur était exceptionnelle. Dans le désert aussi, je t'ai répondu en te répétant les paroles, le sens des paroles que je t'avais dites en allant vers le Gethsémani. Si cela avait été Jean ou même Simon le Zélote à me répéter cette question, j'aurais répondu d'une autre manière, car Jean est un pur et il ne l'aurait pas faite avec la malice avec laquelle tu la faisais, plein de malice comme tu l'étais... et parce que Simon est un vieux sage et, sans ignorer la vie comme Jean, il est arrivé à une sagesse qui sait contempler tout événement sans en être troublé dans son moi. Mais eux ne m'ont pas demandé si je n'avais jamais cédé aux tentations, à la tentation la plus commune, à cette tentation. Car dans la pureté intacte du premier, il n'y a pas de souvenirs de luxure, et dans l'esprit méditatif du second, il y a une si grande lumière pour voir resplendir la pureté en Moi
Tu as demandé... et je t'ai répondu, comme je pouvais. Avec cette prudence qui ne doit jamais se séparer de la sincérité, l'une et l'autre, saintes aux yeux de Dieu. Cette prudence qui est comme le triple voile tendu entre le Saint et le peuple, tendu pour cacher le secret du Roi. Cette prudence qui règle les paroles selon le sujet qui les entend, selon sa capacité intellective de comprendre, sa pureté spirituelle et sa justice. Car certaines vérités, dites à des gens souillés, deviennent pour eux objet de risée, non de vénération...
Je ne sais si tu te souviens de toutes ces paroles. Moi je m'en souviens, et je te les répète ici, en cette heure où toi et Moi sommes tous les deux sur le bord de l'Abîme. Parce que... Mais il n'est pas besoin de dire cela. Je l'ai dit dans le désert en réponse au "pourquoi" que ma première explication n'avait pas apaisé : "Le Maître ne s'est jamais senti supérieur à l'homme pour être le 'Messie'. Au contraire, sachant qu'il était l'Homme, il a voulu l'être en tout sauf pour le péché. Pour être maître, il faut avoir été élève. Moi, je savais tout comme Dieu. Mon intelligence divine pouvait me faire comprendre même les luttes de l'homme, par puissance intellective et intellectuellement.
Mais un jour quelqu'un de mes pauvres amis aurait pu me dire : 'Tu ne sais pas ce que cela veut dire d'être homme et d'avoir les sens et les passions'. Le reproche aurait été juste. Je suis venu ici pour me préparer non seulement à la mission, mais aussi à la tentation, à la tentation satanique, car l'homme n'aurait pas pu avoir de pouvoir sur Moi. Satan est venu à la fin de mon union solitaire avec Dieu, et j'ai senti que j'étais l'Homme avec une vraie chair sujette aux faiblesses de la chair : la faim, la lassitude, la soif, le froid. J'ai senti la matière avec ses exigences, le moral avec ses passions. Et si par ma volonté, j'ai dompté dès leur naissance toutes les passions qui ne sont pas bonnes, j'ai laissé croître les saintes passions". Te souviens-tu de ces paroles ?
Et j'ai dit encore, la première fois, à toi, à toi seul : "La vie est un don saint et alors elle doit être aimée saintement. La vie est un moyen qui sert à la fin, qui est l'éternité". J'ai dit : "Donnons alors à la vie ce qui lui sert pour durer et pour servir l'esprit dans sa conquête : continence de la chair dans ses appétits, continence de l'esprit dans ses désirs, continence du cœur dans toutes les passions qui appartiennent à l'humain, et élan sans limites vers les passions du Ciel : amour pour Dieu et le prochain, volonté de servir Dieu et le prochain, obéissance à la voix de Dieu, héroïsme dans le bien et dans la vertu".
Et tu m'as dit, alors, que Moi je le pouvais parce que j'étais saint, mais que toi tu ne le pouvais pas, parce que tu étais un homme jeune, plein de vitalité. Comme si la jeunesse et la vigueur étaient une excuse pour le vice, comme s'il n'y avait que les vieux ou les malades, par suite de l'âge ou de la faiblesse, impuissants pour ce que tu pensais, brûlé comme tu l'es par la luxure, qui fussent soustraits aux tentations des sens ! J'aurais pu te répliquer tant de choses, alors. Mais tu n'étais pas en état de les comprendre. Tu ne l'es même pas maintenant, mais au moins maintenant tu ne peux sourire de ton sourire incrédule si Moi je te dis que l'homme sain peut être chaste, s'il n'accueille pas de lui-même les séductions du démon et des sens.
La chasteté est une affection spirituelle, c'est un mouvement qui se répercute sur la chair et l'envahit toute entière, l'élève, la parfume, la préserve. Celui qui est saturé de chasteté n'a pas de place pour les autres mouvements qui ne sont pas bons. La corruption n'entre pas en lui. Il n'y a pas de place pour elle. Et puis, la corruption n'entre pas du dehors.
Ce n'est pas un mouvement de pénétration de l'extérieur dans l'intérieur. Mais c'est un mouvement qui de l'intérieur, du cœur, de la pensée, sort pour pénétrer et envahir l'enveloppe : la chair. C'est pour cela que j'ai dit que c'est du cœur que sort la corruption sous toutes ses formes. Tout adultère, toute luxure, tout péché sensuel, il n'en est pas dont l'origine soit à l'extérieur, mais il vient de l'activité de la pensée qui, corrompue, revêt d'un aspect excitant tout ce qu'elle voit. Tous les hommes ont des yeux pour voir. Et comment arrive-t-il alors qu'une femme qui laisse indifférents dix hommes qui la regardent comme une créature semblable à eux, qui la voient même comme une belle œuvre de la Création, mais sans pour cela sentir se soulever en eux des attraits et des imaginations obscènes, trouble-t-elle le onzième homme et l'amène-t-elle à des désirs indignes ? C'est que ce onzième a corrompu son cœur et sa pensée et où dix voient une sœur, lui voit une femelle.
Pourtant, sans te dire cela alors, je t'ai dit que je suis venu justement pour les hommes, non pour les anges. Je suis venu pour rendre aux hommes leur royauté de fils de Dieu, en leur enseignant à vivre en dieux. Dieu est exempt de luxure, ô Judas. Mais j'ai voulu vous montrer que l'homme aussi peut être exempt de luxure. Mais j'ai voulu vous montrer que l'on peut vivre comme je l'enseigne. Pour vous le montrer, j'ai dû prendre une vraie chair pour pouvoir souffrir les tentations de l'homme et dire à l'homme, après l'avoir instruit : "Faites comme Moi".
Et tu m'as demandé si j'avais péché, étant tenté. T'en souviens-tu ? Je t'ai répondu, puisque tu ne pouvais comprendre que j'eusse été tenté sans être tombé, car il te semblait que la tentation ne convenait pas pour le Verbe et qu'il était impossible que l'Homme ne pèche pas, je t'ai répondu que tous peuvent être tentés, mais que ne sont pécheurs que ceux qui veulent l'être. Ton étonnement fut grand, tu ne croyais pas, au point que tu as insisté : "Tu n'as jamais péché ?"
Alors tu pouvais être incrédule. Nous nous connaissions depuis peu. La Palestine est pleine de rabbis dont la doctrine qu'ils enseignent est l'antithèse de la vie qu'ils mènent. Mais maintenant tu sais que je n'ai pas péché, que je ne pèche pas. Tu le sais que la tentation, même la plus violente, tournée vers l'homme sain, viril, vivant parmi les hommes, entouré par eux et par Satan, ne me trouble pas jusqu'au péché. Mais au contraire, toute tentation, bien que de la repousser en augmentait la virulence, car le démon la rendait toujours plus violente pour me vaincre, était une plus grande victoire. Et ce n'est pas seulement pour la luxure, tourbillon qui a tourné autour de Moi sans pouvoir ébranler ni érafler ma volonté.
Il n'y a pas de péché là où on ne consent pas à la tentation, Judas. C'est déjà un péché là où, même sans consommer l'acte, on accueille la tentation et où on s'y arrête. Ce sera un péché véniel, mais c'est déjà se diriger vers le péché mortel qu'il prépare en vous, car accueillir la tentation et vous y arrêter par la pensée, suivre mentalement les phases d'un péché, c'est vous affaiblir vous-mêmes. Satan le sait, et c'est pour cela qu'il essaie des coups répétés, espérant toujours que l'un d'eux pénètre et travaille à l'intérieur... Après... il serait facile que celui qui est tenté se change en coupable.
Toi, alors, tu n'as pas compris. Tu ne pouvais comprendre. Maintenant, tu le peux. Maintenant, tu mérites moins qu'alors de comprendre, et pourtant je te répète ces paroles que j'ai dites à toi, pour toi, parce que toi, et non pas Moi, es quelqu'un pour qui la tentation repoussée ne s'apaise pas... Elle ne s'apaise pas parce que tu ne la repousses pas totalement. Tu n'accomplis pas l'acte, mais tu en couves la pensée. Aujourd'hui ainsi, et demain... Demain tu tomberas dans le vrai péché. C'est pour cela que je t'ai enseigné, alors, de demander l'aide du Père contre la tentation, je t'ai enseigné à demander au Père de ne pas t'induire en tentation. Moi, le Fils de Dieu, Moi, déjà victorieux de Satan, j'ai demandé de l'aide au Père parce que je suis humble. Toi, non. Tu n'as pas demandé au Père le salut, la préservation. Tu es orgueilleux, et c'est pour cela que tu t'enfonces...
Te souviens-tu de tout cela ? Et peux-tu maintenant comprendre ce que c'est pour Moi, vrai Homme, avec toutes les réactions de l'homme, et vrai Dieu, avec toutes les réactions de Dieu, ce que c'est pour Moi de te voir ainsi : luxurieux, menteur, voleur, traître, homicide ? Sais-tu quel effort je m'impose pour te supporter près de Moi ? Sais-tu quelle peine pour me maîtriser, comme maintenant, pour accomplir jusqu'au bout ma mission sur toi ? Tout autre homme t'aurait saisi à la gorge, en te voyant voleur, occupé à crocheter et à prendre l'argent, en te sachant traître, et plus que traître... Moi, je t'ai parlé. Avec pitié, encore. Regarde. Ce n'est pas l'été et par la fenêtre entre la brise fraîche du soir. Et pourtant je sue comme si j'avais fatigué dans le plus rude travail. Mais ne te rends-tu pas compte de ce que tu me coûtes ? De ce que tu es ? Tu veux que je te chasse ? Non, jamais. Quand quelqu'un se noie, est un assassin celui qui le laisse aller. Tu es entre deux forces qui t'attirent. Satan et Moi. Mais si je te laisse, tu n'auras que lui seul. Et comment te sauveras-tu ? Et pourtant tu me quitteras... Tu m'as déjà quitté par ton esprit... Eh bien : je garde auprès de Moi, malgré cela, la chrysalide de Judas, ton corps dénué de la volonté de m'aimer, ton corps inerte au Bien. Je la garde tant que tu n'exiges pas aussi ce rien qu'est ta dépouille afin de la réunir à ton esprit pour pécher avec tout toi-même.
Judas !... Tu ne me parles pas, ô Judas ! ? Tu n'as pas un mot pour ton Maître ? Tu n'a pas une prière à me faire ? Je n'exige pas que tu me dises : "Pardon !" Je t'ai pardonné trop de fois sans résultat. Je sais que cette parole n'est qu'un son sur tes lèvres. Ce n'est pas un mouvement de l'esprit contrit. Je voudrais un mouvement de ton cœur. Es-tu mort au point de n'avoir plus un désir ? Parle ! As-tu peur de Moi ? Oh ! si tu me craignais ! Cela au moins ! Mais tu ne me crains pas. Si tu me craignais, je te dirais les paroles que je t'ai dites en ce jour lointain où nous parlions de tentations et de péchés : "Moi je te dis que même après le Crime des crimes, si celui qui en est coupable courait aux pieds de Dieu, avec un vrai repentir, et si en pleurant il le suppliait de le lui pardonner en s'offrant pour expier avec confiance, sans désespoir, Dieu le lui pardonnerait, et par l'expiation le coupable sauverait encore son esprit". Judas ! Si tu ne me crains pas, Moi, je t'aime encore. À mon amour infini, n'as-tu rien à demander à cette heure ?"
"Non. Ou du moins une seule chose : que tu imposes à Jean de ne pas parler. Comment veux-tu que je puisse réparer si je suis l'opprobre parmi vous ?"
Il le dit avec hauteur. Et Jésus lui répond :
"Et c'est ainsi que tu le dis ? Jean ne parlera pas. Mais toi au moins, c'est Moi qui te le demande, agis de façon que rien ne transparaisse de ta ruine. Ramasse ces pièces et remets-les dans la bourse de Jeanne... Je m'arrangerai pour fermer le coffre... avec le fer dont tu t'es servi pour l'ouvrir..."
Et pendant que de mauvaise grâce Judas ramasse les pièces qui ont roulé de tous côtés, Jésus s'appuie comme s'il était las au coffre ouvert. La lumière baisse dans la pièce, mais pas assez pour ne pas laisser voir que Jésus pleure sans bruit, en regardant l'apôtre penché pour ratisser les pièces dispersées.
Judas a fini. Il va au coffre, il prend la grosse et lourde bourse de Jeanne et y met les pièces, la ferme, et dit :
"Voilà !"
Il s'écarte.
Jésus allonge la main pour prendre le crochet rudimentaire fabriqué par Judas et, d'une main qui tremble, il fait agir le déclic et ferme le coffre fort. Puis, appuyant le fer contre son genou, il le plie en V, puis avec le pied il finit de le déformer pour le rendre inutilisable et il le ramasse pour le cacher dans son sein. Pendant qu'il le fait, des larmes tombent sur son vêtement de lin.
Judas a finalement un mouvement de regret. Il se couvre le visage de ses mains et il éclate en sanglots en disant :
"Maudit que je suis ! Je suis l'opprobre de la Terre !"
"Tu es le malheureux éternel ! Et penser que si tu voulais, tu pourrais encore être heureux !"
"Jure-moi, jure-moi que personne ne saura rien... et moi, je te jure que je me rachèterai" crie Judas.
"Ne dis pas : "et moi, je me rachèterai". Tu ne peux pas. Moi seul puis te racheter. Celui qui auparavant parlait par tes lèvres ne peut être vaincu que par Moi. Dis-moi la parole de l'humilité : "Seigneur, sauve-moi !" et je te délivrerai de celui qui te domine. Ne comprends-tu pas que je l'attends cette parole, plus que le baiser de ma Mère ?"
Judas pleure, pleure, mais il ne dit pas cette parole.
"Va ! Sors d'ici, monte sur la terrasse. Va où tu veux, mais ne fais pas de scène bruyante. Va ! Va ! Personne ne te découvrira car je veillerai. À partir de demain, tu garderas l'argent. Tout est inutile désormais."
Judas sort sans répliquer. Jésus, resté seul, s'abandonne sur un siège près de la table et la tête appuyée sur ses bras croisés sur la table, il verse des pleurs angoissés.
Quelques minutes après Jean entre doucement et il reste un moment sur le seuil. Il est pâle comme un mort. Puis il court vers Jésus et l'embrasse en suppliant :
"Ne pleure pas, Maître ! Ne pleure pas ! Je t'aime aussi pour ce malheureux..."
Il le relève, l'embrasse, boit les pleurs de son Dieu et pleure à son tour. Jésus l'embrasse, et les deux têtes blondes, l'une près de l'autre, échangent larmes et baisers.
Mais Jésus se domine bientôt et il dit :
"Jean, par amour pour Moi, oublie tout cela. Je le veux."
"Oui, mon Seigneur. J'essaierai de le faire. Mais Toi, ne souffre plus... Ah ! Quelle douleur ! Et il m'a fait pécher, mon Seigneur. J'ai menti. J'ai dû mentir car les femmes disciples sont revenues. Non, d'abord ceux de la femme. Ils te demandaient pour te bénir. Un garçon est né sans inconvénients. J'ai dit que tu étais retourné sur la montagne... Puis les femmes sont venues et j'ai recommencé de mentir en disant que tu étais parti et que peut-être tu étais à la maison où est né le garçon... Je n'ai rien trouvé d'autre à dire. J'étais tellement abasourdi ! Ta Mère a vu que j'avais pleuré et elle m'a demandé : "Qu'as-tu, Jean ?" Elle était agitée... Elle paraissait savoir. J'ai menti pour la troisième fois en disant : "Je me suis ému pour cette femme..." À quoi peut conduire le voisinage d'un pécheur ! Au mensonge... Absous-moi, ô mon Jésus."
"Sois en paix. Efface tout souvenir de cette heure. Rien. Rien n'est arrivé... Un rêve..."
"Mais ta douleur ! Oh ! comme tu es changé, Maître ! Dis-moi ceci, ceci seulement : Judas s'est-il au moins repenti ?"
"Et qui peut comprendre Judas, mon fils ?"
"Aucun de nous. Mais Toi, si."
Jésus ne répond que par de nouvelles larmes silencieuses sur son visage fatigué.
"Ah ! Il ne s'est pas repenti !..."
Jean est terrifié.
"Où est-il maintenant ? L'as-tu vu ?"
"Oui. Il s'est montré à la terrasse, a regardé s'il y avait quelqu'un, et n'ayant vu que moi, qui étais assis angoissé sous le figuier, il est descendu en courant et il est sorti par le portillon du jardin. Et alors, moi, je suis venu..."
"Tu as bien fait. Remettons en place ici les sièges dérangés et prends l'amphore, qu'il n'y ait pas de traces..."
"Il a lutté avec Toi."
"Non, Jean. Non."
"Tu es trop troublé, Maître, pour rester ici. Ta Mère comprendrait... et elle en aurait du chagrin."
"C'est vrai. Sortons... Tu donneras la clef à la voisine. Je te précède sur les rives du torrent, vers le mont..."
Jésus sort et Jean reste pour remettre tout en ordre. Puis il sort à son tour. Il donne la clef à une femme qui a sa maison à côté et il s'enfuit en courant parmi les buissons de la rive pour qu'on ne le voie pas.
À une centaine de mètres de la maison, Jésus est assis sur un rocher. Il se tourne au bruit des pas de l'apôtre. Son visage blanchit dans la lumière du soir. Jean s'est assis par terre tout près de Lui, et il pose sa tête sur ses genoux, en levant son visage pour le regarder. Il voit qu'il y a encore des larmes sur les joues de Jésus.
"Oh ! ne souffre plus ! Ne souffre plus, Maître ! Je ne puis te voir souffrir !"
"Et puis-je ne pas souffrir de cela ? Ma plus grande douleur ! Souviens-toi de cela, Jean : ce sera éternellement ma plus grande douleur ! Tu ne peux encore tout comprendre... Ma plus grande douleur..."
Jésus est accablé, Jean le tient serré, en l'embrassant à la taille, angoissé de ne pouvoir le consoler.
Jésus lève la tête, ouvre ses yeux qu'il gardait clos pour retenir ses larmes, et il dit :
"Rappelle-toi que nous sommes trois à savoir : le coupable, toi et Moi. Et que personne d'autre ne doit savoir."
"Personne ne le saura de ma bouche. Mais comment a-t-il pu ? Tant qu'il prenait de l'argent à la bourse commune... Mais à cela !... J'ai cru être fou quand je l'ai vu... Horreur !"
"Je t'ai dit d'oublier..."
"Je m'efforce, Maître. Mais c'est trop horrible..."
"C'est horrible, oui. Oh ! Jean, Jean !"
Et Jésus, embrassant le Préféré, penche sa tête sur son épaule et il pleure toute sa douleur. Les ombres, qui descendent rapidement dans ce bosquet, font disparaître dans leurs ténèbres les deux qui se tiennent embrassés.
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
---> DGC reproche à Jésus d'être comme un médecin au chevet de Judas, lui parlant longuement avec autorité et persuasion, ce qu'il prend péjorativement pour "de l'amour passionnel" : mais n'est-ce pas bien plutôt le propre du médecin de tenter une opération extrêmement difficile de la dernière chance, même si elle a seulement une chance sur 100 milliards de réussir ?
---> Si Jésus se montrait ici moins persuasif, moins ardent dans son amour, s'Il comptabilisait davantage le temps passé avec Judas, alors ne pourrait-on pas L'accuser plus tard avec raison de n'avoir pas tout tenté en sa faveur, et ainsi d'être en partie responsable de sa damnation ?
---> Loin donc de se montrer "passionnel et victimal" envers le futur traître, Jésus lui donne la preuve de son Amour sans mesure que rien ne peut vaincre, sinon le refus absolu de l'Amour culminant dans le désespoir :
" Tout autre homme t'aurait saisi à la gorge, en te voyant voleur, occupé à crocheter et à prendre l'argent, en te sachant traître, et plus que traître... Moi, je t'ai parlé. Avec pitié, encore."
DGC :
Difficile d’éclaircir si l’on parle ici d’obéissance à une inspiration démoniaque ou de possession au sens strict.
1 ) Dommage pour l’auteur, nous venons de lire tout l’épisode qu’il incrimine, et nous savons donc qu’il s’agit à l'évidence d’un état de possession démoniaque dont Jésus a triomphé, comme le dit ici Jésus Lui-même :
« (…) C'est alors que dans la bouche de Judas se ralentissent les dernières paroles et que sort le "Ah" qui interrompt son discours.
Jésus reste comme il est, les bras ouverts, et regarde toujours l'apôtre de ce regard douloureux et priant. Judas, comme quelqu'un qui sort du délire, se passe la main sur le front, sur son visage en sueur... réfléchit et, se souvenant de tout, s'écroule par terre et je ne sais s'il pleure ou non. Certainement il s'affale par terre comme si les forces lui manquaient.
Jésus abaisse son regard et ses bras et, à voix basse mais distincte, lui dit :
"Eh bien ? Est-ce que je te hais ? Je pourrais te frapper du pied, t'écraser en te traitant de "ver", je pourrais te maudire, comme je t'ai délivré de la force qui te fait délirer. (…) »
2 ) D'autre part : n'importe quel lecteur suffisamment intelligent peut se rendre compte par lui-même que les paroles débitées par Judas de façon totalement maladive sortent de la bouche même de Satan.
---> Par contre, Judas ne semble plus n'être ici que l'instrument possédé par Satan : sa rage haineuse contre Jésus semble bien volontaire, ce qui en ferait non pas simplement le jouet de Satan, mais sa fidèle image, c'est-à-dire un autre lui-même, son incarnation, au moins provisoirement, avant que cela ne devienne définitif.
3 ) Mais Jésus, dans son très long sermon durant lequel Il s’efforce de persuader Judas de demander le pardon et le salut, rappelle bien que c’est l’obéissance aux inspirations démoniaques qui conduit à cette extrême gravité de possession dont souffre son apôtre. L’une et l’autre ne s’opposent pas, comme DGC le prétend.
---> Et plus Judas va persister dans cette funeste obéissance à l’ennemi des âmes, plus il va librement s’exclure du dernier rempart de protection que lui procure encore Jésus, l’Exorciste par excellence, et donner à Satan la possibilité de le posséder encore plus pleinement, au point d’en faire définitivement sa très fidèle image, son incarnation, tout comme Jésus est Celle du Verbe, parfaite Image du Père Éternel.
DGC :
D’ailleurs, les diverses affirmations du « Christ » semblent préserver la liberté de Judas (il obéit volontairement à Satan) et exclure la possession : « Satan à qui tu t’es donné de multiples façons, Satan que tu as suivi dans toutes les tentations qu’il te présentait, t’a rendu imbécile. » (VIII, 28, 262)
« Tu es entre deux forces qui t’attirent. Satan et moi. » (VIII, 28, 268)
---> Une petite « leçon pour les nuls » s’impose ici, car on sent bien que DGC est un peu perdu, lorsqu’il s’agit de comprendre quelque chose au sujet de la possession.
---> Il n’y en a pas qu’une seule sorte, en voici plusieurs cas différents ( liste non exhaustive ) :
1 ) Si l’on peut parler d’un « meilleur cas », il s’agirait de celui d’une personne innocente, perdant le libre contrôle d’elle-même par l’action du démon.
---> Cette pauvre victime appartient peut-être à une famille où un péché grave a été commis comme la magie, la cartomancie, un crime, etc… C’est l’exemple réel d’une petite fille, décrit dans le film « l’exorciste », que les âmes sensibles feraient bien de s’abstenir de visionner.
---> L’exorcisme délivre entièrement le sujet, qui par la suite ne se souvient de rien, et continue paisiblement sa vie.
2 ) Il y a aussi le cas rare des possessions expiatoires, comme celle d’Émilie Rose :
---> la victime vit normalement, et même pieusement, et par intervalles, le démon la terrasse en la faisant délirer violemment. Dans le cas d’Émilie, cette situation s’aggrave, devient progressivement permanente, et la conduit finalement à la mort.
3 ) Un autre cas plus courant implique la culpabilité du possédé :
---> Satan s’est servi de son inclination au péché pour avoir prise sur lui, et aliéner sa raison. Il n’est alors plus lui-même, c’est une bête fauve qu’il faut maîtriser, bavant, hurlant, frappant, mordant etc… Satan peut se servir de cette loque humaine pour parler par sa bouche, comme nous le lisons dans les Évangiles. Mais il serait vain de vouloir le raisonner avant de le délivrer par l’exorcisme.
4 ) Mais le cas qui nous intéresse ici est celui des possessions intelligentes :
---> le possédé n’est pas semblable à un aliéné sans raison, mais en possession apparente de toutes ses facultés intellectuelles, et coopérant dès qu’il le peut à entretenir et approfondir ce lien de possession satanique dans lequel il est pris volontairement. On peut lui parler pour tenter de le raisonner, mais ce cas est gravissime et quasi désespéré, conduisant le plus souvent en enfer.
---> C’est le cas des pharisiens, que Jésus appelle « fils du diable » (Jean 8,44), c’est évidemment aussi le cas de Judas.
---> C'est donc le pire cas de possession, qui implique le maximum de culpabilité de la part du sujet qui n’est pas alors à considérer comme une victime, mais comme l’acteur de son mal qu’il recherche frénétiquement en l'approfondissant, collaborant étroitement avec l’ennemi qui devient quasiment sa seule inspiration.
---> C’est en ce genre de possédés que l’ennemi est le plus libre d’agir à sa guise, avec toute la force de son intelligence mauvaise, sans craindre un exorcisme. Car ce dernier est inefficace si le possédé est pleinement consentant à son mal, et ne souhaite pas en être délivré.
---> Une possession fonctionne souvent par crise : ici, Judas est provisoirement soulagé par la Force du Christ qui continue à l’attirer, et il cesse un instant de n’être plus que la caisse de résonnance de celui qui le domine pour le mal. Mais il refuse cependant de demander pardon ou de l’aide, ne comptant hélas que sur lui-même.
---> La seule et unique chose qui le préoccupe est que les autres disciples ne soient pas au courant de son forfait, car il a honte de lui, et il craint le remord, auquel il ne pourra plus échapper lorsque son crime de déicide sera connu de tous.
---> Il est donc bien entre deux forces qui l’attirent, mais il a déjà tellement cédé à la mauvaise, que la Bonne perd le dernier pouvoir qu’elle a encore sur lui.
---> Bientôt, Jésus cessera tout à fait d’essayer d'exhorter Judas, et le laissera aller librement à son destin funeste.
DGC :
Mais plus tard, « Jésus » est plus radical et très explicite. Il ne s’agit plus de tentation invaincue, mais d’une possession succédant aux multiples défaites de l’Apôtre : « Il s’est approché de toi, en te tentant, en t’essayant, et tu l’as accueilli. Il n’y a pas de possession s’il n’y a pas au début une adhésion à quelque tentation satanique. » (VIII, 36, 321)
---> C’est ce que nous venons d'expliquer : la possession suit généralement la non résistance aux tentations graves.
DGC :
« Jésus » l’avait déjà exprimé clairement plus tôt, avec un néologisme intéressant du reste, lors de l’une des agonies qui ponctuent, d’après Maria Valtorta, les trois années de son ministère public : « Et maintenant, non content d’avoir en lui les ferments répugnants et les blasphèmes du mensonge, la contre-charité, la soif de sang, le désir cupide de l’argent, l’orgueil et la luxure, il s’insatanise, homme qui pouvait devenir ange, pour être l’homme qui devient démon. (…) Mais Père, Oh ! mon Père ! Je l’aime… je l’aime encore. » (IV, 5, 34)
---> C’est exactement cela : Judas, au lieu de se bonifier durant trois ans sous la bonne influence du Christ, se dégrade toujours davantage en cédant aux tentations du démon.
---> « S’insataniser » a le mérite d’être clair et sans ambiguïté : « devenir délibérément en tout semblable à Satan », « vouloir n'être qu'un avec lui ». C’est le quatrième cas de possession évoqué précédemment.
DGC :
Finalement, même l’idée d’une possession est écartée pour laisser place au concept d’incarnation du diable, mise en parallèle avec celle du Verbe.
Lazare - « C’est Judas de Keriot ! Jésus - « Non. C’est Satan. Dieu a pris chair en moi : Jésus. Satan a pris chair en lui : Judas de Keriot (…). J’ai dit que la possession c’est la contagion de Satan qui inocule ses sucs dans l’être et le dénature. J’ai dit que c’est le mariage d’un esprit avec Satan et avec l’animalité. Mais la possession est encore peu de chose par rapport à l’incarnation. (…) C’est seulement en Jésus Christ qu’est Dieu tel qu’il est au Ciel, car je suis le Dieu fait chair. Il n’y a qu’une incarnation divine. De même aussi dans un seul sera Satan, Lucifer, comme il est dans son royaume, car c’est seulement dans l’assassin du Fils de Dieu que Satan s’est incarné. Lui, pendant que je te parle, est devant le Sanhédrin. Il s’occupe de mon meurtre et s’y emploie, mais ce n’est pas lui, c’est Satan. » (IX, 6, 25)
« Si Satan ne s’était pas incarné, l’éternel singe de Dieu, en une chair mortelle, ce possédé n’aurait pas pu se soustraire à mon pouvoir de Jésus. J’ai dit : « possédé ». Non. Il est beaucoup plus : il est anéanti en Satan. » (IX, 20, 184)
---> L'auteur est bloqué sur l'idée d'un parallèle strict à opérer entre, d'une part, l’Incarnation du Verbe en Jésus - ferme et définitive dès le premier instant - et d'autre part, celle du Diable en Judas, survenue progressivement. Or à l’évidence il n’en est rien.
---> le terme « incarnation » leur est commun en effet, car il signifie : « union pleine et entière entre le sujet incarné et l'être spirituel, allant jusqu'à l'unité de personne, d'abord durant la vie terrestre, et après la mort, durant toute l’Éternité »
---> Cela est vrai pour le Christ et le Père, mais aussi dans le cas de Judas et Satan.
---> Mais nous verrons dans la deuxième partie les très grandes différences entre ces deux incarnations, dont l’une n’est que la singerie, la caricature de l’autre. Et nous avons vu que l’incarnation de Satan en Judas ne fut que l’aboutissement ultime d’une possession de type 4 ( cf ci-dessus ) que le sujet ne cessa pas de vouloir approfondir.
---> Encore une fois, c'est un flop pour DGC.
DGC :
Reproduisons enfin, pour clore ce paragraphe, la réponse de « Jésus » à une question des Apôtres au sujet de Judas, qui laisse songeur.
« Mais pourquoi ne l’as-tu pas vaincu ? Tu ne le pouvais pas ? » « Je le pouvais. Mais pour empêcher Satan de s’incarner pour me tuer, j’aurais dû exterminer la race humaine avant la Rédemption. Qu’aurais-je racheté alors ? » (IX, 6, 184)
1 ) Ce propos est bien illustré dans le passage précédent :
---> Judas avait été privé par Jésus de la garde de l’argent qui lui brûlait le cœur, le résultat fut qu’il se mit à voler de l'argent dans une maison amie. En désespoir de cause, Jésus lui confia de nouveau l’argent, car il n’y avait plus rien à faire pour le corriger de son vice. En s’abstenant de faire un bien ( essayer de corriger Judas en continuant à le priver d'argent ), le Christ évitait ainsi un mal encore plus grand ( que Judas aille dévaliser les coffres chez les gens ).
---> De même, en s’abstenant de vaincre Judas – et pour se faire, il aurait fallu carrément l’exterminer -, Jésus évitait un mal plus grand encore, qui aurait été de voir Satan se chercher à nouveau une autre cible en laquelle s’incarner, que Jésus aurait dû à nouveau exterminer, à défaut de pouvoir l’exorciser, et ainsi de suite.
2 ) Mais pourquoi fallait-il spécialement que Satan s’incarne ? Ne pouvait-il pas nuire à Jésus d’une autre manière plus « conventionnelle » ?
---> Et non, puisqu’il avait déjà tout essayé, mais en vain : la tentation ? Elle n’avait eu aucune prise sur le Christ, Fils de Dieu. La possession ? Jésus chassait les démons, même dans les cas les plus désespérés, comme celui de Marie Magdeleine, ou celui du possédé gérasénien. Les persécutions diverses et variées ? Jésus en sortait toujours vainqueur, par sa douceur et son humilité.
---> Il ne restait plus rien d’autre à l’ennemi pour « monter en puissance » et être à la hauteur, que de prendre les mêmes armes que celles que Dieu avait prises pour sauver l’humanité : Dieu s’était incarné pour la sauver ? Satan devait donc à son tour s’incarner pour la perdre, en combattant le Sauveur à armes égales.
---> C’est d’une logique implacable, et cela n’a pas de quoi comme DGC « nous laisser songeur ».
DGC :
Le scandale du mal, de la trahison de l’innocent, de son meurtre, est résolu par un dualisme manichéen, qui baigne toute la pensée de Maria Valtorta.
---> Or le manichéisme est tout entier du côté de l’accusateur, ne supportant même pas l’idée que le cas de Judas puisse avoir été bien plus complexe que ce qu’il avait lui-même imaginé en lisant l’Évangile, qui ne nous dit quasiment rien à ce sujet.
---> Pour DGC en effet, c'est de manière manichéenne :
- soit la thèse de la possession,
- soit celle de l’incarnation de Satan qui "doit l'emporter".
---> Selon lui, l’une ne peut en aucun cas conduire à l’autre, il faudrait forcément choisir entre les deux : or nous venons de voir la fausseté de ce présupposé.
DGC :
Pour l’illustrer de manière narrative, elle emprunte la voie de la reconstitution psychologique des sentiments des personnages (Jésus et Judas), aboutissant à un résultat maladroit, avec des implications impossibles.
---> C’est une chose de le dire, encore eût-il fallu le démontrer : ce à quoi DGC échoue très visiblement.
---> Ce que décrit Maria Valtorta n'est en effet ni maladroit, ni impossible : c'est Judas au naturel, tel que nous en avons connaissance dans les Évangiles, ni plus ni moins.
---> Pour DGC, c'est un flop.
DGC :
On pourra d’ailleurs s’étonner que manquent dans l’Œuvre de Valtorta, qui cite souvent (en les augmentant) les passages de l’évangile, deux citations de l’évangéliste qui lui auraient été utiles :
- la première qui indique qu’au moment du dernier repas « le diable [avait] déjà mis dans le cœur de Judas, fils de Simon l’Iscariote, l’intention de le livrer » (Jn 13, 2)
- et la seconde qui rapporte que « quand Judas eut pris la bouchée, Satan entra en lui » (Jn 13, 27).
Dans l’Évangile tel qu’il m’a été révélé, là où l’épisode est rapporté, avec la même bouchée, aucune mention n’est faite de Satan. Peut-être l’intervention de Satan arrive-t-elle trop tard dans les évangiles authentiques, privant l’auteur de la possibilité de raconter de multiples épisodes préparatoires ? Face à ce Judas dont on ne sait plus trop bien qui il est, « Jésus » est tourmenté, pris de violentes passions d’amour et de rejet, secoué souvent de larmes.
1 ) « le diable [avait] déjà mis dans le cœur de Judas, fils de Simon l’Iscariote, l’intention de le livrer » (Jn 13, 2)
---> Ce sujet étant traité avec autant de soin dans l’œuvre dans le rapport qu'elle fait des trois années de la Vie publique, le lecteur arrive au récit de la sainte Cène avec une idée suffisamment exacte aux sujets des intentions de Judas inspirées par le diable, pour qu’il n'y ait nul besoin de les lui repréciser encore une einième fois.
---> Ce commentaire succinct que saint Jean écrit sur Judas résume en une seule phrase tout ce que l’EMV apporte quant à elle en des précisions détaillées et abondantes tout au long du récit.
---> C'est bien là la différence entre les Evangiles et l'EMV que DGC n'a pas su saisir : les premiers sont un bref résumé de la Vie du Christ, la seconde non.
---> Et ainsi, puisque les évangélistes ne nous en disent que très peu sur Judas durant les trois ans de la Vie publique, cette brève indication de saint Jean s'avérait indispensable. Pas dans l'EMV.
---> Flop de DGC.
2 ) « quand Judas eut pris la bouchée, Satan entra en lui » (Jn 13, 27).
---> Ce commentaire sobre de saint Jean est au contraire très clairement transcrit dans l'EMV : c'est en effet d'après l'oeuvre saint Jean lui-même, prévenu par la fameuse bouchée que Judas reçoit de Jésus comme signe de sa culpabilité, qui s'écrit "Satan !" à l'endroit du traître en train de mentir effrontément sur ses intentions, alors qu'il prend subitement congé des convives.
EMV 600.13 - La sainte Cène :
(...) (...)
( Jésus ) « (...) Et soyez purs, pour être dignes de manger le Pain vivant descendu du Ciel et pour avoir en vous et par lui la force d’être mes disciples, dans un monde ennemi qui vous haïra à cause de mon nom. Mais l’un de vous n’est pas pur. L’un de vous me trahira. Mon esprit en est fortement troublé… La main de celui qui me trahit est avec moi sur cette table, et ni mon amour, ni mon corps, ni mon sang, ni ma parole ne le font se raviser et se repentir. Je lui aurais pardonné, en allant à la rencontre de la mort pour lui aussi. »
Terrifiés, les disciples se regardent. Ils se scrutent, se suspectant l’un l’autre. Pierre fixe Judas, tous ses doutes sont réveillés. Jude se lève brusquement pour dévisager Judas au-dessus de Matthieu.
Mais Judas montre une telle assurance ! A son tour, il observe attentivement Matthieu comme s’il le suspectait, puis il regarde Jésus et sourit en demandant:
« Serait-ce moi ? »
Il paraît être le plus sûr de son honnêteté. Il me semble qu’il dit cela pour ne pas laisser tomber la conversation.
Jésus réitère son geste en disant :
« Tu le dis, Judas, fils de Simon. Ce n’est pas moi, c’est toi qui le dis. Je ne t’ai pas nommé. Pourquoi t’accuses-tu ? Interroge ton conseiller intérieur, ta conscience d’homme, la conscience que Dieu le Père t’a donnée pour te conduire en homme, et vois si elle t’accuse. Tu le sauras avant tous les autres. Mais si elle te rassure, pourquoi parler, et pourquoi y penser ? En parler ou y penser est anathème, même pour plaisanter. »
Jésus s’exprime tranquillement. Il semble soutenir la thèse proposée comme peut le faire un savant à ses élèves. L’émoi est grand, mais le calme de Jésus l’apaise.
Cependant, Pierre, qui soupçonne le plus Judas — peut-être Jude aussi, mais il paraît moins suspicieux, désarmé comme il l’est par la désinvolture de Judas —, tire Jean par la manche. Quand Jean, qui s’est tout serré contre Jésus en entendant parler de trahison, se retourne, il lui murmure:
« Demande-lui qui c’est. »
Jean reprend sa position et lève seulement la tête comme pour embrasser Jésus, et en même temps il lui murmure à l’oreille :
« Maître, qui est-ce ? »
Et Jésus, très doucement, en lui rendant le baiser dans les cheveux :
« Celui à qui je vais donner un morceau de pain trempé. »
Il prend alors un pain encore entier, pas le reste de celui qui a servi pour l’Eucharistie, en détache une grosse bouchée, la trempe dans la sauce de l’agneau dans le plateau, étend le bras par dessus la table, et dit:
« Prends, Judas. Tu aimes cela.
– Merci, Maître. Oui, j’aime cela. »
*Ne sachant pas ce qu’est cette bouchée, il mange à pleines dents le pain accusateur, tandis que Jean, horrifié, va jusqu’à fermer les yeux pour ne pas voir l’horrible rire de Judas.
« Bon ! Va, maintenant que je t’ai fait plaisir » dit Jésus à Judas. « Tout est accompli, ici (il souligne fortement ce mot). Ce qu’il te reste à faire ailleurs, fais-le vite, Judas, fils de Simon.
– Je t’obéis aussitôt, Maître. Je te rejoindrai plus tard, à Gethsémani. C’est bien là que tu vas, comme toujours, n’est-ce pas ?
– J’y vais… comme toujours… oui.
– Qu’est-ce qu’il doit faire ? » demande Pierre. « Il part seul ?
– Je ne suis pas un enfant, plaisante Judas tout en mettant son manteau.
– Laisse-le aller. Lui et moi savons ce qu’il doit faire, répond Jésus.
– Bien, Maître. »
Pierre se tait. Peut-être pense-t-il avoir péché en soupçonnant son compagnon. La main sur le front, il réfléchit.
Jésus serre Jean sur son cœur et se tourne pour lui murmurer dans les cheveux :
« Ne dis rien à Pierre pour le moment. Ce serait un scandale inutile.
– Adieu, Maître. Adieu, mes amis. »
Judas salue.
« Adieu » dit Jésus.
Et Pierre : « Je te salue, mon garçon. »
Jean, la tête posée presque sur le cœur de Jésus, murmure :
« Satan ! »
Jésus seul l’entend, et il soupire.
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
---> C'est donc encore un flop pour DGC et son faux témoignage.
---> D'ailleurs, en constatant avec effroi le niveau surnaturel de mauvaise foi atteint ici par Judas, dissimulant son crime de déicide derrière des paroles amicales, le lecteur n'a pas besoin qu'on lui dise la redondance : "ET SATAN ENTRA EN JUDAS", c'est suffisamment clair comme cela.
---> Si Satan entra en Judas lorsqu'il eut pris cette ultime bouchée, c'est qu'il était fin prêt à l'accueillir, dans les pires dispositions qui puisse être : c'est on ne peut mieux décrit dans l'oeuvre.
---> Pour se rendre compte du basculement fatal et définitif de Judas dans son anéantissement en Satan, qui était certes déjà accompli auparavant, mais en lui laissant tout de même encore un semblant de liberté humaine, et qui va alors le transformer après la Cène en une bête féroce et folle, vision cauchemardesque d'une hideuse gargouille diabolique, comparons maintenant les faits et gestes de Judas avant, pendant, et après la Cène : les citations de l'oeuvre ne laissent pas de place à la moindre équivoque.
Quelles étaient les dispositions de Judas avant la sainte Cène ?
---> Lisons-le dans ce passage vraiment lugubre et effrayant dans son réalisme, qui correspond exactement à Matthieu 26,14-16 :
"Alors, l’un des Douze, nommé Judas Iscariote, se rendit chez les grands prêtres et leur dit : « Que voulez-vous me donner, si je vous le livre ? » Ils lui remirent trente pièces d’argent. Et depuis, Judas cherchait une occasion favorable pour le livrer. »
---> Nous verrons que Judas avait encore besoin de ce coup de pouce de Satan pour définitivement se livrer à lui, tout comme un isla**ste se faisant rad*cal*ser par ses i*ams séducteurs avant de commettre un at***tat s**c*de.
EMV 588.1 - Judas chez le sanhédrin se laisse séduire et galvaniser par ses complices sataniques :
Judas arrive à la nuit à la maison de campagne de Caïphe. Mais il y a la lune qui se fait complice de l'assassin en éclairant la route. Il doit être bien sûr de trouver là, dans cette maison hors les murs, ceux qu'il cherchait, car je pense qu'autrement il aurait cherché à entrer dans la ville et serait allé au Temple. Au contraire, il monte avec assurance à travers les oliviers de la petite colline et il est plus sûr de lui que l'autre fois. C'est qu'il fait nuit et les ombres et l'heure le protègent de toute surprise possible. Les chemins de la campagne sont déserts désormais, après avoir été parcourus toute la journée par les foules de pèlerins qui vont à Jérusalem pour la Pâque. Les pauvres lépreux eux-mêmes sont dans leurs cavernes et dorment leur sommeil de malheureux oublieux pour quelques heures de leur sort.
Voilà Judas à la porte de la maison toute blanche au clair de lune. Il frappe : trois coups, un coup, trois coups, deux coups... C'est qu'il connaît à merveille le signe conventionnel !
Et ce doit être vraiment un signal sûr car la porte s'entrouvre sans que le portier jette au préalable un coup d'œil par l'ouverture pratiquée dans la porte.
Judas se glisse à l'intérieur et au portier qui lui rend honneur demande :
"L'assemblée est réunie ?"
"Oui, Judas de Kériot. Au complet, pourrais-je dire."
"Conduis-moi. Je dois parler de choses importantes. Vite !"
L'homme ferme la porte avec tous les verrous et il le précède par le couloir presque sombre, et s'arrête devant une lourde porte à laquelle il frappe. Le bruit des voix cesse dans la pièce fermée, remplacé par le bruit de la serrure et le grincement de la porte qui s'ouvre en projetant un cône de lumière vive dans le couloir obscur.
"Toi ? Entre !" dit celui qui a ouvert la porte et que je ne connais pas.
Et Judas entre dans la salle alors que celui qui a ouvert ferme de nouveau à clef.
Il y a un mouvement de stupeur, ou du moins d'agitation, quand ils voient entrer Judas. Mais ils le saluent en chœur :
"Paix à toi, Judas de Simon."
"Paix à vous, membres du Sanhédrin saint", répond Judas.
"Avance. Que veux-tu ?" lui demandent-ils.
"Vous parler... Vous parler du Christ. Il n'est plus possible de continuer ainsi. Je ne peux plus vous aider si vous ne vous décidez pas à prendre des décisions extrêmes. L'homme soupçonne désormais."
"Tu t'es fait découvrir, sot ?" interrompent-ils.
"Non. C'est vous qui êtes sots, vous qui par une hâte stupide avez fait de fausses manœuvres. Vous le saviez bien que je vous aurais servis ? Vous ne vous êtes pas fiés à moi."
"Tu as la mémoire courte, Judas de Simon ! Ne te rappelles-tu pas comment tu nous as quittés la dernière fois ? Qui pouvait penser que tu nous étais fidèle, à nous, quand tu as proclamé de cette façon que Lui, tu ne pouvais pas le trahir ?" dit Elchias plus ironique, plus serpentin que jamais.
"Et vous croyez qu'il est facile de tromper un ami, le Seul qui m'aime vraiment, l'Innocent ? Vous croyez qu'il est facile d'arriver au crime ?"
Judas est déjà agité.
Ils cherchent à le calmer et le flattent. Ils le séduisent, ou du moins essaient de le faire, en lui faisant observer que son crime n'en est pas un "mais une œuvre sainte envers la Patrie, à laquelle il évite des représailles de la part de ceux qui la dominent, et qui déjà donnent des signes de mécontentement pour ces continuelles agitations et ces divisions de partis et de foules dans une province romaine, et envers l'Humanité, s'il est vraiment convaincu de la nature divine du Messie et de sa mission spirituelle."
"Si ce qu'il dit est vrai — loin de nous de le croire — n'es-tu pas le collaborateur de la Rédemption ? Ton nom sera associé au sien au cours des siècles, et la Patrie te comptera parmi ses preux, et t'honorera des charges les plus hautes. Un siège est tout prêt pour toi parmi nous. Tu monteras, Judas. Tu donneras des lois à Israël. Oh ! nous n'oublierons pas ce que tu as fait pour le bien du Temple sacré, du Sacerdoce sacré, pour la défense de la Loi très sainte, pour le bien de toute la Nation ! Aide-nous seulement et ensuite, nous te le jurons, je te le jure au nom de mon puissant père et de Caïphe qui porte l'éphod, tu seras l'homme le plus grand d'Israël, plus que les tétrarques, plus que mon père lui-même, désormais pontife déposé.
Comme un roi, comme un prophète tu seras servi et écouté. Que si ensuite Jésus de Nazareth n'était qu'un faux Messie, même si en réalité il n'était pas passible de mort parce que ses actions ne sont pas d'un larron mais d'un fou, voilà que nous te rappelons les paroles inspirées du pontife Caïphe — tu sais que celui qui porte l'éphod et le rational parle par suggestion divine et prophétise ce qui est bien et ce qu'il faut faire pour le bien — Caïphe, t'en souviens-tu ? Caïphe a dit : "Il est bien qu'un homme meure pour le peuple et que toute la Nation ne périsse pas". C'était une parole de prophétie." ( Jean 11, 49-52 ndt )
"En vérité, il était prophète. Le Très-Haut a parlé par la bouche du Grand Prêtre. Qu'il soit obéi !" disent en chœur, déjà théâtraux et semblables à des automates qui doivent faire des gestes donnés, ces hideuses marionnettes que sont les membres du grand conseil du Sanhédrin.
Judas est suggestionné, séduit... mais un reste de bon sens, sinon de bonté, subsiste encore en lui et le retient de prononcer les paroles fatales.
L'entourant avec respect, avec une affection simulée, ils le pressent :
"Tu ne nous crois pas ? Regarde : nous sommes les chefs des vingt-quatre familles sacerdotales, les Anciens du peuple, les scribes, les plus grands pharisiens d'Israël, les rabbis sages, les magistrats du Temple. L'élite d'Israël est ici, autour de toi, prête à t'acclamer, et qui te dit d'une seule voix : "Fais cela car c'est saint".
"Et Gamaliel, où est-il ? Et Joseph et Nicodème, où sont-ils ? Et Éléazar, l'ami de Joseph, et Jean de Gaas ? Je ne les vois pas."
"Gamaliel est en grande pénitence, Jean auprès de sa femme enceinte et souffrante ce soir. Eléazar... nous ne savons pas pourquoi il n'est pas venu. Mais un malaise peut frapper n'importe qui et à l'improviste, n'est-ce pas ? Pour ce qui est de Joseph et de Nicodème nous ne les avons pas avisés de cette séance secrète, par amour pour toi, par souci de ton honneur... Pour que, dans le cas malheureux où la chose échouerait, ton nom ne soit pas rapporté au Maître... Nous protégeons ton nom, nous t'aimons Judas, nouveau Maccabée, sauveur de la Patrie [4]."
"Le Maccabée combattait le bon combat. Moi... je commets une trahison."
"Ne regarde pas les détails de l'acte, mais la justice du but. Parle, toi, ô Sadoq, scribe d'or. De ta bouche coulent de précieuses paroles. Si Gamaliel est docte, toi tu es sage, car sur tes lèvres se trouve la sagesse de Dieu. Parle, toi à celui qui hésite encore."
Cette bonne peau de Sadoq s'avance et avec lui Chanania tout décrépit : un renard squelettique et mourant à côté d'un rusé chacal robuste et féroce.
"Écoute, ô homme de Dieu !" commence pompeusement Sadoq en prenant une pose inspirée et oratoire, le bras droit levé en un geste cicéronien, le gauche occupé à soutenir tout cet encombrement de plis que forme son habit de scribe. Et puis il lève aussi le bras gauche, laissant son vêtement monumental perdre ses plis et se mettre en désordre et ainsi, le visage et les bras levés vers le plafond de la pièce, il tonne : "Moi, je te le dis ! Je te le dis devant la Très Haute Présence de Dieu !"
"Maran-Atà !" font tous écho en se courbant comme si un souffle d'en haut les courbait et puis se relevant les bras croisés sur la poitrine.
"Moi, je te le dis : c'est écrit dans les pages de notre histoire et de notre destin ! C'est écrit dans les signes et les figures laissés par les siècles ! C'est écrit dans le rite qui n'a pas cessé depuis la nuit fatale aux Égyptiens ! C'est écrit dans la figure d'Isaac ! C'est écrit dans la figure d'Abel ! Et que ce qui est écrit se réalise."
"Maran-Atà !" disent les autres dans un chœur assourdi et lugubre, suggestionnant, avec les gestes déjà faits, les visages bizarrement frappés par la lumière des deux lampadaires allumés aux extrémités de la salle, aux micas violet pâle, qui émanent une lumière fantasmagorique. Et cette assemblée d'hommes presque tous vêtus de blanc, avec les couleurs pâles et olivâtres de leur race rendues encore plus pâles et plus olivâtres par la lumière diffuse, semble vraiment une assemblée de spectres.
"La parole de Dieu est descendue sur les lèvres des prophètes pour marquer ce décret. Il doit mourir ! C'est dit !"
"C'est dit ! Maran-Atà !"
"Il doit mourir, et son sort est marqué !"
"Il doit mourir. Maran-Atà !"
"Dans les plus minutieux détails est décrit son destin fatal, et on ne brise pas la fatalité !"
"Maran-Atà !"
"Est indiqué jusqu'au prix symbolique qui sera versé à celui qui se fait l'instrument de Dieu pour la consommation de la promesse."
"C'est indiqué ! Maran-Atà !"
"Comme Rédempteur, ou comme faux prophète, il doit mourir !"
"Il doit mourir ! Maran-Atà !"
"L'heure est venue ! Jéhovah le veut ! J'entends sa voix ! Elle crie : "Que cela s'accomplisse" !"
"Le Très-Haut a parlé ! Que cela s'accomplisse ! Que cela s'accomplisse ! Maran-Atà !"
"Que le Ciel te donne le courage comme Il en a donné à Yaël et à Judith, qui étaient des femmes et surent être des héros; comme Il en a donné à Jephté qui, étant père, sut sacrifier sa fille à la Patrie; comme Il en a donné à David contre Goliath, et a accompli le geste qui rendra Israël éternel dans le souvenir des peuples !"
"Que le Ciel te donne le courage ! Maran-Atà !"
"Que tu sois victorieux !"
"Que tu sois victorieux ! Maran-Atà !"
S'élève la voix éraillée et sénile de Chanania;
"Celui qui hésite devant l'ordre sacré est condamné au déshonneur et à la mort !"
"Il est condamné. Maran-Atà !"
"Si tu ne veux pas écouter la parole du Seigneur ton Dieu, et si tu n'agis pas selon son commandement, en faisant ce qu'il t'ordonne par notre bouche, que toutes les malédictions tombent sur toi !"
"Toutes les malédictions ! Maran-Atà !"
"Que le Seigneur te frappe par toutes les malédictions mosaïques[8] et te disperse parmi les nations."
"Qu'il te frappe et te disperse ! Maran-Atà !"
Un silence de mort suit cette scène suggestionnante... Tout s'immobilise dans une immobilité effrayante.
Finalement, voilà la voix de Judas qui s'élève, et j'ai du mal à la reconnaître tellement elle est changée :
"Oui, je le ferai. Je dois le faire. Et je le ferai. Déjà la dernière partie des malédictions mosaïques me concerne et j'en dois sortir car j'ai déjà trop tardé. Et je deviens fou n'ayant ni trêve ni repos, et le cœur effrayé, et les yeux égarés, et l'âme consumée par la tristesse. Tremblant d'être découvert et foudroyé par Lui dans mon double jeu —car je ne sais pas, je ne sais pas jusqu'à quel point il connaît ma pensée — je vois ma vie suspendue à un fil, et matin et soir je demande d'en finir avec cette heure à cause de l'épouvante qui me serre le cœur. À cause de l'horreur que je dois accomplir. Oh ! hâtez cette heure ! Tirez-moi de l'angoisse qui m'étreint ! Que tout s'accomplisse. Tout de suite ! Maintenant ! Et que je sois délivré ! Allons !"
La voix de Judas s'est affermie et est devenue forte à mesure qu'il parlait. Ses gestes, d'abord automatiques et incertains comme ceux d'un somnambule, sont devenus libres, volontaires. Il se redresse de toute sa taille, en prenant une beauté satanique, et il crie :
"Que tombent les liens d'une folle terreur ! Je suis délivré d'une sujétion effrayante. Christ ! Je ne te crains plus et je te livre à tes ennemis ! Allons !"
Un cri de démon victorieux, et réellement il se dirige hardiment vers la porte.
Mais ils l'arrêtent :
"Doucement ! Réponds-nous : où est Jésus de Nazareth ?"
"Dans la maison de Lazare, à Béthanie."
"Nous ne pouvons pas entrer dans cette maison bien défendue par des serviteurs fidèles. Maison d'un favori de Rome. Nous irions au-devant d'ennuis certains."
"À l'aurore, nous venons dans la ville. Mettez les gardes sur la route de Bethphagé, faites du tumulte et saisissez-le."
"Comment sais-tu qu'il vient par cette route ? Il pourrait aussi prendre l'autre..."
"Non. Il a dit à ceux qui le suivent qu'il la prendra pour entrer dans la ville par la porte d'Éphraïm et de l'attendre près de En Rogel. Si vous le prenez avant..."
"Nous ne pouvons pas. Nous devrions entrer dans la ville avec Lui au milieu des gardes et tous les chemins qui conduisent aux portes, et toutes les rues de la ville sont pleines de la foule depuis l'aube jusqu'à la nuit. Il y aurait du tumulte et cela ne doit pas arriver."
"Il montera au Temple. Appelez-le pour l'interroger dans une salle. Appelez-le au nom du Grand Prêtre. Il viendra car il a plus de respect pour vous que pour sa vie. Une fois qu'il est seul avec vous... vous aurez bien manière de l'amener en lieu sûr et de le condamner à l'heure favorable."
"Il y aurait également du tumulte. Tu devrais t'en être aperçu que la foule est fanatique pour Lui. Et ce n'est pas seulement le peuple, mais aussi les grands et les espoirs d'Israël. Gamaliel perd ses disciples et de même Jonatas ben Uziel et d'autres parmi nous, et tous nous quittent séduits par Lui. Et même les gentils le vénèrent, ou le craignent, ce qui est déjà de la vénération, et ils sont prêts à se révolter contre nous si nous le malmenons.
Par ailleurs certains larrons, que nous avions payés pour faire les faux disciples et provoquer des rixes, ont été arrêtés et ils ont parlé espérant la clémence à cause de leurs délations, et le Préteur sait... Tout le monde le suit alors que nous ne concluons rien. Mais il faut agir avec finesse pour que les foules ne s'en aperçoivent pas."
"Oui, c'est ce qu'il faut faire ! Hanne aussi le recommande. Il dit : "Que cela n'arrive pas pendant la fête et qu'il ne naisse pas de tumulte parmi le peuple fanatique". C'est ce qu'il a décidé, en donnant des ordres même pour qu'il soit traité avec respect dans le Temple et ailleurs, et qu'il ne soit pas molesté afin de pouvoir le tromper."
"Et alors, que voulez-vous faire ? Moi, j'étais bien disposé cette nuit, mais vous hésitez..." dit Judas.
"Voilà : tu devrais nous amener à Lui à une heure où il est seul. Tu connais ses habitudes. Tu nous as écrit qu'il te garde près de Lui plus que tous. Tu dois donc savoir ce qu'il veut faire. Nous serons toujours prêts. Quand tu jugeras favorable l'heure et le lieu, viens, et nous viendrons."
"C'est dit. Et quelle compensation en aurai-je ?"
Désormais Judas parle froidement comme s'il s'agissait d'un commerce quelconque.
"Ce qui est dit par les prophètes, pour être fidèle à la parole inspirée : trente deniers..."
"Trente deniers pour tuer un homme, et cet Homme ? Le prix d'un agneau ordinaire en ces jours de fête ? ! Vous êtes fous ! Non que j'aie besoin d'argent. J'en ai une bonne provision. Ne pensez donc pas me persuader par besoin d'argent. Mais c'est trop peu pour payer ma douleur de trahir Celui qui m'a toujours aimé."
"Mais nous t'avons dit ce que nous ferons pour toi. Gloire, honneur ! Ce que tu attendais de Lui et que tu n'as pas eu. Nous guérirons ta déception. Mais le prix est fixé par les prophètes ! Oh ! une formalité ! Un symbole et rien de plus. Le reste viendra après..."
"Et l'argent, quand ?"
"Au moment que tu diras : "Venez". Pas avant. Personne ne paie avant d'avoir les mains sur la marchandise. Cela ne te paraît-il pas juste peut-être ?"
"C'est juste. Mais triplez au moins la somme..."
"Non. C'est dit par les prophètes. C'est ce qu'on doit faire. Oh ! nous saurons obéir aux prophètes ! Nous n'omettrons pas un iota de ce qu'ils ont écrit de Lui. Eh ! Eh ! Eh ! Nous sommes fidèles à la parole inspirée ! Eh ! Eh ! Eh !" dit en riant ce rebutant squelette de Chanania.
Et plusieurs font chorus avec des ricanements lugubres, sournois, sans sincérité, vrais rires de démons qui ne savent que ricaner. C'est que le rire est le propre de l'homme serein et aimant, et le ricanement celui des cœurs troublés et saturés de rancœur.
"Tout est dit. Tu peux aller. Nous attendons l'aube pour rentrer dans la ville par divers chemins. Adieu. La paix soit avec toi, brebis perdue qui reviens au troupeau d'Abraham. Paix à toi ! Paix à toi ! Et la reconnaissance d'Israël tout entier ! Compte sur nous ! Un désir de toi est pour nous une loi. Que Dieu soit avec toi, comme Il l'a été avec tous ses serviteurs les plus fidèles ! Toutes les bénédictions sur toi !"
Avec des embrassements et des protestations d'amour, ils l'accompagnent jusqu'à la sortie... ils le regardent s'éloigner par le corridor à demi obscur... ils écoutent le grincement des verrous de la porte qui s'ouvre et se referme...
Ils rentrent dans la salle en jubilant.
Seulement deux ou trois voix s'élèvent, celles des moins démoniaques :
"Et maintenant ? Comment allons-nous faire avec Judas de Simon ? Nous savons bien que nous ne pourrons lui donner ce que nous lui avons promis, à part ces trente pauvres deniers !... Que va-t-il dire quand il va se voir trahi par nous ? N'aurons-nous pas encouru un dommage plus grand ? Ne va-t-il pas aller dire au peuple ce que nous faisons ? Qu'il soit un homme qui n'est pas ferme dans ses résolutions nous le savons bien."
"Vous êtes bien naïfs et bien sots d'avoir ces pensées et de vous donner ces tracas ! On a déjà décidé ce que nous ferons à Judas. Décidé depuis l'autre fois. Ne vous rappelez-vous pas ? Et nous nous ne changeons pas d'idée. Lorsque tout sera fini pour le Christ, Judas mourra. C'est dit."
"Mais s'il parlait auparavant ?"
"À qui ? Aux disciples et au peuple, pour être lapidé ? Il ne parlera pas. L'horreur de son action sera pour lui un bâillon..."
"Mais il pourrait se repentir après cela, avoir des remords, devenir fou aussi... Car si son remords venait à s'éveiller, il ne pourrait que faire de lui un fou..."
"Il n'en aura pas le temps. Nous y pourvoirons avant. Chaque chose en son temps. D'abord le Nazaréen, et ensuite celui qui l'a trahi" dit Elchias avec une lenteur terrible.
"Oui. Et attention ! Pas un mot aux absents. Ils sont déjà trop au courant de notre pensée. Je ne me fie pas à Joseph et à Nicodème, et peu aux autres."
"Tu doutes de Gamaliel ?"
"Lui s'est mis à l'écart depuis plusieurs mois. Sans un ordre direct du Pontife, il ne prendra pas part à nos séances. Il dit qu'il écrit son œuvre avec l'aide de son fils. Mais je parle d'Eléazar et de Jean."
"Oh ! ils ne nous ont jamais contredits" dit tout de suite un synhédriste que j'ai vu d'autres fois avec Joseph d'Arimathie, mais dont je ne me rappelle pas le nom.
"Et même, ils nous ont trop peu contredits. Eh ! Eh ! Eh ! Et il faudra les surveiller ! Beaucoup de serpents se sont nichés au Sanhédrin, je crois... Eh ! Eh ! Eh ! Mais ils seront dénichés... Eh ! Eh ! Eh !" dit Chanania en marchant courbé et tremblant, appuyé sur son bâton pour chercher une place confortable sur l'un des sièges larges et bas couverts de lourds tapis qui sont le long des murs de la salle.
Il s'y étend satisfait et a vite fait de s'endormir, la bouche ouverte, répugnant dans sa vieillesse méchante.
On l'observe. Et Doras, fils de Doras, dit :
"Il a la satisfaction de voir ce jour. Mon père y rêva, mais il ne l'eut pas. Mais je porterai dans mon cœur son esprit pour qu'il soit présent le jour où on se vengera du Nazaréen et qu'il ait sa joie..."
"Rappelez-vous que nous devrons, à tour de rôle, et plusieurs à la fois, être constamment au Temple."
"Nous y serons."
"Nous devrons ordonner qu'à n'importe quelle heure Judas de Simon soit introduit chez le Grand Prêtre." ...
"Nous le ferons."
"Et maintenant, préparons notre cœur au dénouement."
"C'est déjà fait ! C'est déjà fait !"
"Avec ruse."
"Avec ruse."
"Avec finesse."
"Avec finesse."
"Pour calmer tout soupçon."
"Pour séduire tous les cœurs."
"Quelque chose qu'il dise ou fasse, pas de réaction. Nous nous vengerons de tout en une seule fois."
"C'est ce que nous ferons. Et ce sera une vengeance féroce."
"Complète !"
"Terrible !"
Et ils s'assoient pour se reposer en attendant l'aube.
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
EMV 600.3 - Judas, lors des préparatifs de la Cène :
( Lors des préparatifs du banquet, Judas commence à "mettre l'ambiance" tout en dissimulant soigneusement ses intentions )
(...) (...)
– Et avec cette puanteur de… Bon ! tais-toi, Pierre, grommelle Pierre entre ses dents.
– Toi aussi !… Tu me sembles fou depuis quelque temps. Tu as la tête d’un lapin sauvage qui sent derrière lui le chacal, répond Judas.
– Et toi, tu as le museau de la fouine. Toi aussi, tu n’es pas très beau depuis quelques jours. Tu regardes d’une façon… Tu as même l’œil de travers… Qui attends-tu ou qu’espères-tu voir ? Tu sembles plein d’assurance, tu veux le faire paraître, mais tu as l’air d’avoir peur, réplique Pierre.
– Pour ce qui est de la peur… tu n’es certainement pas un héros, toi non plus ! »
(...) (...)
– Oui. Il nous a tous influencés par sa mélancolie » constate Judas.
Jacques, fils d’Alphée, lance :
« Mon cousin Jésus, mon Maître et Seigneur et le vôtre, est et n’est pas mélancolique. Si tu veux dire par là qu’il est triste à cause de la souffrance excessive que tout Israël est en train de lui infliger, et que nous voyons, sans compter l’autre douleur cachée que lui seul voit, je te dis : “ Tu as raison. ” Mais si tu utilises ce mot pour dire qu’il est fou, je te l’interdis.
– N’est-ce pas de la folie qu’une idée fixe de mélancolie ? J’ai fait aussi des études profanes, et je sais. Il a trop donné de lui-même. Maintenant, il a l’esprit épuisé.
– Ce qui signifie de la démence. N’est-ce pas ? demande Jude, apparemment calme.
– Exactement ! Ton père, qui était un juste de sainte mémoire et à qui tu ressembles pour la justice et la sagesse, l’avait bien vu ! C’est le triste destin d’une illustre maison trop vieille et frappée de sénilité psychique : Jésus a toujours eu une tendance à cette maladie, d’abord douce, puis toujours plus agressive. Tu as pu constater comment il a attaqué pharisiens et scribes, sadducéens et hérodiens. Il s’est rendu la vie impossible comme un chemin couvert d’éclats de quartz. Et c’est lui qui les a semés. Nous… nous l’aimions tant que l’amour nous l’a caché. Mais ceux qui l’ont aimé sans l’idolâtrer : ton père, ton frère Joseph, et Simon au début, ont vu juste… nous aurions dû ouvrir les yeux en les écoutant. Au contraire, nous avons tous été séduits par sa douce fascination de malade. Et maintenant… Hélas ! »
Jude, qui est aussi grand que Judas et se tient exactement en face de lui, paraît l’écouter paisiblement ; mais il a un déclic violent et, d’un puissant revers de main, il étale Judas sur un des sièges puis, avec une colère contenue, sans éclat de voix, il se penche, et siffle sur son visage de lâche :
« Voilà pour la démence, reptile ! Et c’est seulement parce qu’il est à côté et que c’est le soir de la Pâque que je ne t’étrangle pas. Mais réfléchis, réfléchis bien ! S’il lui arrive du mal et qu’il n’est plus là pour arrêter ma force, nul ne te sauvera. C’est comme si tu avais déjà la corde au cou, et ce seront ces mains honnêtes et fortes d’artisan galiléen et de descendant du frondeur de Goliath qui feront ton affaire. Lève-toi, mollasson libertin ! Et surveille ta conduite ! »
Judas, craignant peut-être que Jude ne soit au courant de son crime, ne réagit pas. Livide, il se relève, sans la moindre réaction. Et, ce qui me surprend, personne ne réagit au nouveau geste de Jude. Au contraire !… Il est clair que tous approuvent.
----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
(...) (...) ( Jésus est arrivé )
– Nos cheveux plus blancs que noirs peuvent t’assurer que nous ne nous sommes pas absentés par le désir de la chair, assure Simon le Zélote avec sérieux ( à Jésus, ndt )
– Bien que… à tout âge on peut avoir cette faim… Les vieux sont pires que les jeunes… » lance Judas sur un ton offensif.
Simon le regarde et s’apprête à répliquer. Mais Jésus le regarde aussi et dit :
« Tu as mal aux dents ? Tu as la joue droite enflée et rouge.
– Oui, j’ai mal. Mais cela ne mérite pas qu’on s’en occupe. »
Les autres gardent le silence, et l’affaire se termine ainsi.
( D'autres provocations salaces de Judas vont suivre, ndt )
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
(...) (...) ( Jésus place chacun de ses apôtres autour de la table, ndt )
Jésus se plonge dans ses pensées, tête penchée, comme isolé dans son monde secret. Les autres le regardent sans mot dire.
Il relève la tête et fixe Judas, auquel il dit :
« Tu seras en face de moi.
– Tu m’aimes à ce point ? Plus que Simon, que tu veux toujours avoir en face de toi ?
– Effectivement. Tu l’as dit.
– Pourquoi, Maître ?
– Parce que tu es celui qui a le plus contribué à cette heure. »
Judas jette sur le Maître et sur ses compagnons un regard entièrement différent. Il dévisage le premier avec compassion, et toise les autres avec un air de triomphe.
(...)
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
(...) (...)
« Pierre et moi, nous sommes armés, ce soir. Nous avons celles-ci, mais les autres n’ont que leur court poignard. »
Jésus prend les épées, les examine, en dégaine une et essaie le tranchant sur l’ongle. C’est très étonnant, et cela fait une impression encore plus étrange de voir cette arme féroce dans les mains de Jésus.
Tandis que Jésus poursuit son examen silencieux, Judas demande :
« Qui vous les a données ? »
Il paraît sur les charbons ardents…
« Qui ? Je te rappelle que mon père était noble et puissant, répond Simon le Zélote.
(...)
------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
(...) (...) ( le lavement des pieds )
Il ( Jésus ) s’agenouille, délace les sandales de Judas et lui lave les pieds l’un après l’autre. Il lui est facile de le faire, car les lits-sièges sont disposés de façon que les pieds sont tournés vers l’extérieur. Stupéfait, Judas garde le silence.
Mais lorsque Jésus, avant de chausser le pied gauche et de se lever, fait le geste de lui baiser le pied droit déjà chaussé, Judas retire vivement son pied et frappe involontairement de sa semelle la bouche divine. Ce n’est pas un coup fort, mais il me cause une vive douleur. Jésus sourit et, à l’apôtre qui lui demande :
“ T’ai-je fait mal ? Je ne voulais pas… Pardon ”,
il répond :
« Non, mon ami. Tu l’as fait sans malice, donc cela ne me fait pas mal. »
Judas pose sur lui un regard troublé, fuyant…
(...) (...)
Jésus a fini. Il enlève le linge, se lave les mains dans de l’eau propre, remet son vêtement, retourne à sa place, et dit en s’asseyant :
« Maintenant vous êtes purs, mais pas tous : seulement ceux qui ont eu la volonté de l’être. »
Il regarde fixement Judas, qui fait mine de ne pas entendre, et feint d’être occupé à expliquer à son compagnon Matthieu comment son père s’est décidé à l’envoyer à Jérusalem… conversation inutile dont le seul but est de donner une contenance à Judas qui, malgré son audace, doit se sentir mal à l’aise.
(...)
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
(...) (...)
Après encore une pause, un long hymne s’élève :
« Rendez grâce au Seigneur, car il est bon, car éternel est son amour... »
Judas chante tellement faux que, par deux fois, de sa voix puissante de baryton, Thomas lui redonne la note et le regarde avec insistance. Les autres aussi l’observent, car généralement il est bien dans le ton ; j’ai d’ailleurs compris qu’il en est fier, comme du reste. Mais ce soir ! Certaines phrases, surtout quand elles sont soulignées par des regards de Jésus, le troublent au point qu’il chante faux. L’une d’elles dit : “ Mieux vaut mettre sa confiance en Dieu que se fier en l’homme. ” Une autre : “ On m’a poussé pour m’abattre et j’allais tomber, mais le Seigneur m’est venu en aide. ” Ou encore : “ Non, je ne mourrai pas, je vivrai et je publierai les œuvres du Seigneur. ” Et enfin ces deux, que je dis maintenant, étranglent la voix du traître dans sa gorge : “ La pierre rejetée par les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle ” et “ Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! ”
Le psaume fini, pendant que Jésus découpe des tranches dans l’agneau et les présente, Matthieu demande à Judas :
« Tu te sens mal ?
– Non. Laisse-moi tranquille. Ne t’occupe pas de moi. »
Matthieu hausse les épaules.
(...)
----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
(...) (...)
( Jésus est allé donner la sainte Communion à sa Mère, puis revient au Cénacle )
Jésus rentre. Il a dans les mains la coupe vide. C’est à peine s’il reste, au fond, une trace de vin et, sous la lumière du lampadaire, elle ressemble vraiment à du sang.
Judas, qui a la coupe devant lui, la regarde, comme fasciné, puis il détourne les yeux. Jésus l’observe, et il a un frisson que ressent Jean, appuyé comme il l’est sur sa poitrine.
(...)
----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
(...) (...) ( Judas est sorti, les convives reprennent place sur les sièges autour de la table )
Jésus prend place sur le sien, toujours entre Jacques et Jean. Mais quand il voit qu’André s’apprête à s’asseoir à la place laissée par Judas, il s’écrie :
« Non, pas là ! »
C’est un cri impulsif que son extrême prudence ne parvient pas à retenir. Puis il se reprend :
« Nous n’avons pas besoin de tant de place. En restant assis, on peut tenir sur ces seuls sièges. Ils suffisent. Je vous veux très proches de moi. »
(...)
----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
EMV 600.32 - Ultime évocation de Judas, après le discours de Jésus après la Cène ( Jean 15 )
(...) (...)
« (...) Ce n’est pas vous qui vous êtes choisis. C’est moi qui vous ai choisis, et je vous ai élus afin que vous alliez parmi les peuples, que vous portiez du fruit en vous et dans le cœur des personnes qui seront évangélisées, et que votre fruit demeure. Et tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donnera.
Ne dites pas : “ Si tu nous as choisis, pourquoi avoir aussi choisi un traître ? Si tu connais tout, pourquoi avoir fait cela ? ” Ne vous demandez pas non plus qui est cet homme. Ce n’est pas un homme, c’est Satan. Je l’ai dit à mon ami fidèle, et je l’ai laissé dire par mon enfant bien-aimé. C’est Satan. Si Satan, l’éternel singe de Dieu, ne s’était pas incarné en une chair mortelle, ce possédé n’aurait pu se soustraire à mon pouvoir de Jésus. J’ai dit : “ possédé ”, mais non, il est bien davantage. Il est anéanti en Satan.
– Pourquoi, toi qui as chassé les démons, ne l’as-tu pas délivré ? demande Jacques, fils d’Alphée.
– Demandes-tu cela par amour pour toi, par peur de l’être ? Ne crains rien.
– Moi alors ?
– Moi ?
– Moi ?
– Taisez-vous. Je ne révèlerai pas ce nom. Je fais preuve de miséricorde. Faites-en autant.
– Mais pourquoi ne l’as-tu pas vaincu ? Tu ne le pouvais pas ?
– Si, je le pouvais. Mais pour empêcher Satan de s’incarner pour me tuer, j’aurais dû exterminer l’espèce humaine avant la Rédemption. Qu’aurais-je racheté, dans ce cas ?
– Dis-le-moi, Seigneur, dis-le-moi ! »
Pierre s’est laissé glisser à genoux, et il secoue frénétiquement Jésus, comme s’il était en proie au délire.
« Est-ce moi ? Est-ce moi ? Je m’examine… Il ne me semble pas. Mais… tu as dit que je te renierai… Et j’en tremble… Quelle horreur si c’était moi !…
– Non, Simon, fils de Jonas, pas toi.
– Pourquoi m’as-tu enlevé mon nom de “ Pierre ” ? Je suis donc redevenu Simon ? Tu vois ? Tu le dis toi-même ! C’est moi ! Mais comment ai-je pu ? Dites-le… dites-le, vous… Quand ai-je pu devenir traître ?… Simon ?… Jean ?… Mais parlez !
– Pierre, Pierre, Pierre ! Je t’appelle Simon parce que je pense à notre première rencontre, lorsque tu étais Simon. Et je pense combien tu as toujours été loyal dès le premier moment. Ce n’est pas toi. C’est moi qui te l’affirme, or je suis la Vérité.
– Qui, alors ?
– Mais c’est Judas ! Tu ne l’as pas encore compris ? crie Jude, qui n’arrive plus à se contenir.
– Pourquoi ne pas me l’avoir dit plus tôt ? Pourquoi ? crie aussi Pierre.
– Silence ! C’est Satan. Il n’a pas d’autre nom. Où vas-tu, Pierre ?
– Le chercher.
– Dépose immédiatement ce manteau et cette arme. Ou bien devrais-je te chasser et te maudire ?
– Non, non ! Oh ! mon Seigneur ! Mais moi… mais moi… Je suis peut-être malade de délire, moi ? Oh ! »
Pierre se jette à terre aux pieds de Jésus et pleure.
(...)
( Suit quasi textuellement saint Jean 16 et 17 )
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
EMV 602.19 La capture de Jésus au Gethsémani
Il secoue Jacques et celui-ci croit que c'est son frère qui l'appelle et il dit :
"Ils ont pris le Maître ?"
"Pas encore, Jacques" répond Jésus. "Mais levez-vous maintenant et allons. Celui qui me trahit est proche."
Les trois, encore étourdis, se lèvent. Ils regardent autour... Oliviers, lune, rossignols, brise, la paix... Rien d'autre. Cependant ils suivent Jésus sans parler. Les huit aussi sont plus ou moins endormis auprès du feu éteint.
"Levez-vous !" tonne Jésus. "Pendant que Satan arrive, montrez à celui qui ne dort jamais et à ses fils que les fils de Dieu ne dorment pas !"
"Oui, Maître."
"Où est-il, Maître ?"
"Jésus, moi..."
"Mais qu'est-il arrivé ?"
Et au milieu des questions et des réponses confuses, ils remettent leurs manteaux...
À peine à temps pour apparaître en ordre à la troupe de sbires, commandée par Judas, qui fait irruption dans la petite place tranquille en l'éclairant violemment avec une foule de torches allumées. C'est une horde de bandits déguisés en soldats, des figures de galériens que déforme un sourire démoniaque. Il y a aussi quelques zélateurs du Temple.
Les apôtres sautent tous dans un coin. Pierre devant, et les autres en groupe derrière. Jésus reste où il est.
Judas s'approche soutenant le regard de Jésus, redevenu le regard étincelant de ses jours les meilleurs. Et il n'abaisse pas son visage. Au contraire il s'approche avec un sourire de hyène et le baise sur la joue droite.
"Ami, et qu'es-tu venu faire ? C'est par un baiser que tu me trahis ?"
Judas baisse un instant la tête, puis la relève... insensible au reproche comme à toute invitation au repentir.
Jésus, après les premières paroles dites avec la majesté de Maître, prend le ton affligé de qui se résigne à un malheur.
Les sbires, en criant, s'avancent avec des cordes et des bâtons et cherchent à s'emparer des apôtres en plus du Christ, sauf de Judas Iscariote, naturellement.
"Qui cherchez-vous ?" demande Jésus calme et solennel.
"Jésus, le Nazaréen."
"C'est Moi !" Sa voix est un tonnerre. Devant le monde assassin et à celui innocent, devant la nature et les étoiles, Jésus se rend ce témoignage ouvert, loyal, plein d'assurance. Je dirais qu'il est heureux de pouvoir se le donner.
Mais s'il avait dégagé la foudre, il n'aurait pu faire davantage. Tous s'abattent comme une gerbe d'épis fauchés. Ne restent debout que Judas, Jésus et les apôtres qui reprennent courage au spectacle des soldats abattus, si bien qu'ils s'approchent de Jésus en menaçant si explicitement Judas que celui-ci fait un saut juste à temps pour éviter un coup de maître de l'épée de Simon. Poursuivi sans résultat à coups de pierres et de bâtons que lui lancent par derrière les apôtres qui ne sont pas armés d'épées, il s'enfuit au-delà du Cédron et disparaît dans l'obscurité d'une ruelle.
"Levez-vous. Qui cherchez-vous ? Je vous le demande de nouveau."
"Jésus, le Nazaréen."
"Je vous ai dit que c'est Moi" dit Jésus avec douceur. Oui : avec douceur. "Laissez donc libres ces autres. Je viens. Déposez les épées et les bâtons. Je ne suis pas un larron. J'étais toujours parmi vous. Pourquoi ne m'avez-vous pas pris alors ? Mais c'est votre heure et celle de Satan..."
Mais pendant qu'il parle, Pierre s'approche de l'homme qui déjà tend les cordes pour lier Jésus, et il donne un coup d'épée maladroit. S'il s'était servi de la pointe, il l’égorgeait comme un mouton.
Ainsi il ne fait que lui décoller l'oreille qui reste pendante et laisse couler beaucoup de sang. L'homme crie qu'il est mort. Il y a du désordre entre ceux qui veulent avancer et ceux qui ont peur à la vue des épées et des poignards qui brillent.
"Déposez ces armes. Je vous le commande. Si je voulais, j'aurais les anges du Père pour me défendre. Et toi, sois guéri. Dans ton âme, si tu peux, pour commencer." Et avant de tendre les mains aux cordes, il touche l'oreille et la guérit.
Les apôtres poussent des cris désordonnés... Oui. Je regrette de le dire, mais c'est ainsi. L’un crie une chose, l’autre tout l’inverse. L'un crie : "Tu nous as trahis !" et un autre : "Mais il est fou !" et un autre encore : "Et qui peut te croire ?"
Et ceux qui ne crient pas, s’enfuient.
Jésus reste seul... Seul avec les sbires... Et le chemin commence...
----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
EMV 605.2 - Désespoir et suicide de Judas - Il aurait encore pu être sauvé s’il s’était repenti.
Effroyable réalisation de cette parole de saint Jean : "Alors, Satan entra en lui"
Je vois Judas. Il est seul. Il est vêtu de jaune clair avec un cordon rouge à la taille. Mon admoniteur intérieur m'avertit que c'est depuis peu qu'a été capturé Jésus et que Judas, qui s'est enfui tout de suite après, est maintenant en proie à un contraste de pensées. En effet l'Iscariote semble un fauve furieux et traqué par une meute de mâtins. Tout souffle de vent dans les feuillages, un bruit quelconque sur la route, l'écoulement d'une fontaine le font sursauter et se retourner soupçonneux et effrayé comme s'il se sentait rejoint par un justicier. Il tourne la tête en la gardant basse, le cou tordu, il tourne les yeux comme quelqu'un qui veut voir et a peur de voir. Si un jeu de lumière de la lune crée une ombre d'apparence humaine, il écarquille les yeux, fait un saut en arrière, devient encore plus livide qu'il ne l'était, s'arrête un instant et puis s'enfuit précipitamment en revenant sur ses pas, en se détournant par d'autres chemins jusqu'à ce qu'un autre bruit, un autre jeu de lumière le fait s'arrêter et s'enfuir dans une autre direction.
Dans sa folle marche il va ainsi vers l'intérieur de la ville, mais une clameur du peuple l'avertit qu'il est près de la maison de Caïphe, et alors, en se portant les mains à la tête et se penchant comme si ces cris étaient autant de pierres qui le lapident, il s'enfuit, s'enfuit. Et dans sa fuite, il prend une ruelle qui l'amène tout droit vers la maison où a été consommée la Cène. Il s'en aperçoit quand il est en face à cause d'une fontaine qui coule à cet endroit du chemin. Les pleurs de l'eau qui tombe goutte à goutte dans un petit bassin de pierre, et un faible sifflement du vent qui s'insinue dans le chemin étroit en produisant une lamentation étouffée, doivent lui sembler les pleurs de Celui qu'il a trahi et la plainte du Supplicié. Il se bouche les oreilles pour ne pas entendre et s'échappe, les yeux fermés, pour ne pas voir cette porte par laquelle peu d'heures avant il est passé avec le Maître et par laquelle il est sorti pour aller prendre les hommes armés pour se saisir de Lui.
Dans cette course aveugle il va heurter un chien errant, le premier chien que je vois depuis que j'ai les visions, un gros chien gris et hirsute qui s'écarte en grognant, prêt à s'élancer contre celui qui l'a dérangé. Judas ouvre les yeux et rencontre les pupilles phosphorescentes qui le fixent et il voit la blancheur des crocs découverts qui semblent produire un rire diabolique. Il pousse un cri de terreur.
Le chien, qui peut-être le prend pour un cri menaçant, se jette sur lui, et les deux roulent dans la poussière : Judas dessous, paralysé par la peur, le chien dessus. Quand la bête lâche sa proie, considérée peut-être comme indigne de la lutte, Judas saigne à cause de deux ou trois morsures et son manteau a de larges déchirures.
Il a été vraiment mordu à la joue, au point précis où il a baisé Jésus, La joue saigne et le sang souille au cou le vêtement jaunâtre de Judas. Le sang lui fait une sorte de collier, en imbibant le cordon rouge qui serre le vêtement au cou et il le rend plus rouge encore. Judas met la main à sa joue, il regarde le chien qui s'éloigne mais le guette dans l'ouverture d'une porte, il murmure : "Belzébuth !" et poussant de nouveau un cri, il s'enfuit, poursuivi par le chien pendant quelque temps.
Il fuit jusqu'au petit pont qui est près du Gethsémani. Là, soit fatigué de le suivre, soit que l'eau l'éloigné parce qu'il est hydrophobe, le chien abandonne sa proie et revient en arrière en grognant. Judas, qui s'était jeté dans le torrent pour prendre des pierres et les jeter au chien, le voyant s'éloigner, regarde autour de lui et s'aperçoit qu'il a de l'eau jusqu'à mi-mollet. Sans s'occuper de son vêtement de plus en plus trempé, il se penche sur l'eau et boit comme s'il était brûlé par la fièvre et il lave sa joue qui saigne et doit lui faire mal.
À la clarté d'un premier éveil de l'aube il remonte sur la berge, de l'autre côté comme s'il avait encore peur du chien et n'osait pas revenir vers la ville. Il fait quelques mètres et se trouve à l'entrée du Jardin des Oliviers. Il crie : "Non ! Non !" en reconnaissant l'endroit. Mais ensuite, je ne sais par quelle force irrésistible ou par quel sadisme satanique et criminel, il avance en cet endroit. Il cherche l'endroit où est arrivée la capture. La terre du sentier, foulée par de nombreux pieds, l'herbe piétinée en un point donné et du sang par terre, peut-être celui de Malchus, lui montrent que c'est là qu'il a indiqué l'Innocent aux bourreaux.
Il regarde, il regarde... et puis il pousse un cri rauque et fait un saut en arrière. Il crie : "Ce sang, ce sang !..." et il le montre... à qui ? avec son bras tendu et son index qu'il pointe. Dans la lumière croissante son visage se montre terreux et spectral. Il semble fou. Il a les yeux écarquillés et brillants comme s'il délirait; ses cheveux ébouriffés par la course et la terreur semblent dressés sur sa tête; la joue qui enfle lui tord la bouche en un rictus. Son vêtement déchiré, couvert de sang, mouillé, boueux, car la poussière en se mouillant est devenue de la boue, le rend semblable à un mendiant. Son manteau aussi déchiré et boueux pend d'une épaule comme une guenille et il s'y empêtre quand, continuant à crier : "Ce sang, ce sang !" il recule comme si ce sang était devenu une mer qui monte et submerge.
Judas tombe à la renverse et se blesse derrière la tête en heurtant une pierre. Il pousse un gémissement de douleur et de peur. "Qui est-ce ?" crie-t-il. Il doit avoir pensé que quelqu'un l'a fait tomber pour le frapper. Il se retourne avec terreur. Personne ! Il se lève. Maintenant le sang dégoutte aussi sur la nuque. Le cercle rouge s'élargit sur le vêtement. II ne tombe pas par terre car il y en a peu, le vêtement le boit. Maintenant la corde paraît déjà au cou.
Il marche. Il retrouve la trace du feu allumé par Pierre au pied d'un olivier, mais il ne sait pas que c'est Pierre qui l'a fait et croit que Jésus était là. Il crie : "Allez ! Allez !" et avec les deux mains tendues en avant, il paraît repousser un fantôme qui le tourmente. Il s'échappe et va finir justement contre le rocher de l'Agonie.
Maintenant l'aube est nette et permet de bien voir et tout de suite. Judas voit le manteau de Jésus laissé plié sur le rocher. Il le reconnaît. Il veut le toucher. Il a peur. Il allonge la main et la retire. Il veut. Il ne veut pas. Mais ce manteau le fascine. Il gémit : "Non ! Non !" Puis il dit :
"Oui, par Satan ! Oui, je veux le toucher. Je n'ai pas peur ! Je n'ai pas peur !"
Il dit qu'il n'a pas peur, mais la terreur lui fait claquer des dents, et le bruit que fait au-dessus de sa tête une branche d'olivier remuée par le vent et qui heurte un tronc voisin, le fait crier de nouveau. Pourtant il fait un effort et saisit le manteau. Et il rit. Un rire de fou, de démon. Un rire hystérique, saccadé, lugubre, qui n'en finit pas, car il a vaincu sa peur, et il le dit :
"Tu ne me fais pas peur, Christ. Plus peur. J'avais si grand peur de Toi car je te croyais Dieu et fort. Maintenant tu ne me fais plus peur, car tu n'es pas Dieu. Tu es un pauvre fou, un faible. Tu n'as pas su te défendre. Tu ne m'as pas réduit en cendres, comme tu n'as pas lu dans mon cœur la trahison. Mes peurs !... Quel sot ! Quand tu parlais, même hier soir, je croyais que tu savais. Tu ne savais rien. C'était ma peur qui donnait un sens prophétique à tes paroles toutes ordinaires. Tu n'es rien. Tu t'es laissé vendre, indiquer, prendre comme une souris dans son trou. Ta puissance ! Ton origine ! Ah ! Ah ! Ah ! Bouffon ! Le fort, c'est Satan ! Plus fort que Toi. Il t'a vaincu ! Ah ! Ah ! Ah ! Le Prophète ! Le Messie ! Le Roi d'Israël ! Et tu m'as assujetti pendant trois années ! Avec la peur toujours au cœur ! Et je devais mentir pour te tromper avec finesse quand je voulais jouir de la vie ! Mais même si j'avais volé et forniqué sans toute l'astuce que je mettais en œuvre, tu ne m'aurais rien fait. Poltron ! Fou ! Lâche ! Tiens ! Tiens ! Tiens ! J'ai eu tort de ne pas te faire à Toi ce que je fais à ton manteau pour me venger du temps où tu m'as tenu esclave par la peur. Peur d'un lapin !... Tiens ! Tiens ! Tiens !"
À chaque "tiens !" il cherche à mordre et à déchirer l'étoffe du manteau. Il le chiffonne dans ses mains. Mais en le faisant, il l'ouvre et apparaissent les taches qui l'humectent. La furie de Judas s'arrête. Il fixe ces taches. Il les touche, il les flaire. C'est du sang... Il le déplie. Elle est bien visible l'empreinte laissée par les deux mains tachées de sang quand il appuyait l'étoffe sur son visage.
"Ah !... Du sang ! Du sang ! Le sien... Non !"
Judas laisse tomber le manteau et regarde autour de lui. Contre le rocher aussi, là où Jésus s'est appuyé le dos quand l'ange le réconfortait, il y a une tache sombre de sang qui sèche.
"Là !... Là !... Du sang ! Du sang !..."
Il baisse les yeux pour ne pas voir, et il voit l'herbe toute rougie par le sang qui est tombé sur elle. Celui-ci, à cause de la rosée qui l'a dilué, paraît tombé depuis peu. Il est rouge et brille au premier soleil.
"Non ! Non ! Non ! Je ne veux pas voir ! Je ne puis voir ce sang ! Au secours !"
Il porte les mains à sa gorge et perd tout contrôle comme s'il se noyait dans une mer de sang.
"Arrière ! Arrière ! Laisse-moi ! Laisse-moi ! Maudit ! Mais ce sang, c'est une mer ! Il couvre la Terre ! La Terre ! La Terre ! Et sur la Terre il n'y a pas de place pour moi, car je ne puis voir ce sang qui la couvre. Je suis le Caïn de l'Innocent !"
L'idée du suicide, je crois qu'elle est venue en ce moment en ce cœur.
Le visage de Judas fait peur. Il se jette du talus et s'enfuit par l'oliveraie, sans revenir par la route déjà faite. Il semble poursuivi par des fauves. Il revient dans la ville. Il s'enveloppe comme il peut dans son manteau et cherche à couvrir sa blessure et son visage autant qu'il le peut.
Il se dirige vers le Temple. Mais pendant qu'il va dans cette direction, à un carrefour il se trouve en face des canailles qui traînent Jésus chez Pilate. Il ne peut se retirer car une autre foule le pousse dans le dos, en accourant pour voir. Et grand comme il est, il domine forcément et il voit. Et il rencontre le regard du Christ...
Les deux regards s'enlacent un moment.
Puis le Christ passe, lié, frappé, et Judas tombe à la renverse comme s'il s'évanouissait. La foule le piétine sans pitié, et il ne réagit pas. Il doit préférer être piétiné par tout un monde plutôt que de rencontrer ce regard.
Quand la meute déicide est passée avec le Martyr et que le chemin est libre, il se relève et court au Temple. Il bouscule et renverse presque un garde placé à la porte de l'enceinte. D'autres gardes arrivent pour interdire l'entrée au forcené, mais lui, comme un taureau furieux, les écarte tous. L'un d'eux, qui s'accroche après lui pour l'empêcher de pénétrer dans la salle du Sanhédrin où ils sont tous encore rassemblés pour discuter, est saisi à la gorge, étranglé et jeté, sinon mort certainement moribond, en bas des trois marches.
"Votre argent, maudits, je n'en veux pas" crie-t-il debout au milieu de la salle, à l'endroit où était avant Jésus.
On dirait un démon qui débouche de l'enfer. Ensanglanté, dépeigné, enflammé par le délire, la bave à la bouche, les mains comme des griffes, il crie et semble aboyer tant sa voix est perçante, rauque, hurlante.
"Votre argent, maudits, je n'en veux pas. Vous m'avez perdu. Vous m'avez fait commettre le plus grand péché. Comme vous, comme vous je suis maudit ! J'ai trahi le Sang innocent. Qu'ils retombent sur vous ce Sang et ma mort. Sur vous... Non ! Ah !..."
Judas voit le pavé baigné de sang.
"Même ici, même ici, il y a du sang ? Partout ! Partout il y a son sang ! Mais combien de sang a l'Agneau de Dieu pour en couvrir ainsi la Terre et ne pas en mourir ? Et c'est moi qui l'ai répandu ! À votre instigation. Maudits ! Maudits ! Maudits pour l'éternité ! Malédiction à ces murs ! Malédiction à ce Temple profané ! Malédiction au Pontife déicide ! Malédiction aux prêtres indignes, aux faux docteurs, aux pharisiens hypocrites, aux juifs cruels, aux scribes sournois ! Malédiction à moi ! À moi, malédiction ! À moi ! Prenez votre argent et qu'il vous étrangle l'âme dans la gorge, comme à moi la corde"
Et il jette la bourse à la figure de Caïphe et s'en va en poussant un cri alors que les pièces résonnent en s'éparpillant sur le sol après avoir frappé, en la faisant saigner, la bouche de Caïphe.
Personne n'ose le retenir.
Il sort. Il court à travers les chemins. Et fatalement il se trouve à rencontrer deux fois Jésus à l'aller et au retour de chez Hérode.
Il abandonne le centre de la ville pour prendre au hasard les ruelles les plus misérables et il finit de nouveau contre la maison du Cénacle. Elle est entièrement fermée, comme abandonnée.
Il s'arrête, la regarde.
"La Mère ! murmure-t-il. La Mère !..." Il reste indécis... "Moi aussi, j'ai une mère ! Et j'ai tué un fils à une mère !... Pourtant... je veux entrer... revoir cette pièce. Là, il n'y a pas de sang..."
Il donne un coup à la porte, un autre... un autre...
La maîtresse de maison vient ouvrir et entrouvre la porte, une fente... Et en voyant cet homme bouleversé, méconnaissable, elle jette un cri et essaie de refermer. Mais Judas, d'un coup d'épaule, l'ouvre toute grande et, renversant la femme effrayée, passe outre.
Il court vers la petite porte qui donne sur le Cénacle. Il l'ouvre. Il entre. Un beau soleil entre par les fenêtres grandes ouvertes. Judas pousse un soupir de soulagement. Il entre. Ici, tout est calme et silencieux. La vaisselle est encore comme on l'a laissée. On comprend que pour le moment, personne ne s'en est occupé. On pourrait croire qu'on va se mettre à table.
Judas va vers la table. Il regarde s'il y a du vin dans les amphores. Il y en a. Il boit avidement à l'amphore elle-même qu'il soulève à deux mains. Puis il se laisse tomber assis et appuie sa tête sur ses bras croisés sur la table. Il ne s'aperçoit pas qu'il est assis justement à la place de Jésus et qu'il a devant lui le calice qui a servi pour l'Eucharistie. Il s'arrête un moment jusqu'à ce que s'apaise l'essoufflement causé par sa longue course. Puis il lève la tête et voit le calice, et il reconnaît où il s'est assis.
Il se lève comme possédé. Mais le calice le fascine. Il y a encore au fond un peu de vin rouge et le soleil, en frappant le métal (qui paraît de l'argent) fait briller ce liquide.
"Du sang ! Du sang ! Du sang ici aussi ! Son Sang ! Son Sang !..." Faites cela en mémoire de Moi !... Prenez et buvez. Ceci est mon Sang... Le Sang du nouveau testament qui sera versé pour vous..." Ah ! Maudit que je suis ! Pour moi il ne peut plus être versé pour la rémission de mon péché. Je ne demande pas pardon car Lui ne peut me pardonner. Hors d'ici ! Hors d'ici ! Il n'y a plus d'endroit où le Caïn de Dieu puisse connaître le repos. À mort ! À mort !..."
Il sort. Il se trouve en face de Marie, debout à la porte de la pièce où Jésus l'a quittée. Elle, entendant du bruit, s'est montrée espérant peut-être voir Jean qui est absent depuis tant d'heures. Elle est pâle comme si elle avait perdu son sang. Elle a des yeux que la douleur rend encore plus semblables à ceux de son Fils. Judas rencontre ce regard qui le regarde avec la même connaissance affligée et consciente dont Jésus l'a regardé en route, et avec un "Oh !" effrayé il s'adosse au mur.
"Judas ! dit Marie, Judas, qu'es-tu venu faire ?"
Les paroles mêmes de Jésus, et dites avec un amour douloureux. Judas s'en souvient et pousse un cri.
"Judas, répète Marie, qu'as-tu fait ? À tant d'amour tu as répondu en trahissant ?"
La voix de Marie est une caresse tremblante.
Judas va s'échapper. Marie l'appelle d'une voix qui aurait dû convertir un démon.
"Judas ! Judas ! Arrête-toi ! Arrête-toi ! Écoute ! Je te le dis en son nom : repens-toi, Judas. Lui pardonne..."
Judas s'est enfui.
La voix de Marie, son aspect ont été le coup de grâce, ou plutôt de disgrâce car il résiste.
Il s'en va précipitamment. Il rencontre Jean qui accourt vers la maison pour prendre Marie. La sentence est prononcée. Jésus va aller au Calvaire. C'est le moment de conduire la Mère à son Fils.
Jean reconnaît Judas, bien qu'il reste bien peu du beau Judas d'il y a peu de temps.
"Toi ici ? lui dit Jean avec un dégoût visible. Toi ici ? Malédiction à toi, meurtrier du Fils de Dieu ! Le Maître est condamné. Réjouis-toi, si tu le peux, mais dégage le chemin. Je vais prendre la Mère. Qu'elle, ton autre Victime, ne te rencontre pas, reptile."
Judas s'enfuit. Il s'est enveloppé la tête dans les lambeaux de son manteau en laissant seulement une fente pour les yeux. Les gens, le peu de gens qui ne sont pas vers le Prétoire, l'évitent comme s'ils voyaient un fou. Et il semble tel.
Il erre à travers la campagne. Le vent apporte de temps à autre un écho de la clameur qui vient de la foule qui suit Jésus en Lui adressant des imprécations. Chaque fois qu'un pareil écho arrive à Judas, il hurle comme un chacal.
Je crois qu'il est réellement devenu fou car il cogne la tête rythmiquement contre les murets de pierre. Ou bien il est devenu hydrophobe parce que, quand il voit un liquide quelconque : eau, lait porté par un enfant dans un récipient, de l'huile qui coule d'une outre, il hurle, il hurle et crie :
"Du sang ! Du sang ! Son Sang !"
Il voudrait boire aux ruisseaux et aux fontaines. Il ne le peut car l'eau lui paraît du sang et il le dit :
"C'est du sang ! C'est du sang ! Il me noie ! Il me brûle ! J'ai le feu ! Son Sang, qu'il m'a donné hier, est devenu du feu en moi ! Malédiction à moi et à Toi !"
Il monte et descend les collines qui entourent Jérusalem. Et son œil, irrésistiblement, va au Golgotha. Et par deux fois il voit de loin le cortège qui monte en serpentant la côte, il regarde et pousse un cri.
Le voilà au sommet. Judas aussi est au sommet d'une petite colline couverte d'oliviers. Il y est pénétré en ouvrant une fermeture rustique comme s'il en était le maître ou pour le moins très habitué. J'ai l'impression que Judas ne se souciait pas beaucoup de la propriété d'autrui. Debout sous un olivier à l'extrémité d'un talus, il regarde vers le Golgotha. Il voit se dresser les croix et il comprend que Jésus est crucifié. Il ne peut voir ou entendre, mais le délire ou un maléfice de Satan lui font voir et entendre comme s'il était au sommet du Calvaire.
Il regarde, regarde comme halluciné. Il se débat :
"Non ! Non ! Ne me regarde pas ! Ne me parle pas ! Je ne le supporte pas. Meurs, meurs, maudit ! Que la mort ferme ces yeux qui me font peur, cette bouche qui me maudit. Mais moi aussi je te maudis puisque tu ne m'as pas sauvé."
Son visage est tellement hagard, qu'on ne peut le regarder. Deux filets de bave descendent de sa bouche hurlante. La joue mordue est livide et enflée et fait paraître son visage déformé. Les cheveux collés, sa barbe très noire qui a poussé sur ses joues en ces heures, mettent un bâillon lugubre sur ses joues et son menton. Les yeux, ensuite !... Ils roulent, ils louchent, ils sont phosphorescents. Des yeux de démon.
Il arrache de sa taille le cordon de grosse laine rouge qui la ceint de trois tours. Il en éprouve la solidité en l'enroulant autour d'un olivier et en tirant de toutes ses forces. Il résiste. Il est solide.
Il choisit un olivier qui se prête à ce qu'il veut faire. Voilà. Celui qui penche au-delà du talus, avec sa chevelure en désordre, va bien. Il monte sur l'arbre. Il assure solidement un nœud coulant à une branche des plus robustes et qui pend sur le vide. Il a déjà fait le nœud coulant. Il regarde une dernière fois vers le Golgotha, puis il enfile la tête dans le nœud coulant. Maintenant il paraît avoir deux colliers rouges à la base du cou. Il s'assoit sur le talus puis d'un coup se laisse glisser dans le vide.
Le nœud le serre. Il se débat quelques minutes. Ses yeux chavirent, l'asphyxie le rend noir, il ouvre la bouche, les veines du cou se gonflent et deviennent noires. Il envoie quatre ou cinq coups de pieds dans l'air, dans les dernières convulsions. Puis la bouche s'ouvre et la langue pend noire et baveuse, les globes oculaires ouverts sortent de la tête montrant le blanc de l'œil injecté de sang, l'iris disparaît vers le haut. Il est mort. Le vent fort, qui s'est levé avant l'orage imminent, balance le macabre pendule et le fait tourner comme une horrible araignée suspendue au fil de sa toile.
La vision finit et j'espère arriver à oublier bientôt tout ceci car je vous assure que c'est une vision horrible.
----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
---> Cette évolution de Judas qui se transforme en Satan incarné ne demande que très peu de commentaire. Le reste serait superflu.
---> DGC nous laisse entendre que selon son « exégèse », Satan ne serait pas encore entré en Judas avant de recevoir la bouchée de la main de Jésus, ce qui nous conduirait à penser de lui qu'il fut probablement jusqu’au jour de la Passion un homme plutôt convenable, à qui il arrivait de voler - mais qui donc est sans péché ! - et sans aucune méchanceté spéciale ni perversion du coeur : il aurait été finalement quelqu’un d'assez normal, dans la moyenne, et somme toute très excusable, mais avec une bien fâcheuse destinée ! "Vraiment pas de chance pour lui !", aurait-on envie de dire...
---> Mais l’Évangile, malgré son caractère si succinct, nous laisse entendre tout le contraire de cette fausse exégèse dégécienne :
---> En effet, si Judas était voleur malgré la présence infiniment sanctifiante de Jésus, et malgré ses enseignements plus doux que le miel, d’une puissance capable de convertir même les pierres, c’est que Satan lui-même était avec lui pour le faire résister de toutes ses forces au Bien, pour l’inciter à se séparer de Dieu.
---> Sa perte ne fut donc pas du tout un "manque de chance", mais une perversion préméditée, désirée par lui, entretenue et décuplée jusqu'au point de non retour, avec toute l'aide de l'enfer qu'il rechercha activement, en se livrant à l'intégralité des vices. Tout cela est on ne peut mieux décrit dans l'oeuvre, sans fauter contre la pudeur cependant.
3 ) La perte de Judas fut la plus grande douleur du Christ, aux dires même des plus grands saints catholiques : on ne va pas ensuite s’étonner qu’elle ait pu provoquer une telle abondance de combats spirituels, de tourments et de larmes pour Lui. Restons un minimum cohérents.
---> si Judas, lors du repas chez Simon le pharisien, se permit de critiquer publiquement ce que Jésus acceptait pourtant comme une preuve d’amour et de repentir de la part d’une ancienne pécheresse ( Jean 12,3 ), c’était que son cœur était insensible à l’Amour et au repentir, et rempli par l'amour du lucre, c’est-à-dire par tous les vices sans en excepter aucun.
---> ce fait est certes décrit d’une manière voilée dans l’Évangile - par soucis de concision - mais nous laisse deviner que Judas était en fait totalement étranger à l’Amour.
---> S’il en était différemment, alors saint Jean aurait du le dire pour contrebalancer la très mauvaise opinion qu’il suscite en nous au sujet de Judas : or il ne le fait nul part.
---> Tout est souvent dit dans l'Evangile en un seul mot. Un seul adjectif y est un monde à lui tout seul : « Joseph était un homme juste » ( Matt 1,19 )
---> et de même : « Judas disait cela, non par souci des pauvres, mais parce que c'était un voleur et que, tenant la bourse, il dérobait ce qu'on y mettait » ( Jean 12,6 )
---> C’était donc également un menteur. Tout est dit ici également en une phrase, et encore d’avantage en celle-ci : « Jésus leur dit : « N’est-ce pas moi qui vous ai choisis, vous, les Douze ? Et l’un de vous est un diable ! » ( Jean 6,70 )
---> Comment donc Satan n’était-il pas déjà entré en celui que Jésus décrit comme « un diable » ?
DGC corrigé en rouge :
Au lecteur qui peut s’étonner de tant d’inconsistances ( ??? ), « Jésus » objecte un passage difficilement intelligible ( ??? ) , tissé de confusions ( ??? ), émotionnelles pour le personnage ( ??? ), syntaxiques pour le texte( DGC confond ici quelques menus défauts de la première traduction française qu'il n'a pas su corriger lui-même, avec des failles grammaticales dans le texte original ) , théologiques pour le sens ( ??? ).
EMV 283.7 - Jésus souffre à cause de Judas, qui est une leçon vivante pour les apôtres de toute époque
( En rouge entre les // : la citation de DGC )
( En GRAS MAJUSCULE : les deux passages, mal traduits en français dans l'ancienne édition, et rectifiés )
(...) (...)
Jésus dit ensuite :
"Petit Jean ( nom donné par Jésus à Maria Valtorta sa "petite voix", ndt ), que de fois j'ai pleuré, le visage contre terre, pour les hommes. Et, vous, vous voudriez souffrir moins que Moi ?
Même pour vous, les bons sont dans la proportion qu'il y avait entre les bons et Judas. Et plus un homme est bon, plus il a à souffrir. Mais, pour vous aussi - et cela je le dis spécialement pour ceux qui sont préposés au soin des cœurs - il est nécessaire de s'instruire en étudiant Judas. Tous vous êtes des "Pierre", vous les prêtres, et vous devez lier et délier. Mais combien, combien, combien d'esprit d'observation, quelle fusion avec Dieu, quelle étude éveillée, quelles comparaisons avec la méthode de votre Maître vous devez faire pour être comme Lui, comme vous devez l’être.
// A certains cela semblera inutile, humain, impossible ce que je mets en lumière. Ce sont ceux qui ont l’habitude de nier les phases humaines de la vie de Jésus, et font de moi une chose tellement en dehors de la vie humaine ( qui n’est ) QU’ELLE N’EST uniquement qu’une chose divine.
Où donc alors SERAIT la Très Sainte Humanité, où le Sacrifice de la Seconde Personne en revêtant une chair ? Oh ! Combien vraiment j’étais l’homme parmi les hommes. J’étais l’homme et (pour) EN RAISON DE cela, je souffrais de voir le traître et les ingrats. (Pour) EN RAISON DE cela je jouissais de l’amour de qui m’aimait ou se convertissait à moi. C’est (pour) EN RAISON DE cela que je frémissais et pleurais devant le cadavre spirituel de Judas. J’ai frémi et pleuré devant un ami mort, mais je savais que je l’aurais rappelé à la vie et je jouissais de le voir déjà par son esprit dans les Limbes… Ici… ici j’avais en face de moi le Démon. Et je ne dis rien de plus. » // (II, 48, 263)
---> inconsistances : flop.
---> difficilement intelligible : flop.
---> tissé de confusions émotionnelles pour le personnage : flop.
---> syntaxiques pour le texte : flop.
---> théologiques pour le sens : flop.
---> Ceci est en réalité une réponse très juste et appropriée du Christ en Personne à l’auteur qui ne cesse de dénoncer comme "anormales" et "choquantes" les phases naturellement humaines de la Vie de Jésus, comme par exemple d'humblement pleurer et se lamenter sur Judas qui se perd, de l’exhorter longuement en lui montrant son Amour et en mendiant le sien, le suppliant de se convertir…
---> Non, pour DGC, le Christ n’aurait pas dû souffrir aussi humblement, comme un Homme véritable, avec toutes les bonnes passions de son âme certes parfaite, mais cependant ... humaine ! Et justement, on se demande bien où se situe l’Humanité dans ce que perçoit DGC de la Vie de Jésus, dont il semble bien ne faire qu’une chose divine, amputée de ses passions.
---> Mais voilà : la « théologie de la désincarnation » : ce n’est pas précisément ce que l’on trouve dans l’œuvre inspirée à Maria Valtorta, et l'on comprend que cela puisse choquer quelqu’un comme DGC, sans doute amateur de pureté éthérée et désincarnée, sans aucune manifestation d’affects humains.
DGC :
Avant de poursuivre précisément sur l’humanité et la divinité chez le personnage « Jésus » et les expressions de la foi en son incarnation,
---> Cela prête à rire ! Après ce qui précède, qu'est-ce que DGC a bien encore à nous dire sur l’humanité et la divinité du Christ ? C'est se moquer du monde.
DGC :
concluons : la déclaration de l’incarnation de Satan en Judas, mise en parallèle strict avec l’incarnation du Fils de Dieu, est irrecevable.
---> Or comme nous allons le voir encore, cette « mise en parallèle strict » est une invention de l'auteur, qui continue à calomnier l’œuvre sur la seule idée qu’il s’en fabrique.
DGC :
D’autres, comme les évangiles, ou un génie comme Caravage, ont cherché à scruter cette trahison, mais toujours avec la sobriété que commandait le mystère.
---> L'auteur de ce pamphlet continue de nier une chose pourtant évidente : les Évangiles sont tellement compendieux, qu’ils ne disent absolument rien de l’évolution de Judas au court des trois années de la Vie publique.
---> À ce stade, on ne peut plus appeler cela « de la sobriété », c'est bien au-delà !
---> Si le Caravage s’inspire de l’extrême concision des Évangiles pour traduire le mystère en n’en levant qu’à peine le voile, tel n’est pas le cas des écrits abondants qu’ont fait à ce sujet saint Jean Chrysostome et d’autres pères de l’Église, mais aussi plusieurs messagères de révélations privées, telles que la vénérable Maria d’Agreda et la bienheureuse Anne-Catherine Emmerich.
---> DGC va-t-il les condamner aussi pour cela, comme il souhaite mordicus condamner l'oeuvre de Maria Valtorta ?
---> Mais faut-il le rappeler ici : dom Guillaume Chevallier déteste les révélations privées, pour des raisons … très personnelles.
---> Petit résumé des attaques dégéciennes contre l'EMV dans ce volet : flop !
---> Dans le prochain volet concernant également Judas, nous allons examiner ce que DGC analyse comme étant une soi-disant erreur théologique dans l’EMV, et voir ce qu’il en est réellement.
Mentions légales ┃Politique de confidentialité
© Copyright. Tous droits réservés.
Nous avons besoin de votre consentement pour charger les traductions
Nous utilisons un service tiers pour traduire le contenu du site web qui peut collecter des données sur votre activité. Veuillez consulter les détails dans la politique de confidentialité et accepter le service pour voir les traductions.